Dans l’Actu : les xénogreffes

Ryan Syrek

4 février 2022

 

Selon un rapport de l’Observatoire mondial sur le don et la transplantation, moins de 10 % des besoins mondiaux en greffes d’organes ont été couverts en 2020. En France, plus de 24 000 patients sont sur une liste d’attente de greffes. Aux États-Unis, ils seraient 100 000. C’est pourquoi les données récentes sur la xénotransplantation ont suscité beaucoup d’intérêt cette semaine.

En octobre 2021, des chirurgiens de NYU Langone Health à New York avaient ​​greffé un rein de porc chez un patient en état de mort cérébrale pour la première fois sans observer de rejet immédiat. Les gènes de ce porc avaient été modifiés de sorte que ses tissus ne contenaient plus une molécule connue pour déclencher un rejet quasi immédiat. Pendant 3 jours, le nouveau rein a été rattaché aux vaisseaux sanguins du receveur et maintenu à l’extérieur de son corps, permettant aux chercheurs d’y accéder. Les résultats des tests de la fonction rénale de l’organe transplanté étaient normaux, sans preuve de rejet précoce généralement observé lorsque des reins de porc non modifiés sont transplantés chez des primates non humains. Le niveau élevé de créatinine du receveur est revenu à la normale après la greffe.

En janvier, des chirurgiens du centre médical de l’Université du Maryland (UMMC), à Baltimore, ont réussi une transplantation cardiaque de porc chez un humain. Un communiqué de presse [1] explique que trois gènes associés au rejet médié par les anticorps ont été éliminés chez le porc donneur. Six gènes humains associés à l’acceptation immunitaire de l’organe ont également été insérés dans le génome de l’animal. Avant la greffe, le patient avait besoin d’une assistance circulatoire mécanique. La transplantation cardiaque standard à l’UMMC et dans d’autres établissements lui avait été refusée. Souffrant d’arythmies ventriculaires, il n’était pas non plus admissible à un dispositif d’assistance ventriculaire implanté. Le porc donneur provenait de Revivicor, Inc, une société de médecine régénérative. Un médicament antirejet expérimental a également été utilisé, en plus des immunosuppresseurs couramment utilisés.

Fin janvier, peu de temps après la transplantation cardiaque, des chirurgiens de l’Université de l’Alabama à Birmingham (UAB) ont transplanté deux reins de porc modifiés génétiquement selon le même modèle chez un receveur humain en état de mort cérébrale. Les reins transplantés ont filtré le sang, produit de l’urine et n’ont pas été immédiatement rejetés, restant viables jusqu’à la fin de l’étude 77 heures après la transplantation. Bien que l’équipe de NYU Langone Health ait été la première à annoncer la réussite d’une greffe du même type, le travail de l’UAB est la première étude sur une telle procédure évaluée par des pairs et publiée. [2,3] Les reins ont été obtenus à partir de porcs génétiquement modifiés provenant également de Revivicor ; ils avaient un total de 10 gènes modifiés, y compris l’hormone de croissance porcine. Les chercheurs de l’UAB indiquent que bien que la transplantation soit le critère de traitement standard de l’insuffisance rénale terminale, moins de 25 000 transplantations rénales sont effectuées chaque année aux États-Unis et 240 américains décèdent chaque jour sous dialyse.

Ces xénogreffes ont suscité de nombreuses réactions à travers le monde. Si la possibilité de réduire le nombre décès des personnes en attente de greffe a redonné espoir a beaucoup, d’autres attirent l’attention sur les considérations éthiques de ces avancées, telles que la sélection des patients et le coût. Certains rappellent également que la xénotransplantation n’en est qu’à ses débuts…

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