Du nouveau sur les restrictions de conduite automobile avec Pacemaker et Défibrillateur

Revue de presse : focus sur les pathologies cardiaques et la conduite automobile

Dr Walid Amara

25 avril 2022

Je vais parler aujourd’hui de restriction à la conduite automobile et pathologies cardiovasculaires,  car un arrêté vient d’être publié au Journal officiel. Mais tout d’abord, passons en revue des publications récentes à ce sujet.

En Europe

Si on recherche les articles récents qui traitent des restrictions automobiles, on retrouvera un article de 2020 qui récapitule ces restrictions. Les auteurs se sont intéressés au côté rythmologique des restrictions automobiles dans les pays européens et on voit que ces restrictions sont différentes d’un pays à l’autre. Par exemple, lorsqu’on s’adresse à la conduite automobile à titre privé, on voit que :

  • pour un patient qui est implanté d’un stimulateur cardiaque, il n’y a pas de directive claire dans les recommandations européennes.
  • concernant les défibrillateurs en prévention primaire, la restriction est de 4 semaines.
  • Pour les défibrillateurs implantés en prévention secondaire, la restriction automobile est de 3 mois.

Bien entendu, la conduite à titre professionnel est contre-indiquée, donc pour les conducteurs de camion, de bus ou de taxi etc.

Mais ces chiffres sont différents d’un pays à l’autre – en Autriche par exemple, après un défibrillateur il faut attendre 6 mois, et en France 3 mois comme dans le texte européen.

Risque de choc très faible

Si on regarde les publications récentes, on retrouve un registre qui s’est intéressé aux patients porteurs de défibrillateurs et qui a été publié dans le European  Heart Journal en 2021. Les auteurs ont retrouvé que chez les sujets implantés d’un défibrillateur entre 2013 et 2016, 94 % avaient repris la conduite automobile, un tiers n’avait pas respecté les restrictions de durée et 35 % reprenaient une conduite automobile à titre professionnel. La bonne nouvelle est que sur ces 3 900 patients, il y en avait à peine 5, soit 0,2 %, qui avaient eu un choc lors de la conduite automobile – c’est-à-dire que l’estimation de ce risque était 0,000 2 % par personne/année, soit très faible.

Récemment dans la revue Circulation, l’étude DREAM-ICD-II a été publiée. C’est un registre canadien réalisé à partir de 3 centres spécialisés au Canada entre 2016 et 2020. Les auteurs avaient, sur une période de suivi de 760 jours, 720 patients implantés qui étaient en prévention secondaire, et ils retrouvaient un taux d’incidence des chocs qui était significatif au cours des trois premiers mois, puis se réduisait de manière importante. Et l’incidence d’une syncope de cause rythmique était de 1,8 % au cours des 90 premiers jours, puis 0,4 % entre 3 mois et 180 jours – c’est-à-dire que cela plaidait en faveur d’une restriction automobile pendant les trois premiers mois.

Affections médicales incompatibles à la conduite automobile

Un arrêté vient d’être publié le 28 mars 2022 concernant les affections médicales compatibles ou incompatibles avec la conduite automobile, que celle-ci soit personnelle ou professionnelle. Le document est accessible gratuitement en ligne et vous allez pouvoir retrouver toutes les pathologies cardiovasculaires, avec bien entendu les pathologies rythmiques – c’est mon domaine –, les pathologies cardiaques, mais également les pathologies extracardiaques.

J’ai trouvé intéressant le fait qu’il y a un certain nombre d’éléments que nous n’appliquons pas en pratique. Par exemple :

  • infarctus du myocarde : il est indiqué qu’en cas de myocardite significative, la conduite à titre personnel est incompatible temporairement pendant une période de 4 semaines. Je pense que dans ma pratique, c’est quelque chose qu’on a tendance à ne pas indiquer aux patients avant la sortie, et peut-être qu’il faudrait y penser.
  • un patient à qui vous portez l’indication d’une angioplastie ou d’un pontage, est incompatible à la conduite automobile durant cette période, parce que vous considérez qu’il est à risque ischémique. Et une fois qu’il a été revascularisé, la durée de l’incompatibilité, là aussi pour la conduite à titre personnel, est de minimum 4 semaines.
  • de manière similaire, lorsque vous portez l’indication d’un stimulateur cardiaque à un patient, il est également contre-indiqué jusqu’à ce qu’il soit implanté.
  • en cas d’implantation d’un défibrillateur, on retrouve, là encore, le délai de 4 semaines qui n’a pas changé en prévention primaire et de 12 semaines en prévention secondaire.
  • lorsqu’il s’agit d’un changement de défibrillateur, ce délai peut être mis à zéro si l’état médical du patient le permet.
  • lorsque le patient a un gilet défibrillateur portable, il est incompatible à la conduite automobile tant qu’il a ce gilet, puisqu’on considère qu’il est dans une période aiguë à risque.
  • lorsque le patient est implanté d’un stimulateur cardiaque, il est contre-indiqué pendant 2 semaines minimum si le risque de lipothymie ou de syncope n’est pas négligeable.

Bien sûr, ces recommandations traitent également de la conduite à titre professionnel, et vous retrouvez toute la liste des pathologies qui la contre-indiquent. Là aussi, j’ai trouvé intéressant de rappeler qu’un patient insuffisant cardiaque qui a une fraction d’éjection inférieure à 35 % est contre-indiqué à la conduite automobile à titre professionnel dès la classe I de la NYHA.