Lisbonne, Portugal — Un nouvel inhibiteur sélectif de la myosine cardiaque, l’aficamten, a permis une amélioration de la fonction cardiaque et des symptômes chez des patients atteints d’une cardiomyopathie hypertrophique (CHM) obstructive, selon les résultats de l’essai de phase 3 SEQUOIA-HF, présentés lors du congrès de la Société européenne de cardiologie (ESC) dédié à l’insuffisance cardiaque (ESC-HF). Ils ont été publiés simultanément dans le NEJM.
Après le mavacamten (Camzyos®, BMS), qui a inauguré cette nouvelle classe thérapeutique, l’aficamten se révèle tout aussi concluant avec un bénéfice clinique apparaissant dès la deuxième semaine de traitement. Dans la HCM obstructive, « les inhibiteurs de la myosine doivent être désormais considérés comme le traitement standard », estime le Pr Perry Elliot (Centre for Heart Muscle Disease, University College London, Royaume-Uni), qui a commenté les résultats en fin de présentation.
Par rapport au mavacamten, l’aficamten a l’avantage d’avoir une demi-vie plus courte, ce qui permet d’ajuster plus rapidement le traitement, précisent les auteurs. La dose efficace peut être identifiée « en quelques semaines seulement ». De plus, « l’aficamten a été conçu pour avoir une relation dose-réponse peu importante », offrant ainsi une certaine souplesse dans les ajustements.
Fenêtre thérapeutique plus large
« La marge thérapeutique est large. Il n’est pas nécessaire de surveiller les concentrations plasmatiques. L’ajustement de la dose peut se faire toutes les deux semaines. Et, une augmentation de la dose d’aficamenten n’induit qu’une baisse légère de la fraction d’éjection ventriculaire gauche », a précisé lors de sa présentation le Pr Martin Maron, (Lahey Hospital and Medical Center, Burlington, États-Unis), principal auteur de l’étude.
L’arrivée de ces inhibiteurs sélectifs de la myosine cardiaque représente un progrès majeur dans la prise en charge de la HCM obstructive. Avant l’autorisation de mise sur le marché (AMM) du mavacamten et son autorisation d’accès précoce en France fin 2023, il n’existait pas de traitement spécifique pouvant soigner les causes de cette maladie et pas seulement les symptômes.
La cardiomyopathie hypertrophique se caractérise par une hypertrophie du ventricule gauche. Il s’agit de la maladie cardiaque d’origine génétique la plus fréquente. Elle concerne environ 1 personne sur 500. Dans 70 % des cas, la maladie devient obstructive en raison d’un épaississement trop important finissant par gêner l’éjection du sang du ventricule gauche vers l’aorte.
Si certains patients sont asymptomatiques, d’autres peuvent présenter un essoufflement, en particulier lors d’un effort, une douleur thoracique ou bien des sensations de palpitations. Il est aussi observé des malaises avec parfois des pertes de conscience. La forme obstructive est une cause majeure de syncope à l’effort et de mort subite.
Ajustement du traitement basé sur l’échographie
Par son mode d’action, l’inhibition sélective de la myosine cardiaque empêche la formation excessive de ponts entre microfilaments d’actine et de myosine observée dans la CMH, ce qui réduit la capacité du ventricule gauche à se raccourcir et s’épaissir de manière excessive (hypercontractilité cardiaque). La fonction cardiaque se retrouve alors améliorée.
Après avoir permis une amélioration de la condition physique (pic de VO2 augmenté) et des symptômes cliniques chez des patients atteints de CMH obstructive, notamment dans l’essai de pages 3 EXPLORER-HCM, le mavacamten a fait son entrée dans les dernières recommandations européennes sur la prise en charge des cardiomyopathies, publiées en 2023.
Le mavacamten est indiqué en seconde intention dans le traitement de la CMH obstructive chez les patients adultes symptomatiques (NYHA de stade II-III), lorsqu’un traitement de fond optimisé par bêtabloquants, inhibiteurs calciques et/ou par l’inhibiteur des canaux sodiques disopyramide est inefficace ou mal toléré.
Mené dans 14 pays d’Amérique du Nord, d’Europe et d’Asie, l’essai de phase 3 SEQUOIA-HF a inclus 282 patients (âge moyen de 59 ans) avec une capacité physique réduite en raison d’une CMH obstructive (NYHA II-III). Ils avaient un gradient obstruction intraventriculaire gauche (LVOT) moyen de 55 mmHg au repos (l’obstruction est définie à partir de 30 mmHg) et une FEVG moyenne de 74,8 %.
Le pic de VO2 augmenté de 1,8 ml/kg/min
Ils ont été randomisés pour recevoir quotidiennement, en plus du traitement standard, une dose d’aficamten ou un placebo pendant 24 semaines. La dose initiale d’aficamten est de 5 mg. Pendant les deux premiers mois, la dose pouvait être augmentée toutes les deux semaines en cas de FEVG ≥ 55 % et de LVOT ≥ 30 mmHg. Près de la moitié des patients ont reçu la dose maximale de 20 mg.
Le critère principal d’évaluation porte sur les variations du pic de consommation d’oxygène (pVO2), révélatrice de la condition physique. À 24 semaines, le pVO2 a augmenté de 1,8 ml/kg/min dans le groupe sous aficamten, tandis que dans le groupe placebo, aucun changement n’a été observé. L’amélioration est similaire que le traitement soit associé ou non aux bêtabloquants.
Pour avoir une idée du bénéfice, « le risque de décès ou de transplantation cardiaque dans la HCM est réduit de 18 % pour chaque hausse de 1,8 ml/kg/min du pVO2 », a rappelé le Pr Maron. « Les résultats montrent un intérêt clinique avec une amélioration significative de la capacité physique. »
Concernant les dix critères secondaires choisis, ils ont tous été améliorés de manière significative sous aficamten. C’est le cas notamment pour la qualité de vie (score KCCQ supérieur de 7 points par rapport au placebo), ainsi que pour l’évolution de l’insuffisance cardiaque (amélioration de la classe NYHA pour 58,5 % des patients sous aficamten, contre 24,3 % sous placebo).
Impact léger sur la FEVG
La réduction du gradient d’obstruction à l’effort est en moyenne de 50 mmHg par rapport au placebo. Près de la moitié des patients sont passés sous les 30 mmHg, contre 3,6 % dans le groupe placebo. À 12 semaines, plus aucun patient sous inhibiteur de myosine ne présente les critères pour une intervention chirurgicale visant à réduire l’obstruction par réduction septale.
Concernant la sécurité, des effets indésirable sévères ont été rapportés chez 5,6 % des patients sous aficamten et 9,3 % dans le groupe placebo. Parmi les événements moins sévères, les palpitations étaient plus fréquentes chez les patients traités (7 % versus 2,9 %), tout comme l’hypertension (7,7 % versus 2,1 %).
À 24 semaines, la FEVG a été légèrement diminuée chez les patients traités par l’inhibiteur par rapport au groupe témoin (−4,8 %). Une FEVG < 50 % a été observée chez 3,5 % des patients sous aficamten contre 0,7 % sous placebo. Les patients sont restés asymptomatiques.
« Il est rassurant de constater qu’un très petit nombre de patients présentent une FEVG < 50 % sous aficamten. Il n’y a pas eu d’insuffisance cardiaque associée, ni besoin d’interrompre le traitement », a commenté le Pr Maron, qui rappelle que l’effet sur la fraction d’éjection est réversible avec une baisse, voire l’arrêt du traitement.