Fibrillation auriculaire: le risque d’AVC nettement réduit à un an avec Watchman™

Patrice Wendling

24 mai 2021

 Chez les patients atteints de fibrillation auriculaire (FA) ayant reçu le dispositif de fermeture transcutanée de l’appendice auriculaire gauche Watchman™ (Boston Scientific), la baisse du risque d’AVC à un an est estimée à 77%, selon le registre américain NCDR LAAO, mis en place pour évaluer le dispositif en vie réelle. Les résultats ont été présentés lors d’une session en ligne du congrès de l’American College of Cardiology (ACC2021).

L’analyse des données de plus de 36 000 patients de ce registre établit le taux d’AVC à 1,53% après un an de suivi. Le résultat est d’autant plus satisfaisant que les patients ainsi implantés en prévention du risque thromboembolique sont en moyenne plus âgés et ont davantage de risque d’avoir un AVC (score CHA2DS2-VASc ≥ 2) que ceux inclus dans les essais cliniques ayant évalué le dispositif.

« Les événements thromboemboliques à un an sont peu fréquents chez les patients ayant reçu le dispositif Watchman™ actuellement commercialisé en appliquant la méthodologie utilisée aux Etats-Unis, ce qui confirme son efficacité à court et à moyen terme », a souligné le Dr Matthew Price (Cardiac Catheterization Lab, Scripps Clinic, La Jolla, Etats-Unis), lors de sa présentation en ligne.

Implant cardiaque auto expansible

Watchman™ est un implant cardiaque auto expansible conçu pour obturer l’appendice auriculaire gauche – une poche formée dans la paroi de l’atrium – afin d’empêcher que s’y forment des caillots sanguins. Il est utilisé en prévention du risque d’AVC et d’embolie chez les patients atteints de FA non valvulaire. Il se pose par voie percutanée, en passant par la veine fémorale (voie transeptale).

Le dispositif a obtenu un marquage CE en 2012 et a fait son apparition la même année dans les recommandations européennes de prise en charge de la fibrillation auriculaire, avec un niveau de recommandation de classe IIb. Il est indiqué en dernier recours chez les patients en FA non valvulaire à haut risque thromboembolique (score CHA2DS2-VASc ≥ 4) et avec une contre-indication formelle aux anticoagulants oraux.

Selon la Haute autorité de santé (HAS), 25% des patients atteints de fibrillation auriculaire ont un score CHA2DS2-VASc ≥ 4. Les experts estiment qu’environ 10% des patients ont une contre-indication formelle et définitive aux anticoagulants oraux, ce qui représente une population cible de 10 000 à 30 000 patients en France pouvant potentiellement recevoir ce traitement préventif percutané.

Aux Etats-Unis, les conditions d’utilisation sont moins restrictives, comme le montre le profil des patients du registre (CHA2DS2-VASc ≥ 2 et anticoagulant possible à court terme).

La Food and Drug Administration (FAD) a une première fois refusé le dispositif, essentiellement pour des raisons de sécurité, avant de donner son feu vert en 2015, en se basant sur les résultats de l’essai PREVAIL, apparus satisfaisants en termes de sécurité et d’efficacité en comparaison avec la warfarine. Le taux de complication était également moins important par rapport à l’essai précédent PROTECT-AF . Le dispositif de dernière génération Watchman FLX™ a été validé en 2020.

Moins de complications intra-hospitalière

L’analyse du registre NCDR LAAO (National Cardiovascular Data Registry LAA Occlusion) a porté sur les données de 36 681 patients américains atteints de FA et traités par la pose d’un Watchman™ entre 2016 et 2018. La participation à ce registre a été exigée par la FDA pour assurer une surveillance du dispositif après sa mise sur le marché et est également une condition à son remboursement.

Les premiers résultats du registre, présentés l’année dernière lors du congrès virtuel de ACC2020, ont montré une amélioration du taux de succès de l’implantation en conditions de vie réelle, ainsi qu’une nette diminution du taux de complications lors de l’hospitalisation, par rapport aux essais cliniques PROTECT-AF et PREVAIL.

Au cours de sa présentation, le Dr Price a rappelé que le profil des patients traités en vie réelle est différent de celui des essais cliniques. Dans la « vraie vie », ils doivent présenter un risque thromboembolique de score CHA2DS2-VASc ≥ 2 et ne peuvent pas prendre d’anticoagulants oraux à long terme, tandis que dans les essais, le seuil du score CHA2DS2-VAS est inférieur et la prise anticoagulants à long terme n’est pas contre-indiquée chez les patients inclus.

