COVID-19: première greffe des poumons chez un patient gravement atteint

Vincent Richeux

18 novembre 2020

 

Suresnes, France — L’hôpital Foch, situé à Suresnes (Haut-de-Seine), a annoncé avoir réalisé la première greffe pulmonaire sur un patient Covid-19 en France. Alors qu’il ne présentait pas de comorbidités, le malade a développé une « forme gravissime » d’insuffisance respiratoire aiguë ayant conduit à « une destruction quasi complète » de ses deux poumons, précise l’établissement de santé privé dans un communiqué [1].

« Nous travaillons actuellement à définir le profil des patients Covid-19 pouvant bénéficier de ce traitement, qui reste exceptionnel », a indiqué le Pr Édouard Sage du service de chirurgie thoracique et de transplantation pulmonaire de l’hôpital Foch, auprès de Medscape édition française. Le chirurgien s’attend également à voir, à plus ou moins long terme, des anciens patients guéris du Covid-19 avoir besoin d’une greffe après aggravation d’une fibrose pulmonaire.

Un profil type très particulier

Agé de 58 ans, le premier patient à avoir reçu en France une double greffe des poumons a eu « une aggravation foudroyante de son infection à Covid-19 », a-t-il précisé. Après avoir été infecté par le SARS-CoV2, « il a reçu des doses croissantes d’oxygène, a été intubé, puis mis sous ventilation, avant de bénéficier d’une oxygénation par membrane extracorporelle (ECMO). »

 

Malgré tout, l’état du patient n’a montré aucun signe d’amélioration. Après plusieurs semaines sous ECMO dans le service de réanimation du CHU de Lille, la destruction de ses poumons, « sans aucune chance de récupération », a été constatée. Il ne restait plus que l’option de la transplantation, envisageable en l’absence de comorbidités et d’atteintes sur d’autres organes.

Etant donné que le développement d’une forme grave de Covid-19 est souvent associée à la présence de comorbidité (diabète, obésité…) et que l’infection par le SARS-CoV2 a, en général, des répercussions sur les autres organes, « ce profil avec une atteinte pulmonaire isolée » est rare, a souligné le Pr Sage. L’option de la greffe de poumons représente alors « une lueur d’espoir » pour ces patients.

Des examens multiples

Avant de recevoir une greffe, le patient a dû passer par de nombreux examens pour « déceler les potentielles contre-indications qui provoqueraient l’échec de ce programme lourd ». Une anomalie vasculaire a notamment été recherchée au CHU de Lille, avant son transfert à l’hôpital Foch, reconnu pour son expertise dans la transplantation pulmonaire et où des examens complémentaires ont été menés.

L’absence du virus responsable de l’infection a également été confirmée à plusieurs reprises par tests PCR au cours de la prise en charge au CHU de Lille.  Avec ce patient, « on était face aux conséquences engendrées par l’infection virale, après une phase très inflammatoire », qui a eu un effet dévastateur sur la fonction pulmonaire.

L’opération a eu lieu le 1er novembre et s’est parfaitement déroulée, précise l’établissement. Une transplantation des poumons dure en moyenne une dizaine d’heures. Le patient, toujours hospitalisé, se porte bien et nécessite de moins en moins d’assistance respiratoire, a précisé le chirurgien. « Il faut cependant rester prudent, car la récupération d’un patient transplanté pulmonaire est souvent longue et parfois difficile ».

Des greffes pulmonaires ont déjà été réalisées, de manière exceptionnelle, après des complications liées à des infections respiratoires autres que le Covid-19, a précisé le Pr Sage. Mais il s’agit là du premier patient Covid-19 a bénéficier d’un tel traitement. « D’autres patients infectés par le SARS-CoV2 nous ont été proposés, mais la greffe était vouée à l’échec en raison de contre-indications ou de comorbidités. »

Risque de dégradation après guérison

L’équipe du Pr Sage s’attèle désormais à définir le profil type de ces patients Covid, dans un état grave, mais stable, pouvant potentiellement bénéficier d’une greffe pulmonaire. « Un travail rétrospectif est mené pour analyser les données concernant la prise en charge des patients Covid en réanimation, notamment lors de la première vague de l’épidémie. » Il s’agit, par exemple, de déterminer une durée minimale sous ECMO avant d’envisager une greffe.

 

« Des patients de la première vague aurait probablement pu bénéficier d’une greffe, mais nous n’étions pas en condition pour la réaliser », souligne-t-il. La transplantation pulmonaire chez ces malades « restera une option thérapeutique d’exception, très limitée et réservée à des sous-groupes de patients. Mais, à l’avenir, si on peut sauver ainsi 10 ou 15 patients, ce sera déjà cela de gagné. »

 

« On s’attend aussi à avoir, à plus long terme, des candidats à une greffe pulmonaire parmi des patients ayant guéri d’une infection par le SARS-CoV2 », notamment après progression de la fibrose pulmonaire. « Dans certains cas, à la sortie de l’hôpital, les atteintes pulmonaires sont telles qu’elles peuvent potentiellement évoluer vers une insuffisance respiratoire chronique terminale. »

 

Au niveau international, ce sont les médecins chinois qui ont été les premiers, en mars dernier, à réaliser une greffe des poumons après des complications liées au Covid-19 chez une femme sexagénaire. En juin dernier, aux Etats-Unis, c’est une malade du Covid-19, âgée d’une vingtaine d’année, qui a pu bénéficier de cette option. D’autres cas ont été rapportés au Canada ou en Italie.