Bornes de recharge pour voitures électriques : y-a-t-il un risque pour les porteurs de dispositifs cardiaques ?

Nadine Eckert

22 mai 2023

Berlin, Allemagne – D’après une nouvelle étude du Centre allemand du Cœur de Munich (Deutsches Herzzentrum), les porteurs d’un stimulateur cardiaque ou d’un défibrillateur automatique implantable (DAI) peuvent recharger leur voiture électrique à une borne de recharge rapide (BRR) sur l’autoroute sans risque de perturber leur dispositif. Ce résultat est important car « les nouvelles stations de recharge à haute puissance pour les voitures électriques peuvent générer de forts champs électromagnétiques et provoquer des interférences électromagnétiques sur les stimulateurs cardiaques et les défibrillateurs, ce qui pourrait entraîner des dysfonctionnements », explique le Dr Carsten Lennerz, auteur principal de l’étude publiée dans la revue EP Europace.

Voitures électriques et dispositifs cardiaques : une préoccupation ancienne

Ce n’est pas la première fois que la sécurité des voitures électriques et de l’infrastructure liée à leur recharge est étudiée chez les porteurs d’implants cardiaques électriques (cardiac implantable electronic devices, CIED) tels que les stimulateurs, les DAI et les systèmes de resynchronisation cardiaque (CRT).

Comme l’explique Daniel Steven, porte-parole du groupe de travail « Electrophysiologie et rythmologie » de la Société allemande de cardiologie (DGK), « les groupements d’intérêts de l’industrie automobile et des forums internet les plus divers se préoccupent depuis des années de savoir si le champ électromagnétique émis par les batteries de voiture peut interférer avec le bon fonctionnement des CIED. »

Les experts ont, en effet, craint que les stimulateurs cardiaques ne tombent en panne ou que les DAI ne détectent à tort des arythmies, délivrant alors des décharges électriques douloureuses. À l’origine, la question était de savoir si des interférences pouvaient déjà se produire entre le champ électromagnétique généré par les batteries à haute tension et les CIED lors de l’utilisation d’une voiture électrique. « À partir d’une intensité de champ magnétique de 300 µT, on peut effectivement supposer que des interférences peuvent se produire avec les systèmes implantés », justifie Daniel Steven, qui dirige le département d’électrophysiologie au Centre cardiaque de l’université de Cologne.

La conduite et la recharge à domicile se sont avérées sûres

Néanmoins, les premières études qui ont été menées sur le sujet, se sont avérées rassurantes : même lorsque les batteries délivrent une puissance élevée au cours de la conduite, aucune interférence avec les stimulateurs cardiaques n’a été observée. Les intensités de champ se situaient entre 30 et 50 µT et ne présentaient donc aucun risque pour les patients. « Les batteries haute tension sont bien isolées, ne serait-ce que pour éviter les interférences avec les systèmes électriques de la voiture. Les constructeurs automobiles ont donc un intérêt intrinsèque à réduire l’intensité du champ dans la voiture », explique Daniel Steven.

D’autres recherches ont porté sur la recharge des voitures électriques à domicile. Les stations de recharge domestiques fonctionnent avec du courant alternatif, ont une puissance de 11 kW et sont moins bien protégées que les BRR. « Mais, là encore, on a constaté que ni le contact avec le câble ni celui avec la station de recharge ne dépassaient une intensité de champ de 150-180 µT. »

Les chargeurs rapides sont également sûrs

L’étude présentée ici s’est intéressée aux bornes à haute puissance, qui doivent recharger le plus rapidement possible les voitures électriques sur l’autoroute. Ces BRR ont une puissance de recharge allant jusqu’à 350 kW et fonctionnent avec du courant continu, ce qui leur permet de fournir rapidement plus d’énergie.

Carsten Lennerz et son équipe ont recruté 130 patients portant un stimulateur cardiaque, un DAI ou un système CRT. Ils étaient âgés en moyenne de 59 ans, et près de 80% étaient des hommes. Les voitures électriques utilisées étaient une Tesla Modèle 3, une Audi E-tron 55 Quattro, une VW ID.3 et une Porsche Taycan Turbo. Comme ces voitures ne sont pas encore en mesure d’absorber la charge maximale de 350 kW, des processus de charge ont en outre été effectués avec une voiture test de Ionity conçue à cet effet.

Afin d’exclure tout risque potentiel, les dispositifs implantables des participants à l’étude ont été programmés de manière à détecter les interférences électromagnétiques de manière optimale. En outre, les participants ont placé les câbles de charge sur leur épaule de manière à ce qu’ils se trouvent directement au-dessus du stimulateur cardiaque ou du DAI.

Aucune interférence malgré le scénario du pire

« Cette étude a été conçue comme un scénario du pire, en maximisant le risque d’interférences électromagnétiques. Malgré cela, nous n’avons pas constaté d’interférence cliniquement significative ni de dysfonctionnement des appareils pendant l’utilisation des BRR », rapporte Carsten Lennerz.

Au total, les participants à l’étude ont effectué 561 processus de charge, au cours desquels il n’y a eu ni défaillance des stimulateurs cardiaques, ni détection erronée d’arythmies. D’après les auteurs, aucune modification de la programmation ni aucun dommage sur les appareils eux-mêmes n’ont été observés à la suite des processus de charge.

« En raison des grandes quantités d’énergie délivrées par les BRR, les câbles eux-mêmes doivent être fortement isolés et en partie refroidis. Et cette densité d’isolation autour des câbles fait que le champ électromagnétique est très fortement confiné », explique Daniel Steven. En fait, les intensités de champ les plus élevées qu’ont mesurés les chercheurs munichois étaient de 80-90 µT – et ce, au niveau de la station de recharge, à hauteur de la tête de l’utilisateur, donc loin du câble et de la voiture elle-même.

Garder ses distances ne peut nuire

« Il semble que ni l’utilisation d’une voiture électrique, ni les processus de recharge avec un chargeur à courant alternatif au domicile ou par un chargeur à haute puissance ne génèrent des interférences pouvant être dangereuses pour les porteurs de stimulateur cardiaque », explique Daniel Steven.

Et Carsten Lennerz de conclure : « Les patients porteurs d’un CIED peuvent être rassurés. Le risque de dysfonctionnement des stimulateurs cardiaques et des DAI est extrêmement faible. Au moment de la recharge, il n’y a pas de danger à s’asseoir dans la voiture ou à rester debout à côté du câble ou de la station de recharge. Nous recommandons cependant de ne pas placer le câble de charge directement sur le dispositif cardiaques et de garder une certaine distance avec les éléments de charge. »