Les patients du registre sont âgés en moyenne de 76 ans, contre 71,6 ans dans PROTECT-AF et 74 ans dans PREVAIL. Le score CHA2DS2-VASc moyen est également plus élevé (respectivement 4,6, 3,4 et 3,8). Plus d’un quart d’entre eux avaient déjà eu un AVC ou un accident ischémique transitoire (29,8%, 17,7%, 27,5%) et près de 70% avaient déjà eu des saignements notables.

Risque d’hémorragie sévère

A un an, la mortalité s’élève à 8,52%. Les décès sont d’origine cardiovasculaire dans 32,6% des cas et non cardiovasculaires dans 60,3% des cas. Pour 7,1% des patients décédés, la cause du décès n’a pas été précisée. Le taux cumulé de mortalité toutes causes confondues s’élève à 7,58 décès pour 100 personnes-années.

Le taux d’AVC ischémique est de 1,53%. Chez les patients atteints de FA non valvulaire avec un niveau de risque thromboembolique similaire, on estime que le taux d’AVC est de 6,64% en l’absence de traitement, ce qui représente une baisse du risque d’AVC de 77% avec le dispositif Watchman. Le taux d’AVC cumulé est de 1,4 pour 100 patients-années.

Le taux d’AVC ischémique est de 1,53% contre 6,64% en l’absence de traitement, ce qui représente une baisse du risque d’AVC de 77% avec le dispositif Watchman.

Le taux d’AVC ischémique est de 1,53% contre 6,64% en l’absence de traitement, ce qui représente une baisse du risque d’AVC de 77% avec le dispositif Watchman.

Les résultats montrent également une incidence des hémorragies sévères de 6,2%. « Le risque de saignement est plus élevé que celui observé dans les essais randomisés, en particulier dans les six premières semaines », après la pose du dispositif, a souligné le Dr Price, auprès de Medscape édition internationale. « Ce risque est à prendre en compte lorsque le dispositif est envisagé chez un patient. »

Après leur sortie d’hôpital, 93% des patients du registre ont effectué au moins une visite de suivi. Le taux chute à 78% à 180 jours et à 71% à un an. Il n’y a pas eu de différence dans les profils des patients ayant respecté ou non les visites de suivi et celui qui l’ont interrompu, tant que le risque hémorragique (basé sur le score HAS-BLED), que sur le risque thromboembolique ou le type de FA.

Antiplaquettaires en post-opératoire

Interrogé en fin de représentation sur l’influence éventuelle des anticoagulants sur les résultats du registre, le Dr Price a précisé que le faible taux d’AVC observé ne peut pas être uniquement dû au dispositif puisqu’un traitement antiplaquettaire à court terme est administré en post-opératoire. « Les résultats sont rassurants sur la manière dont nous procédons. »

Le cardiologue interventionnel a précisé que les prochaines analyses du registre porteraient sur le taux de complications survenant à l’hôpital, en considérant le nombre d’implantations pratiquées dans l’établissement. « Il est important de comprendre comment les résultats sont liés au volume d’intervention et à l’expérience du médecin ». L’implantation est en effet considérée comme une technique exigeante, réservée à des équipes entrainées.

Les résultats positifs observés dans ce registre chez les patients les plus malades suffiront-ils à faire progresser le niveau de recommandation à IIb établi pour cette approche dans les recommandations européennes et américaines? Pour le Dr Price, les données randomisées concernant les patients les plus à risque ne sont pas encore suffisantes pour se prononcer.

Les résultats positifs observés dans ce registre chez les patients les plus malades suffiront-ils à faire progresser le niveau de recommandation à IIb établi pour cette approche dans les recommandations européennes et américaines?

Il a rappelé que l’essai randomisé ASAP-TOO qui devait inclure uniquement des patients avec une contre-indication formelle aux anticoagulants oraux a été interrompu faute de candidats. Malgré tout, des essais randomisés actuellement menés pour évaluer la fermeture transcutanée de l’appendice auriculaire gauche face aux anticoagulants oraux directs devraient aider à affiner les recommandations, estime le Dr Price.

« Il serait bénéfique d’avoir un consensus pour permettre à davantage de patients d’accéder à ce dispositif », a noté en fin de présentation, le Dr Jodie Hurwitz (Medical City Hospital, Dallas, Etats-Unis), qui a évoqué des résultats « impressionnants ».

Pour des infos sur cette technique voir cet article sur ce site:

OCCLUSION ou FERMETURE DE L’AURICULE GAUCHE