France – Dans une tribune en ligne, la Société Francophone de Transplantation (SFT) et des associations de patients* alertent sur les freins à l’activité de prélèvement d’organes et de transplantation en France. La lente reprise post-Covid observée s’inscrit dans un contexte de pénurie de matériels et de personnels et de difficultés logistiques, résultant à la fois de la conjoncture défavorable qui règne actuellement à l’hôpital public et d’un manque de priorisation vis-à-vis de cette activité chirurgicale exceptionnelle.
Des difficultés d’accès aux blocs opératoires
Le 13 février, l’Agence de la Biomédecine a présenté, lors d’une conférence de presse, les résultats des activités nationales de prélèvement d’organes et de transplantation en 2023. Son état des lieux montre qu’en dépit d’une reprise encourageante, « l’activité de transplantation peine à retrouver son niveau d’avant-Covid ».
D’ailleurs, alors que 22 000 patients sont en attente de greffe, 800 sont mortes en 2023, faute d’avoir été greffés. Pour expliquer cette situation, les auteurs de la tribune avancent deux arguments : la greffe est victime des « maux de l’hôpital » et du manque d’application de son statut prioritaire pourtant érigé comme dans le Plan Greffe 2022-2026 du Ministère de la santé.
Plusieurs facteurs freinent le prélèvement et la greffe d’organes, et notamment la greffe rénale réalisée à partir de donneurs vivants. Concrètement, la SFT dénonce des difficultés d’accès aux blocs opératoires – deux sont nécessaires en cas de greffe à partir de donneurs vivants – et regrette que l’activité de greffe soit l’objet « d’arbitrages complexes au sein des CHU » – les seuls à pouvoir réaliser des transplantations d’organes – en dépit de son statut prioritaire.
Autre plainte récurrente à l’hôpital public et qui impacte fortement l’activité de greffe : « un manque criant de personnels soignants », auquel vient s’ajouter « l’absence de fléchage clair des ressources allouées à la greffe ». Conséquence : « des retards majeurs de prise en charge et des pertes de chance pour les patients et les familles ».
Un taux d’opposition au don d’organes en hausse
Autre obstacle, et non des moindres à l’activité de greffe : un taux d’opposition en augmentation, qui menace les prélèvements, déplorent les auteurs de la tribune, qui mettent en cause, une fois de plus, le manque de moyens suffisants et de priorisation. Sous-dotées en ressources humaines et matérielles, les équipes de coordination – qui jouent un rôle fondamental dans la sensibilisation, le dialogue avec les familles et l’accompagnement vers le prélèvement – « peinent à effectuer leur mission dans de bonnes conditions », explique la SFT.
De fait, « la progression inédite du taux d’opposition au don d’organes altère la capacité de croissance des activités de transplantations de notre pays ». Celui-ci atteint actuellement 36,1% en France et est en progression de 9,4% selon les derniers chiffres. « Cette hausse de l’opposition doit nécessairement interroger les moyens que la collectivité consent à mettre – ou qu’elle ne met pas – au service de l’information des publics, du recensement des donneurs et du prélèvement au sein des hôpitaux », considère le Pr Lionel Badet, chef de service Urologie et chirurgie de la transplantation à l’hôpital E. Herriot (Lyon) et président de la SFT, dans un communiqué.
Des pistes d’amélioration concrètes
Face à ces problématiques, la SFT propose des pistes d’amélioration concrètes, à mettre en œuvre sans attendre, à savoir :
- Prioriser de façon concertée les activités de prélèvement et de transplantation au sein des établissements et sanctuariser des temps opératoires dédiés à l’activité de transplantation à partir de donneurs vivants ;
- Renforcer les équipes de coordination et l’attractivité pour l’ensemble de la filière, notamment les jeunes professionnels de santé ;
- Soutenir activement l’ensemble de la communauté médicale et chirurgicale participant à la filière greffe, de l’accès et de l’inscription à la liste d’attente, jusqu’à l’organisation du suivi après transplantation ;
- Veiller à redistribuer une partie des financements dédiés aux équipes de greffe et de coordination du prélèvement, afin de renforcer les ressources humaines et l’accès aux plateaux techniques.
En conclusion, les signataires de la tribune se disent « tous ensemble mobilisés pour faire face aux défis humains, médicaux, techniques et logistiques propres à la transplantation d’organes » tout en reconnaissant que « sans garanties concrètes de nos tutelles et sans les moyens nécessaires, cette « priorité nationale » – et les patients qui en dépendent – continueront de faire les frais d’une politique de santé publique qui tourne le dos à ses engagements ».
« Il ne doit y avoir ni fatalité, ni résignation, indique le Pr Badet. Tous les leviers disponibles doivent être actionnés avec les directions hospitalières, les soignants et les patients, pour favoriser l’adhésion aux objectifs du plan Greffe 2022-2026, et soutenir le travail des coordinations hospitalières de prélèvement et des équipes de transplantation ».
*Signataires : Société Francophone de Transplantation (SFT), Société Française de Médecine de Prélèvements d’Organes et de tissus (SFMPOT), Société Francophone de Néphrologie Dialyse et Transplantation (SFNDT), Association Française d’Urologie (AFU), Fédération des Associations pour le Don d’Organes et de Tissus humains (France ADOT), Greffes+ (La Fondation Greffe De Vie, Fédération France Greffes Cœur Poumons, France Rein, Transhépate, Vaincre la Mucoviscidose, Association Grégory Lemarchal, AFFDO- l’Association Française des Familles pour le Don d’Organes, Maryse ! pour la vie), Renaloo, Trans-Forme.