Les nouveaux iPhone peuvent désactiver les défibrillateurs implantables

Ted Bosworth

16 février 2021

New York, Etats-Unis – Les patients concernés doivent savoir que certains modèles récents de smartphones équipés d’aimants, comme l’iPhone 12, peuvent désactiver leur défibrillateur cardiaque implantable (DCI).

« Après avoir placé l’iPhone à proximité du défibrillateur, au niveau de la partie gauche du thorax, nous avons constaté un arrêt immédiat de son fonctionnement. Cet arrêt a persisté pendant toute la durée du test », explique l’équipe de chercheurs menée par le Dr Joshua Greenberg, étudiant en électrophysiologie (hôpital Henry Ford,Detroit). Leurs observations ont été rapportées dans un article publié par la revue Heart Rhythm.

Un problème connu mais ré-activé avec le dernier iPhone

L’American Heart Association (AHA) avait déjà alerté sur le fait que les champs magnétiques pouvaient inhiber les générateurs d’impulsions présents dans les DCI et les stimulateurs cardiaques. Le site web de l’AHA a publié une liste d’appareils, avec leur potentiel d’interférence fonctionnelle, mais les téléphones portables et les autres appareils courants y étaient considérés jusqu’ici comme n’induisant qu’un faible risque de problème.

Le dernier iPhone (et peut-être d’autres smartphones récents) semble différent sur ce plan : il possède un réseau circulaire d’aimants entourant une bobine de charge centrale, et ce réseau interagit avec la technologie MagSafe, propriété d’Apple, qui accélère la recharge de l’appareil. Les aimants servent également à orienter le téléphone sur le chargeur et à activer d’autres accessoires fonctionnant sous MagSafe.

Au départ, les auteurs de l’étude craignaient que ce réseau d’aimants soit assez puissant pour interférer avec les DCI ou d’autres appareils à risque. Dans une étude publiée précédemment, la force du champ magnétique suffisant pour interférer avec les dispositifs cardiaques implantables avait été estimée à 10 gauss.

Interruption de fonctionnement du défibrillateur implantable (barre orange montrée par la flèche rouge) avec l’iPhone 12 posé sur la poitrine d’un patient (flèche verte) et fluoroscopie de iPhone12 montrant le circuit d’aimants circulaire (flèche jaune). Crédit [1]

Des tests ont été effectués sur un patient portant un DAI de Medtronic. « Après avoir placé l’iPhone à proximité du défibrillateur, au niveau de la partie gauche du thorax, nous avons constaté un arrêt immédiat de son fonctionnement. Cet arrêt a persisté pendant toute la durée du test ». Et selon les auteurs de l’étude, le phénomène a été reproduit à de nombreux reprises et pour différents positionnements du smartphone. Des études antérieures avaient montré que les modèles précédents ne présentaient pas ce risque. Dans l’une d’entre elles, qui portait sur l’iPhone 6 et sur une Apple Watch chez 148 patients porteurs de différents types de dispositifs électroniques implantables (y compris des stimulateurs cardiaques, des défibrillateurs cardioverteurs, des défibrillateurs de resynchronisation et des stimulateurs cardiaques de resynchronisation), un seul cas d’interférence significative avait été observé au cours des 1 352 tests réalisés.

Des interférences induites par l’iPhone 6 ont été détectées par télémétrie inductive chez 14 % des patients mais elles ne semblaient pas cliniquement significatives, et ce type d’interférence n’a pas été observé avec l’Apple Watch. La seule interaction observée, qui concernait un iPhone 6 et un stimulateur cardiaque à deux chambres, suggérait que les interactions entre appareils sont peu fréquentes.

Attention aussi aux bracelets d’activité connectés

Plus récemment, une femme équipée d’un DCI à chambre unique et de marque Medtronic, qui s’était endormie avec son Apple Watch, a été réveillée par des bips d’avertissement provenant de son stimulateur cardiaque, selon une étude de cas. La proximité de la montre reproduisant l’avertissement pendant l’examen clinique, l’Apple Watch a été suspectée mais il s’est finalement avéré que l’interférence magnétique provenait du bracelet et non de la montre. Ce cas a donné lieu à des études supplémentaires avec les Fitbit et d’autres Apple Watch. Ces deux types de bracelets, qui contiennent des aimants permettant de suivre la fréquence cardiaque, se sont montrés capables de désactiver les DCI à une distance d’environ 2 cm. Sur la base de ces résultats, les auteurs ont conclu que les patients devraient être avertis du risque posé par les bracelets d’activité connectés, concluant qu’ils devraient être tenus à une distance minimale de 6 pouces (environ 17 cm) des DCI et ne pas être portés au cours du sommeil.

