Des anticorps de lama pour lutter contre le SARS-CoV-2 ?

Dr Claude Leroy

11 mai 2020

 
 

Gant, Belgique – La nouvelle avait été évoquée il y a quelques semaines, elle s’est confirmée et précisée entretemps : une équipe de chercheurs gantois (UGent) a pu élaborer un anticorps unique pouvant se lier au virus SARS-CoV-2 et doté d’une efficacité in vitro. Particularité : il provient du lama [1].

Un anticorps de pointe

L’équipe a établi que l’anticorps se lie à un épitope conservé de la protéine de pointe (S) du SARS-CoV-2 et il a été capable de neutraliser en laboratoire un variant du virus, une étape importante dans le développement d’un éventuel médicament contre ce nouveau coronavirus.

Ce qui le rend aussi particulièrement intéressant est non seulement son efficacité (à démontrer encore par des études cliniques), mais aussi la facilité par laquelle il peut être produit en quantité importante – et rapidement.

 

Le sujet a fait l’objet d’un article publié ce 5 mai dans la prestigieuse revue Cell, avec la participation de chercheurs de l’Université du Texas, du NIH américain et de l’Université de Göttingen, en Allemagne. La découverte est d’autant plus prometteuse qu’elle pourrait, à terme, concerner d’autres types de virus.

Sans chaîne légère

Pour comprendre l’originalité de ce travail, il faut savoir qu’à l’instar des requins, les camélidés, dont le lama, peuvent produire deux types d’anticorps en réaction à une infection. Le premier est proche des anticorps humains, tandis que le second est un anticorps monocaténaire (appelé VHH dans le cas des camélidés), où la chaîne légère est absente. Un des avantages du second type, étudié depuis plusieurs décennies déjà, est qu’il ne nécessite pas d’être « humanisé » pour être utilisé en médecine humaine. Ces anticorps également appelés « à domaine unique » font l’objet d’études prometteuses dans différentes pathologies comme la grippe, les cancers, les MICI, ou encore la maladie de von Willebrand.

Avec l’aide bien involontaire du lama Winter

En 2016 déjà, l’équipe de chercheurs de l’Institut flamand de recherche en biotechnologie (VIB-UGent) avait identifié, avec l’aide bien involontaire du lama Winter qui vit dans une ferme de la région, des VHH développés après l’injection de particules du SARS-CoV-1 et du MERS-CoV.

Ces anticorps ont la particularité de se se lier à la protéine de pointe (S) du virus qui s’accroche aux récepteurs (appelés ACE2), portes d’entrée du virus dans la cellule. A l’époque, aucune épidémie liée à ces deux virus n’était en cours, et aucune production de l’anticorps n’a dès lors été envisagée. Dans les grandes lignes, les chercheurs ont démontré que ces anticorps (MERS VHH-55 et SARS VHH-72) pouvaient se lier aussi bien à la protéine S du Sars-CoV-1 que du SARS-CoV-2. Ils ont ensuite élaboré une arme plus efficace sur cette base, l’anticorps bivalent VHH-72-Fc qui vient d’être testé avec succès in vitro.

Un anti-Covid-19 à inhaler

Les VHH sont chimiquement et thermiquement plus stables que les IgG. Il est donc théoriquement possible d’en constituer des stocks durables, directement utilisables en cas de début d’épidémie par exemple. De plus, leur faible taille autoriserait leur administration par nébulisateur, ce qui leur permettrait d’atteindre plus directement le système respiratoire. « Ils pourraient ainsi être utilisés tant en prophylaxie [notamment pour le personnel soignant] qu’en thérapeutique », explique Xavier Saelens, chercheur au VIB-UGent. Néanmoins, pour le moment, Xavier Saelens et ses équipes envisagent plutôt un traitement par injection, « plus conventionnel », plutôt que par inhalation, un mode d’administration moins éprouvé et qui nécessiterait des recherches supplémentaires, a expliqué le chercheur belge à FranceInfo.

« Dans un premier temps, des tests vont être réalisés in vivo, sur des hamsters. » Des résultats sont attendus d’ici deux mois. S’ils sont concluants, des essais sur des humains présentant des symptômes modérés du Covid-19 pourraient commencer.