Comment prendre en charge les symptômes post-Covid ? Le point avec le Dr Davido
Marine Cygler
17 juin 2020
France ― Dans les régions, en particulier dans le Grand-Est et en Ile-de-France, où le virus Sars-CoV2 a été très actif, les services d’infectiologie et de médecine interne reçoivent de plus en plus de patients qui ne se sentent toujours pas mieux deux mois après la maladie. Le syndrome post-Covid prend différentes formes et semble toucher particulièrement les femmes d’une quarantaine d’années, sans facteur de risque particulier.
Medscape a interrogé le Dr Benjamin Davido (Hôpital de Garches) pour mieux comprendre ce syndrome et savoir comment prendre en charge ces patients. En l’absence de recommandations officielles quant aux examens à mener, l’infectiologue en propose une liste.
Medscape édition française : Quels sont les symptômes du post-Covid ?
Dr Benjamin Davido : Ils sont extrêmement variables d’une personne à l’autre si bien qu’on a même du mal à se dire qu’il s’agit de la même maladie. Ceci dit, les symptômes les plus fréquents sont la fatigue voire l’épuisement, les douleurs musculaires et la sensation d’une oppression thoracique. Ces malades ne sont plus contagieux et n’ont aucun signe d’activité de la maladie. Ce qui est tout à fait perturbant et inhabituel pour nous médecins, c’est l’énorme décalage entre la plainte des patients et ce que nous constatons lors de la visite et à la lecture des résultats d’examens, à savoir l’absence de critères de sévérité d’une quelconque maladie. Ce décalage est d’autant plus étonnant chez des gens jeunes et en bonne santé.
Les symptômes les plus fréquents sont la fatigue voire l’épuisement, les douleurs musculaires et la sensation d’une oppression thoracique.
Qui sont les personnes concernées ?
Dr Davido : Ce sont justement des personnes jeunes et en bonne santé qui n’ont pas fait une forme sévère de Covid. On a d’un côté des sportifs de 25-30 ans pour lesquels on a l’impression qu’il leur faut de la réassurance. Ils font surtout un syndrome post-confinement avec une désadaptation à l’effort : ils n’ont pas pratiqué leur activité sportive à cause de la maladie et du confinement et leurs symptômes peuvent être attribués à cette désadaptation. De fait, lors de la reprise, ils ne parviennent plus aux résultats d’avant. Il faut que cette reprise se fasse de façon graduée.
D’un autre côté, on reçoit des femmes de 40 ans, sans antécédent pour la plupart, plus sédentaires que les jeunes sportifs, et qui se plaignent de symptômes persistants deux à trois mois après la maladie. Ce sont des symptômes fluctuants assez violents, avec des épisodes de malaise au fort retentissement sur la vie quotidienne.
Est-ce qu’il pourrait y avoir une composante auto-immune ?
Dr Davido : Dans 8 cas sur 10, il s’agit de femmes jeunes, lesquelles, on le sait, sont plus sujettes aux maladies auto-immunes. C’est pourquoi il est pertinent de rechercher des signes dysimmunitaires, c’est-à-dire des autoanticorps et en particulier les facteurs antinucléaires. Pour l’instant, il est trop tôt dans l’histoire de la maladie pour affirmer que le Covid est capable de déclencher une maladie auto-immune chronique. Reste qu’une infection en générale peut conduire à une stimulation exagérée du système immunitaire. Lors du syndrome post-infectieux, il peut se produire notamment deux événements : le corps relargue un peu de virus, ce qui expliquerait que certains patients présentent une PCR positive plusieurs semaines après la maladie, et produit des autoanticorps de façon transitoire. La question qui se pose est de savoir si le Covid a permis de démasquer une maladie auto-immune latente, oui bien si les autoanticorps, quand on les détecte (voir plus loin le bilan d’auto-immunité), vont finir par disparaître avec le temps.
Quelle est la conduite à tenir pour les médecins de ville ?