Sur son site web, Apple publie une page mettant spécifiquement en garde contre le potentiel interactif entre les iPhone 12 et les appareils médicaux. Si la firme reconnait que l’iPhone 12 contient plus d’aimants que les modèles précédents, elle affirme que l’iPhone 12 « ne devrait pas présenter un risque d’interférence magnétique plus important pour les appareils médicaux que les modèles précédents ». Néanmoins, les instructions d’Apple conseillent de garder l’iPhone et les accessoires MagSafe à plus de 6 pouces des appareils médicaux.

Avertir les patients

Joshua Greenberg et son équipe concluent que l’iPhone 12 présente un risque plus important de provoquer un dysfonctionnement des DCI et d’autres dispositifs médicaux. En conséquence, l’étude met en avant « un important problème de santé publique concernant la nouvelle génération d’iPhone 12 ».

Très au courant de ce type de problématique, le Dr Bruce Wilkoff, qui est en charge des dispositifs de stimulation cardiaque et de tachyarythmie à la Cleveland Clinic, estime que la recherche sur ce problème ne devrait pas se limiter aux iPhone 12 mais concerner également d’autres appareils portables : « Les stimulateurs cardiaques et les défibrillateurs implantables sont conçus pour répondre à des aimants pour des raisons impératives de fonctionnement, mais [le problème est que] les aimants ont de nombreuses autres applications. »  Ils peuvent modifier la fonction du dispositif cardiaque implantable, mais seulement « de façon temporaire, et lorsqu’ils sont placés à sa proximité. »

La solution au problème est a priori simple. « Les patients doivent veiller à ne pas placer ces objets à proximité de leur DCI », conseille Bruce Wilkoff. Ils doivent être conseillés et bénéficier de conseils pratiques, selon les auteurs. Il s’agit notamment de ne pas placer ces appareils dans une poche située trop près d’un DCI. Les auteurs demandent que les fabricants de smartphones et d’autres appareils dotés d’aimants suffisamment puissants pour modifier le fonctionnement des stimulateurs cardiaques et des DCI communiquent de façon plus audible à ce sujet, et ils conseillent également aux médecins d’y sensibiliser leurs patients.

Apple publie une nouvelle liste d’appareils pouvant interférer avec les dispositifs cardiaques

Patrice Wendling

1er juillet 2021

Cupertino, Etats-Unis – L’entreprise Apple a étendu la liste de ses produits qui devraient être maintenus à une distance « de sécurité » des dispositifs cardiaques pour cause d’interférences électromagnétiques potentielles.

Un document du support d’Apple liste désormais une vaste liste de produits incluant : AirPods, Apple Watches, HomePods, iPads, Beats, ordinateurs Mac, les modèles d’iPhone 12, et accessoires MagSafe .

La compagnie basée à Cupertino en Californie signale que ces produits spécifiques contiennent des aimants et que, « dans certaines conditions, les aimants et les champs magnétiques peuvent interférer avec les dispositifs médicaux. Pour exemple, les pacemakers et les défibrillateurs peuvent contenir des capteurs qui répondent aux aimants et ondes radios quand ils sont en contact rapproché ».

Le document fait suite à une étude rapportée le mois dernier dans laquelle l’IPhone max avec la technologie MagSafe, conçue pour optimiser le chargement sans fil, a interféré avec des dispositifs électroniques implantables lors de tests in vivo et ex vivo, avec des différences de susceptibilité selon les dispositifs cardiaques.

A la suite de la publication d’autres rapports sur de potentielles interférences électromagnétiques, la FDA a fait paraitre une alerte en mai, établissant que « les téléphones cellulaires ne semblent pas poser de problème significatif pour les porteurs de pacemaker », mais que les patients devraient éviter de porter leur téléphone au-dessus de leur dispositif implantable.

