MICI : un nouveau facteur de risque cardiovasculaire à prendre en compte

Paris, France — Les patients atteints d’une maladie inflammatoire chroniques de l’intestin (MICI) ont un risque accru de 20% de développer une maladie cardiovasculaire (MCV) de type ischémique, selon une étude française, dont les résultats ont été présentés lors des Journées Francophones d’Hépato-gastroentérologie et d’Oncologie Digestive (JFHOD 2019) . Le risque apparait plus élevé chez les plus jeunes.

« Il est nécessaire de sensibiliser les médecins et les cardiologues sur ce sur-risque. Il faut rechercher les facteurs de risque traditionnels chez ces patients lors du diagnostic, mais aussi pendant le suivi », pour éventuellement mettre en place des moyens de prévention, a souligné le Dr Julien Kirchgesner (Hôpital Saint-Antoine, AP-HP, Paris). Le sevrage tabagique est notamment fondamental.

Être atteint d’une MICI apparait donc comme un facteur de risque à part entière de Maladie Cardio Vasculaire, tout comme d’autres pathologies pouvant induire une inflammation systémique. C’est le cas notamment de la polyarthrite rhumatoïde, associée à un risque cardio-vasculaire équivalent à celui observé chez les diabétiques, variable selon le degré de sévérité de la maladie, a précisé le gastro-entérologue.

Marqueurs de risque CV

Pour expliquer ce lien, il faut rappeler que l’athérosclérose est en elle-même une maladie inflammatoire chronique. Le développement des plaques d’athérome est, en effet, la conséquence d’une réaction inflammatoire survenant au sein des parois des artères, après infiltration des monocytes attirés par l’endothélium malade.

Ces monocytes se différencient alors en macrophages et entrainent une réaction inflammatoire locale s’accompagnant d’une production de cytokines, dont le TNF, qui a « un rôle majeur dans le développement de l’athérosclérose ». Les maladies inflammatoires induisant une inflammation systémique sont donc suspectées de participer ou de renforcer le phénomène.

De précédentes études avaient déjà permis d’observer des marqueurs du risque cardiovasculaire chez les patients atteints de MICI. Des chercheurs ont notamment constaté, en comparaison avec la population générale, qu’ils ont un niveau plus élevé de protéine C réactive (CRP) et une intima-média carotidienne plus épaisse.

Le risque de développer une maladie cardiovasculaire est augmenté de 20% chez les individus atteints de MICI.

Eviter la corticothérapie

Pour vérifier si ces patients sont effectivement plus à risque, le Dr Kirchgesner et ses collègues de l’hôpital Saint-Antoine, à Paris, ont analysé les données SNIIRAM de l’Assurance maladie concernant près de 170 000 individus atteints de MICI.

Les résultats de leur analyse montrent que le risque de développer une maladie cardiovasculaire est augmenté de 20% chez ces patients. Ce sur-risque est encore plus marqué chez les patients atteints de la maladie de Crohn, la hausse étant de 35%, contre 10% en cas de rectocolite hémorragique.

« Avec une maladie de Crohn, les patients présentent plus souvent une inflammation systémique. Ils ont également des atteintes iléales qui peuvent entrainer une malabsorption ou une carence en vitamine B12, également associées à un sur-risque artériel aigu», selon le Dr Kirchgesner.

En comparaison avec la population générale, « le risque relatif est plus élevé chez les femmes, par rapport aux hommes, et chez les patients plus jeunes. Probablement parce qu’ils ont moins de facteurs de risque cardiovasculaires traditionnels. L’impact de l’inflammation dans ces populations est alors potentiellement plus important. »

L’inflammation étant essentiellement à l’origine de ce sur-risque, l’effet protecteur des thérapies contre les MICI a rapidement été envisagé. Les premières preuves d’une réduction du risque CV ont été apportées au début des années 2010, « avec tous les traitements, excepté les corticoïdes, qui restent associés à un sur-risque », en raison notamment de son impact sur le bilan lipidique.

Effet protecteur des anti-TNF

Pour évaluer l’impact des traitements, l’équipe du gastroentérologue a entrepris une autre étude à partir des données de l’Assurance maladie. Les résultats, en cours de publication, révèlent une baisse du risque cardio-vasculaire de 20% chez les patients sous anti-TNF. Concernant le traitement par thiopurines, l’effet n’est pas significatif.

Une analyse de sous-groupe montre que se sont surtout les hommes, les patients les plus jeunes, ainsi que ceux atteints de la maladie de Crohn qui profitent le plus de l’effet protecteur des anti-TNF. « Les hommes atteints de la maladie de Crohn ont une diminution du risque évaluée à 45%. »

« Ces résultats suggèrent qu’on peut associer un nouveau bénéfice à ces traitements, en plus de leur effet notable en prévention notamment des infections ou des cancers liés à l’inflammation. Ce bénéfice potentiel sur le risque cardiovasculaire pourrait faire pencher la balance pour initier un traitement ».

« La rémission biologique serait toutefois le minimum à atteindre pour réduire le risque cardiovasculaire ». D’autres études devront être menées pour le confirmer.

Recommandations de l’EULAR

L’effet bénéfique des traitements sur le risque cardiovasculaire avait également été démontré dans le cas de la polyarthrite rhumatoïde. « Les études ont rapporté une baisse du risque de près de 30% avec les traitements par anti-TNF ou par méthotrexate », selon le Dr Kirchgesner.

Les résultats observés chez les patients atteints de MICI semblent donc justifier l’application des recommandations de l’European League Against Rheumatism (EULAR) sur la prise en charge des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde, émises après la publication des résultats concernant le risque cardiovasculaire et le bénéfice des traitements chez les patients souffrant de cette maladie inflammatoire .

« Le message principal de ces recommandations est d’ajouter la polyarthrite rhumatoïde dans le score prédictif du risque cardiovasculaire. Si le score n’inclue pas la polyarthrite, il est recommandé de multiplier le score obtenu par 1,5 », afin d’évaluer le risque chez les patients atteints de cette maladie, a précisé le Dr Kirchgesner.

« Ces recommandations préconisent également d’évaluer les facteurs de risque traditionnels, au moment du diagnostic, puis de façon régulière tous les cinq ans et à chaque changement de traitement. »