Dr Davido : Je pense qu’il faut prendre en charge ces patients avec rigueur. Il ne faut écarter aucune piste sous prétexte qu’il s’agirait « seulement » d’un post-Covid. Il est impératif de faire un diagnostic différentiel au Covid car il n’est pas exclu que parmi ces patients, on diagnostique un cancer ou une embolie pulmonaire. Sur la trentaine de patients post-Covid que nous avons vus, nous n’avons, à ce jour, fait aucune découverte de pathologies graves. Je crois que la prise en charge pluridisciplinaire est importante et selon les symptômes, le patient peut être orienté également vers un rhumatologue en cas de douleurs articulaires, un cardiologue pour une douleur thoracique avec dyspnée, un dermatologue pour par exemple des manifestations cutanées type Raynaud… Un soutien psychologique me semble nécessaire. Quant à la thérapeutique, pour un symptôme qui ressemble à une myopéricardite, je conseille d’essayer la colchicine.
Il est impératif de faire un diagnostic différentiel au Covid car il n’est pas exclu que parmi ces patients, on diagnostique un cancer ou une embolie pulmonaire.
Existe-t-il une ordonnance type ?
Dr Davido : Je suis plus qu’étonné que les instances, ministère de la Santé et Direction générale de la santé (DGS), restent muettes au sujet du post-Covid. Un PNDS (protocole national de diagnostic et de soins) serait plus que le bienvenu. Il est maintenant impératif que la communauté médicale dispose d’une liste officielle des examens à effectuer. En son absence, nous avons décidé de créer une ordonnance-type pour les médecins de ville.
Je suis plus qu’étonné que les instances, ministère de la Santé et Direction générale de la santé (DGS), restent muettes au sujet du post-Covid.
Les examens que les médecins de l’hôpital de Garches et le Dr Davido préconisent :
1- Angioscanner thoracique (pour éliminer l’embolie pulmonaire, et identifier éventuellement des lésions pulmonaires du Covid) ;
2 – Si le scanner est normal, échographie cardiaque ;
3 – Bilan inflammatoire :
- NFS
- CRP
- dimères
4 – Bilan de l’auto-immunité :
- dosage des immunoglobulines
- électrophèse des protéines
- recherche d’autoanticorps
- bilan thyroidien
5 – Sérologie Covid
Dans 90 % des cas, ces bilans seront normaux. Dans les 10 % restants, soit il y a un diagnostic différentiel, soit il y a des traces d’auto-immunité qu’il conviendra de contrôler un mois plus tard afin de vérifier si les autoanticorps persistent dans le temps et s’ils montent en titration pour une éventuelle maladie de système. Les patients présentant des anomalies au bilan peuvent évidemment être adressés à l’hôpital. La plupart des hôpitaux proposent maintenant ce type de consultation, mais il faut bien savoir que cela ne sert à rien qu’ils viennent en consultation sans les résultats de leurs différents examens.
Anosmie persistante et réapparition des symptômes : lancement de deux études
Si le Dr Davido n’a pas vu de cas d’anosmie persistante, d’autres infectiologues en ont observé. C’est notamment le cas de la Pr Dominique Salmon-Ceron (Hôtel-Dieu, Paris) qui estime à 10 % la proportion de patients dont la perte d’odorat se poursuit pendant de longues semaines. L’infectiologue a annoncé dans un entretien au journal Le Parisien le lancement de l’étude Covidorl, coordonnée par le centre hospitalier intercommunal André Grégoire (Montreuil) dont l’objectif est d’identifier les raisons de cette perte d’odorat à long terme. 120 patients volontaires vont tester un traitement possible reposant sur des lavages de nez avec des corticoïdes. Une seconde étude, Cororec, vise à comprendre la réapparition de différents symptômes qui avaient pourtant disparu. Il s’agit notamment d’identifier d’éventuelles pathologies sous-jacentes qui expliqueraient cette résurgence.