Ce nouveau document, publié le 25 juin, repéré en premier par MacRumors, avise aussi les clients de conserver leur « produit Apple à une distance de sécurité de leur dispositif médical (distance de plus de 15 cm ou plus de 30 cm si l’appareil dispose d’un chargement sans fil). »

« Si vous suspectez que votre produit Apple interfère avec votre dispositif médical, arrêtez d’utiliser votre produit Apple et consulter votre médecin et le fabricant de votre dispositif » indique le document.

Les produits Apple spécifiquement concernés sont :

AirPods et leur boitier de chargement :

  • AirPods et boitier de chargement
  • AirPods and boitier de chargement sans fil
  • AirPods Pro et boitier de chargement sans fil
  • AirPods Max et boitier intelligent

Apple Watch et ses accessoires

  • Apple Watch
  • Apple Watch bands avec aimants
  • Apple Watch avec accessoires de chargement magnétique

HomePod

  • HomePod
  • HomePod mini

iPad et accessoires

  • iPad
  • iPad mini
  • iPad Air
  • iPad Pro
  • iPad Smart Covers and Smart Folios
  • iPad Smart Keyboard and Smart Keyboard Folio
  • Magic Keyboard for iPad

iPhone et accessoires MagSafe

  • Modèles d’iPhone 12
  • Accessoires MagSafe

Mac et accessoires

  • Mac mini
  • Mac Pro
  • MacBook Air
  • MacBook Pro
  • iMac
  • Apple Pro Display XDR

Beats

  • Beats Flex
  • Beats X
  • PowerBeats Pro
  • UrBeats3

Le document du support Apple ne fait pas référence aux études de sécurité menées avec l’iPhone 12/MagSafe, mais mentionne que « certains autres produits Apple contiennent des aimants qui ne sont pas susceptibles d’interférer avec les dispositifs médicaux. »

Apple indique également que davantage d’informations concernant la sécurité sont disponibles dans la section Informations importantes de Sécurité des guides utilisateurs de ses produits.

Bornes de recharge pour voitures électriques : y-a-t-il un risque pour les porteurs de dispositifs cardiaques ?

Nadine Eckert

22 mai 2023

Berlin, Allemagne – D’après une nouvelle étude du Centre allemand du Cœur de Munich (Deutsches Herzzentrum), les porteurs d’un stimulateur cardiaque ou d’un défibrillateur automatique implantable (DAI) peuvent recharger leur voiture électrique à une borne de recharge rapide (BRR) sur l’autoroute sans risque de perturber leur dispositif. Ce résultat est important car « les nouvelles stations de recharge à haute puissance pour les voitures électriques peuvent générer de forts champs électromagnétiques et provoquer des interférences électromagnétiques sur les stimulateurs cardiaques et les défibrillateurs, ce qui pourrait entraîner des dysfonctionnements », explique le Dr Carsten Lennerz, auteur principal de l’étude publiée dans la revue EP Europace.

Voitures électriques et dispositifs cardiaques : une préoccupation ancienne

Ce n’est pas la première fois que la sécurité des voitures électriques et de l’infrastructure liée à leur recharge est étudiée chez les porteurs d’implants cardiaques électriques (cardiac implantable electronic devices, CIED) tels que les stimulateurs, les DAI et les systèmes de resynchronisation cardiaque (CRT).

Comme l’explique Daniel Steven, porte-parole du groupe de travail « Electrophysiologie et rythmologie » de la Société allemande de cardiologie (DGK), « les groupements d’intérêts de l’industrie automobile et des forums internet les plus divers se préoccupent depuis des années de savoir si le champ électromagnétique émis par les batteries de voiture peut interférer avec le bon fonctionnement des CIED. »

Les experts ont, en effet, craint que les stimulateurs cardiaques ne tombent en panne ou que les DAI ne détectent à tort des arythmies, délivrant alors des décharges électriques douloureuses. À l’origine, la question était de savoir si des interférences pouvaient déjà se produire entre le champ électromagnétique généré par les batteries à haute tension et les CIED lors de l’utilisation d’une voiture électrique. « À partir d’une intensité de champ magnétique de 300 µT, on peut effectivement supposer que des interférences peuvent se produire avec les systèmes implantés », justifie Daniel Steven, qui dirige le département d’électrophysiologie au Centre cardiaque de l’université de Cologne.

