Stimulateur cardiaque : une enveloppe imprégnée d’antibiotiques réduit le risque infectieux

La Nouvelle-Orléans, Etats-Unis — Poser un stimulateur cardiaque (pacemaker ou défibrillateur) préalablement enveloppé dans une maille de tissu résorbable imprégnée d’antibiotique (TYRX, Medtronic) permet de réduire le risque infectieux de 40% dans l’année qui suit l’intervention, sans hausse majeure des complications. C‘est ce que révèle l’étude WRAP-IT (Worldwide Randomized Antibiotic Envelope Infection Prevention Trial), dont les résultats ont été présentés au congrès de l’ACC 2019 et publiés simultanément dans le NEJM.

Chaque année, environ 1,5 million de patients reçoivent un implant cardiaque dans le monde. Malgré les précautions prises lors de l’intervention chirurgicale (asepsie, antibiothérapie prophylactique…), le taux d’infections péri-opératoires est évalué à 2%. Une complication associée à une mortalité et une morbidité élevées.

« Les études montrent que même lorsque l’infection est prise en charge correctement, en retirant le dispositif et en initiant un traitement antibiotique adéquat, la mortalité à court et long terme reste élevée chez ces patients », a indiqué le Dr Khaldoun Tarakji (Cleveland Clinic, Etats-Unis), principal auteur de l’essai.

Résorption en deux mois 

« Jusqu’à présent, l’adoption de techniques chirurgicales strictes assurant une stérilité et la prise d’antibiotiques en préopératoire sont les seuls moyens reconnus pour minimiser le risque infectieux. Ce n’est pas suffisant. Notre objectif devrait être d’approcher le risque nul. »

Les taux d’infection sont plus faibles que prévu. La preuve que l’adhésion aux bonnes pratiques permet de minimiser les risques d’infection. Dr Khaldoun Tarakji

Dans cette étude contrôle prospective en simple aveugle, quelque 7 000 patients de 25 pays ont été inclus. L’âge moyen est de 70 ans (72% d’hommes). Dans 80% des cas, les patients ont été pris en charge pour un remplacement de leur implant cardiaque, une intervention considérée comme à risque élevé d’infection. Les autres ont reçu leur premier pacemaker ou défibrillateur.

Les patients ont été randomisés pour avoir, soit un dispositif enveloppé dans la maille résorbable, soit un dispositif nu. L’enveloppe est conçue pour délivrer une combinaison d’antibiotiques (rifampicine et minocycline) pendant une semaine. Après implantation, elle se résorbe en 8 à 9 semaines. Les patients ont été suivis au moins un an après l’intervention, puis tous les six mois jusqu’à la fin de l’étude, fixée à 21 mois.

Le critère primaire d’évaluation porte sur les infections majeures survenant dans l’année qui suit l’opération et conduisant à une explantation du dispositif, à un traitement antibiotique prolongé ou au décès. Les critères secondaires portent sur les complications observées après l’intervention.

0,7% d’infections majeures

Selon les résultats, le taux d’infections majeures répondant au critère primaire est de 0,7% (n=25) à un an dans le groupe recevant l’implant enveloppé, contre 1,2% (n=42) dans le groupe contrôle, soit une diminution du risque infectieux de 40% avec le dispositif combinant implant et antibiotiques (HR=0,60; IC 95% [0,36-0,98]).

La différence entre les deux groupes est essentiellement liée au taux d’infections survenant au niveau de la cavité de l’implantation (0,4% avec le dispositif enveloppé contre 1 % dans le groupe contrôle). La proportion d’endocardite et de bactériémie apparait légèrement supérieure avec le dispositif enveloppé (0,3% contre 0,2%), sans toutefois atteindre la significativité, compte tenu des faibles effectifs rapportés.

A 21 mois, 32 patients dans la cohorte « dispositif enveloppé » et 51 dans le groupe témoin ont souffert d’une infection majeure (HR=0,63 ; IC à 95% [0,40-0,98]). A 36 mois, le taux de décès est de plus de 17% dans les deux groupes.

En ce qui concerne le taux de complications, les résultats montrent une non-infériorité du dispositif testé. A un an, le taux d’événements (dispositif non fonctionnel, infection légère et décès non lié à une infection) est de 6% contre 6,9% dans le groupe contrôle (HR=0,87 ; IC à 95% [0,72-1,06], p<0,001 pour la non-infériorité).

A réserver aux patients à haut risque ?

Dans l’ensemble, « Les taux d’infection sont plus faibles que prévu. C’est une excellente nouvelle pour les électrophysiologistes et la preuve que l’adhésion aux bonnes pratiques permet de minimiser les risques d’infection », a commenté le Dr Tarkji. L’enveloppe permet en plus une baisse de 40% du risque infectieux, sans mettre en défaut la technique ou l’implant en lui-même.

Il faut implanter 200 dispositifs enveloppés dans le TYRX pour éviter une infection, ce qui pose la question du rapport coût/bénéfice. Dr George Sakoulas

L’intérêt du dispositif présente toutefois quelques limites. Insérer l’implant dans l’enveloppe maillée doit notamment conduire aux mêmes précautions concernant l’asepsie et la prophylaxie. De plus, le dispositif ne résout pas le problème des infections pouvant survenir au niveau des sondes de stimulation. Et, la différence des taux de bactériémie et d’endocardite reste inexpliquée.

Les taux d’infection sont plus faibles que prévu. C’est la preuve que l’adhésion aux bonnes pratiques permet de minimiser les risques d’infection Dr Khaldoun Tarakji

Par ailleurs, si les perspectives sont intéressantes, notamment pour les patients à haut risque d’infection, la baisse du risque absolu est faible. Comme le souligne le Dr George Sakoulas (Sharp Memorial Hospital, San Diego, Etats-Unis), il faut implanter 200 dispositifs enveloppés dans le TYRX pour éviter une infection, ce qui pose la question du rapport coût/bénéfice et de l’intérêt économique d’un tel dispositif. Il pourrait alors être réservé aux patients les plus à risque, lorsque le remplacement de l’implant est envisagé ou chez les patients en dialyse.

L’analyse des résultats de l’étude devrait se poursuivre. « Grâce aux données (…), nous aurons la possibilité de répondre à de nombreuses questions concernant par exemple les différentes pratiques, les risques infectieux et ceux générés par les anticoagulants », a précisé le Dr Tarakji.

En France, deux centres hospitaliers de Lille et de Marseille ont participé à l’essai. Interrogé par Medscape édition française, le Dr Alain Khemache (Clinique Ambroise Paré, Neuilly-sur-Seine) a indiqué que le laboratoire Medtronic allait mettre quelques enveloppes à disposition de son service.

« Pour le moment nous sommes limités par le coût. Heureusement, nos taux d’infections sont très bas. Nous pensons en faire bénéficier en priorité les sujets diabétiques et ceux de plus faible constitution », a précisé le cardiologue.

L’étude a été financée par le laboratoire Medtronic.