Des anomalies myocardiques chez certaines femmes enceintes atteintes de COVID-19 sévère

Marylinn Larkin

9 novembre 2020

 
 

New York, Etats-Unis — Des chercheurs américains ont noté une augmentation des biomarqueurs cardiaques chez certaines femmes enceintes souffrant de la maladie Covid-19. La signification de ces augmentations n’est pas évidente mais les experts suggèrent d’accroitre la surveillance pendant et après la grossesse.

« Actuellement, nous savons que de nombreux biomarqueurs peuvent être anormaux chez certaines femmes enceintes ayant la maladie Covid-19, tels ceux de l’inflammation mais également les marqueurs cardiaques et ceux de la thrombose », a précisé le Dr Sarah Pachtman Shetty (Northwell Health Lenox Hill Hospital à New York City), principale investigatrice de cette nouvelle étude à Reuters Health.

Il est encore difficile de savoir si les praticiens doivent doser les marqueurs cardiaques « sans connaitre les réelles conséquences d’un taux anormal sur la santé de ces patientes » dit-elle. « Cependant, cette information pourrait servir à la surveillance, notamment guider une décision pour des tests ultérieurs ou une imagerie cardiaque ».

Néanmoins, poursuit-elle, « quand une atteinte cardiaque est suspectée chez une femme enceinte [qu’elle souffre ou non de la maladie Covid-19], s’il existe des symptômes évocateurs, ou des anomalies sur l’ECG par exemple, les biomarqueurs tels le BNP et les troponines cardiaques,  doivent être contrôlés comme chez tout un chacun puisque les résultats influencent la prise en charge ultérieure ».

Cette information pourrait servir à la surveillance…guider une décision pour des tests ultérieurs ou une imagerie cardiaque  Dr Sarah Pachtman Shetty
 

Détails de l’étude

Dans cette nouvelle étude, le Dr Pachtman Shetty et coll. ont analysé les dossiers médicaux de toutes les femmes enceintes, hospitalisées pour Covid-19 dans 7 hôpitaux dans le Northwell Health system en mars-avril, ciblant les 31 femmes (moyenne d’âge 33 ans) qui avaient les critères d’une affection sévère ou critique selon le National Institutes of Health.

Les critères primaires étaient l’augmentation du taux des troponines cardiaques, augmentation du BNP, l’existence d’une bradycardie <60/mn et le nadir du rythme cardiaque maternel.

Dans l’article publié dans l’American Journal of Obstetrics and Gynecology  les marqueurs cardiaques ont été mesurés chez 20 femmes (65%) dont aucune n’avait d’antécédent cardiovasculaire ni hypertension.

Les troponines cardiaques étaient augmentées chez 22% (4/18) d’entre elles et le BNP chez 30% (3/10) quand ces marqueurs ont été mesurés. Quatre femmes ont eu des échocardiogrammes : tous étaient normaux. 

Deux patientes sont décédées : elles avaient un taux de troponine élevé et une d’elles avait aussi un taux de BNP augmenté.

Le nadir du rythme cardiaque s’échelonnait entre 30 et 92 battements/mn et une bradycardie a été constatée chez un tiers des patientes (10/31). La moitié de celles ayant un taux de troponine élevé et les trois-quarts de celles qui avaient un BNP élevé ont eu un épisode de bradycardie pendant l’hospitalisation.

Des limites à l’étude

Cette étude rétrospective comporte de nombreuses limites, selon les auteurs : le faible échantillon, l’hétérogénéité des tests sanguins et le biais dans la sélection de l’imagerie.

 

Le Dr Pachtman relève néanmoins : « on sait peu de choses concernant la prise en charge optimale des patients souffrant d’une atteinte myocardique au cours de la Covid-19, et encore moins quand il existe des conditions associées comme ici la grossesse. L’approche concertée au sein d’une équipe incluant des experts dans chaque domaine est indispensable pour assurer aux patients la meilleure évolution possible ».

 

Que disent L’AHA, et l’ACOG ?

Pour le Dr Diana Wolfe (Albert Einstein College of Medicine/Montefiore Medical Center in New York) : « les recommandations actuelles de l’American Heart Association mentionnent un suivi longitudinal avec un cardiologue chez les femmes ayant des grossesses compliquées. Ces résultats suggèrent qu’il doit en être de même chez les femmes souffrant d’une forme sévère de la Covid-19».

 

« Le bulletin 212 de l’American College  of Obstetricians and Gynecologists   concernant la grossesse et les maladies cardiaques inclut un mémo pour le dépistage des maladies cardiaques,  on suggère son utilisation chez toutes les femmes enceintes » note-t-elle.  « La majorité des femmes dans la cohorte décrite ici seraient déclarées à risque (selon leurs signes vitaux à l’arrivée) imposant la surveillance du BNP et l’évaluation par l’équipe cardio-obstétricale ».

 

Aussi, « actuellement il n’y a pas de protocole pour la prise en charge post partum de ces patientes », ajoute-t-elle. « Cependant, je recommanderais au moins une surveillance étroite pendant les 6 premiers mois ».

 

 

 

Paru initialement sur Medscape.com sous le titre Myocardial Effects Seen in Some Pregnant Women With Severe COVID-19 . Traduit par le Dr Jean-Pierre Usdin.