La conduite et la recharge à domicile se sont avérées sûres

Néanmoins, les premières études qui ont été menées sur le sujet, se sont avérées rassurantes : même lorsque les batteries délivrent une puissance élevée au cours de la conduite, aucune interférence avec les stimulateurs cardiaques n’a été observée. Les intensités de champ se situaient entre 30 et 50 µT et ne présentaient donc aucun risque pour les patients. « Les batteries haute tension sont bien isolées, ne serait-ce que pour éviter les interférences avec les systèmes électriques de la voiture. Les constructeurs automobiles ont donc un intérêt intrinsèque à réduire l’intensité du champ dans la voiture », explique Daniel Steven.

D’autres recherches ont porté sur la recharge des voitures électriques à domicile. Les stations de recharge domestiques fonctionnent avec du courant alternatif, ont une puissance de 11 kW et sont moins bien protégées que les BRR. « Mais, là encore, on a constaté que ni le contact avec le câble ni celui avec la station de recharge ne dépassaient une intensité de champ de 150-180 µT. »

Les chargeurs rapides sont également sûrs

L’étude présentée ici s’est intéressée aux bornes à haute puissance, qui doivent recharger le plus rapidement possible les voitures électriques sur l’autoroute. Ces BRR ont une puissance de recharge allant jusqu’à 350 kW et fonctionnent avec du courant continu, ce qui leur permet de fournir rapidement plus d’énergie.

Carsten Lennerz et son équipe ont recruté 130 patients portant un stimulateur cardiaque, un DAI ou un système CRT. Ils étaient âgés en moyenne de 59 ans, et près de 80% étaient des hommes. Les voitures électriques utilisées étaient une Tesla Modèle 3, une Audi E-tron 55 Quattro, une VW ID.3 et une Porsche Taycan Turbo. Comme ces voitures ne sont pas encore en mesure d’absorber la charge maximale de 350 kW, des processus de charge ont en outre été effectués avec une voiture test de Ionity conçue à cet effet.

Afin d’exclure tout risque potentiel, les dispositifs implantables des participants à l’étude ont été programmés de manière à détecter les interférences électromagnétiques de manière optimale. En outre, les participants ont placé les câbles de charge sur leur épaule de manière à ce qu’ils se trouvent directement au-dessus du stimulateur cardiaque ou du DAI.

Aucune interférence malgré le scénario du pire

« Cette étude a été conçue comme un scénario du pire, en maximisant le risque d’interférences électromagnétiques. Malgré cela, nous n’avons pas constaté d’interférence cliniquement significative ni de dysfonctionnement des appareils pendant l’utilisation des BRR », rapporte Carsten Lennerz.

Au total, les participants à l’étude ont effectué 561 processus de charge, au cours desquels il n’y a eu ni défaillance des stimulateurs cardiaques, ni détection erronée d’arythmies. D’après les auteurs, aucune modification de la programmation ni aucun dommage sur les appareils eux-mêmes n’ont été observés à la suite des processus de charge.

« En raison des grandes quantités d’énergie délivrées par les BRR, les câbles eux-mêmes doivent être fortement isolés et en partie refroidis. Et cette densité d’isolation autour des câbles fait que le champ électromagnétique est très fortement confiné », explique Daniel Steven. En fait, les intensités de champ les plus élevées qu’ont mesurés les chercheurs munichois étaient de 80-90 µT – et ce, au niveau de la station de recharge, à hauteur de la tête de l’utilisateur, donc loin du câble et de la voiture elle-même.

Garder ses distances ne peut nuire

« Il semble que ni l’utilisation d’une voiture électrique, ni les processus de recharge avec un chargeur à courant alternatif au domicile ou par un chargeur à haute puissance ne génèrent des interférences pouvant être dangereuses pour les porteurs de stimulateur cardiaque », explique Daniel Steven.

Et Carsten Lennerz de conclure : « Les patients porteurs d’un CIED peuvent être rassurés. Le risque de dysfonctionnement des stimulateurs cardiaques et des DAI est extrêmement faible. Au moment de la recharge, il n’y a pas de danger à s’asseoir dans la voiture ou à rester debout à côté du câble ou de la station de recharge. Nous recommandons cependant de ne pas placer le câble de charge directement sur le dispositif cardiaques et de garder une certaine distance avec les éléments de charge. »