Le cancer, facteur de risque du syndrome de Takotsubo?

Dr Jean-Pierre Usdin

8 août 2019

Zurich, Suisse — Dans un cas sur six, un patient souffrant d’un syndrome de Takotsubo (STT) est également atteint d’un cancer. C’est ce que révèle une analyse de données du registre International Takotsubo Registry (InterTAK), qui suggère un lien entre l’apparition de cette cardiomyopathie et la présence d’un cancer .

La prévalence du cancer observée dans cette cohorte se révèle supérieure à celle rapportée dans la population générale européenne, précisent les auteurs. « Les antécédents de cancer pourraient augmenter le risque de STT et, par conséquent, un dépistage approprié devrait être envisagé chez ces patients », estiment-ils.

Dans une sous-analyse intégrant en plus des données de patients atteints d’un syndrome coronarien aigu (SCA), l’équipe suisse confirme également que le pronostic associé au syndrome de Takotsubo est quasi superposable à celui observé avec un SCA, en présence ou non de cancer.

Le pronostic initialement jugé favorable de cette cardiomyopathie de stress n’a donc plus lieu d’être. Alors que STT était considéré comme une pathologie bénigne et transitoire, les études successives révèlent finalement son caractère délétère. Une récente étude avait déjà rapporté une mortalité non négligeable à long terme.

Les antécédents de cancer pourraient augmenter le risque de STT et, par conséquent, un dépistage approprié devrait être envisagé chez ces patients.

Cancer du sein majoritaire

Pour mener leur étude, Victoria Lucia Cammann (Hôpital universitaire de Zurich, Suisse) et ses collègues ont repris les données du registre international InterTAK, qui rassemble les cas de près de 1 700 patients ayant un syndrome de Takotsubo, originaires de pays d’Europe, dont la France, et des Etats-Unis.

Ils se sont focalisés sur 1 604 patients, en grande majorité des femmes (90% des cas), pour lesquels l’information sur l’existence ou non d’un cancer était disponible. L’objectif était d’évaluer les différences cliniques et évolutives à court et à long termes puis, dans une sous-analyse, de comparer le pronostic à celui des patients souffrant d’un SCA.

Selon les résultats de l’analyse, 16,6% des patients atteints du syndrome de Takotsubo (n=267) ont également un cancer. Il s’agit en majorité d’un cancer du sein (26% des cas), du tube digestif (15%) et du système respiratoire (15,4%). Les patients présentant en plus un cancer sont en moyenne plus âgés que ceux qui n’en ont pas (69,5 ans contre 65,8 ans).

Curieusement, le stress émotionnel est moins souvent à l’origine de la cardiomyopathie chez les patients ayant un TTS et un cancer, en comparaison avec les patients ayant un TTS seul (18% vs 30%). A l’inverse, c’est un stress physique déclencheur qui est plus fréquemment retrouvé chez ceux ayant les deux pathologies (48% vs 34%).

Mauvais pronostic à cinq ans

En ce qui concerne la mortalité, elle apparait identique dans les deux groupes à 30 jours. La mortalité se montre plus élevée à plus long terme, avec un taux de 18% à cinq ans chez les patients avec TTS et cancer, contre 8% chez ceux sans affection maligne.

Les résultats montrent également que les patients atteints de cancer ont un niveau de protéine C réactive (CRP) plus élevé, avec un taux maximal à 17 mg/L contre 7,7 mg/mL dans le groupe Takotsubo seul, tandis que le taux de globules blancs apparait identique. Par ailleurs, la fraction d’éjection ventriculaire gauche apparait plus faible en cas de cancer (38% vs 41,5%)

Dans la sous-analyse visant à comparer le pronostic à celui des patients avec atteintes coronariennes, 411 patients atteints d’un SCA provenant d’un autre registre ont été appariés à un nombre similaire de patients du registre InterTAK.

Le taux de mortalité à 5 ans apparait alors presque identique dans ces deux populations, avec ou sans cancer, ce qui confirme le mauvais pronostic associé au syndrome de Takotsubo.

Pour expliquer la corrélation avec le cancer, les auteurs évoquent la possible in-fluence d’une dysfonction endothéliale et de facteurs inflammatoires liés à la cancérogénèse.

Dysfonction endothéliale et facteurs inflammatoires

Pour expliquer la corrélation avec le cancer, les auteurs évoquent la possible influence d’une dysfonction endothéliale et de facteurs inflammatoires liés à la cancérogénèse, qui auraient alors un rôle dans l’apparition de la cardiomyopathie de stress. L’implication du traitement anticancéreux est également suggérée.

Cette étude ne permet pas de caractériser ce lien ou de percevoir l’influence d’un potentiel facteur. Par exemple, il n’y a pas de précisions concernant la nature des traitements utilisés, le stade de développement du cancer ou le délai entre le diagnostic du cancer et celui du STT.

D’autres études devront être menées pour mieux comprendre la physiopathologie du syndrome de Takotsubo et identifier les causes sous-jacentes pouvant expliquer son lien avec le cancer, estiment les auteurs, avec l’objectif d’améliorer la prise en charge.