Une sonde abandonnée chez un porteur de dispositif cardiaque n’est pas incompatible avec l’IRM

Dr Jean-Pierre Usdin

9 mars 2021

Philadelphie, Etats-Unis – Les données d’une étude observationnelle de cohorte suggère que la présence de sondes/électrodes abandonnées chez des patients porteurs de dispositifs implantables ne devrait plus constituer une contre-indication à la réalisation d’une IRM. C’est ce que démontre une étude observationnelle monocentrique effectuée sur quelques 140 patients consécutifs réalisant une IRM 1,5T, porteurs au moins d’une électrode non connectée et d’un implant cardiaque électronique : pace maker (PM) ou défibrillateur automatique implanté (DAI). Sur 200 IRM, ils ont observé 5 incidents sans conséquence et réversibles sur les sondes et seulement 1 événement ayant nécessité l’arrêt prématuré de l’examen sans effet délétère. Les résultats sont publiés dans le JAMA Cardiology du 17 février 2021, disponible en ligne .

« L’IRM chez des patients ayant des électrodes abandonnées est théoriquement associée à un haut risque ayant conduit à l’exclusion de ces patients des études. Expérimentalement, l’extrémité libre de la sonde est sujette à une surchauffe comparée à celles des électrodes attachées » expliquent le Dr Robert Schaller (Hôpital Universitaire de Pennsylvanie) et collaborateurs, ajoutant que cela comporte le risque de modifier les structures adjacentes dont le myocarde et l’implant électronique. « Ces patients sont généralement écartés de l’IRM, les cliniciens sommés de trouver une alternative à ce mode d’imagerie ou d’explanter les sondes ».

Risque lié à l’extrémité libre de la sonde

L’IRM a une place majeure incontestée pour l’évaluation de diverses pathologies. Grâce aux PM et DAI désormais compatibles, les portes de l’IRM se sont ouvertes à de nombreux patients cardiaques. Pourtant la présence d’électrodes abandonnées ou de sondes laissées en place reste une contre-indication à cet examen. En effet, l’extrémité libre de la sonde fait courir un risque, du moins expérimental, au matériel implanté actif : sondes, stimulateur, myocarde par surchauffe et déclenchement d’arythmies.

En se référant aux résultats d’une précédente étude portant sur 80 patients montrant que l’IRM n’avait pas provoqué de dysfonction ni lésion myocardique (troponine à l’appui), Robert Schaller et coll. ont réalisé au sein de l’Hôpital Universitaire de Pennsylvanie la plus grande étude observationnelle pour déterminer si l’IRM faisait réellement courir un risque à cette population de plus en plus nombreuse – celle ayant des patients ayant des électrodes abandonnées et un implant électronique.

139 patients consécutifs

L’étude a inclus entre janvier 2013 et juin 2020, 139 patients consécutifs (79% hommes, âge moyen 66 ans) réalisant une IRM et qui avaient au moins une électrode isolée sans connexion et un PM ou DAI, à l’hôpital universitaire de Pennsylvanie. L’IRM 1,5 T portait sur toutes les parties du corps : cerveau, thorax, abdomen…. Les IRM ont été répétées à de multiples reprises, le maximum étant de 16 IRM pour le même patient. Les auteurs ont compté 243 électrodes isolées chez ces patients avec une moyenne de 1,22 par patient. Le nombre d’électrodes actives étant de 2,04, dont 64 (46%) patients dépendants du pace maker.

Après que les caractéristiques initiales ont été contrôlées, les PM et DAI étaient ensuite programmés sur le mode IRM en fonction des indications cardiologiques. Les patients étaient surveillés par télémétrie, oxymétrie en continu et contact verbal plus visuel pendant tout l’examen. Une fois l’examen terminé, les appareils étaient reprogrammés à l’identique, les batteries testées, les seuils d’écoute et de stimulation, les impédances réévalués.

 

Ni modification des signes vitaux, ni arythmies soutenues

Ont été considérés comme significatives : les variations du seuil de stimulation (50% ou plus), une diminution de l’écoute ventriculaire (40% ou plus), une modification de l’impédance de 30% ou plus. Également retenues : les manifestations douloureuses, les arythmies soutenues, modifications des signes vitaux pendant l’examen.

Il n’y a pas eu de modification des signes vitaux, ni arythmies soutenues. Le voltage de la batterie, le retour aux programmes initiaux, le mode de stimulation ont tous été réinitialisés à l’identique.

Sécurité concernant l’IRM

De rares changements ont été constatées : modification de l’écoute atriale chez 4 patients, diminution transitoire de l’amplitude de l’onde R ventriculaire chez 1 patient (sonde dans le sinus coronaire). Un patient ayant des fils sternaux et un reliquat de matériel métallique sous cutané dorsal [non précisé] a ressenti une brûlure sternale cessant à l’interruption prématurée de l’examen. Le Dr Schaller reste néanmoins dubitatif quant à la relation de cause à effet.

Les patients inclus avaient des PM ou DAI avec des électrodes endo ou épicardiques 18 patients, des DAI sous cutanés 4 patients, et parfois des électrodes fragmentées donc à hauts risques de complications. 57 patients (28,5%) ont eu une IRM thoracique dont 50 (25%) ciblées sur le cœur, plusieurs IRM ont été effectuées chez un même patient. La plupart des patients ont été revus à distance rapprochée ou lointaine sans qu’aucun effet permanent n’ait été détecté.

Les auteurs prédisent que les résultats concernant la sécurité ouvrent non seulement la voie à l’exploration cardiaque mais aussi aux procédures effectuées avec l’IRM : ablation des tachycardies ventriculaires, de la fibrillation atriale.

A condition de surveiller attentivement la réalisation de l’imagerie

« La prudence s’impose néanmoins : monitoring adéquat pendant l’examen et respect des protocoles concernant l’IRM chez les patients ayant un implant électronique » rappellent-ils.

Interrogé par Medscape édition française, le Pr Olivier Vignaux, radiologue (Hôpital Américain de Paris) précise à ce sujet : « …il est classiquement non recommandé de réaliser des IRM avec des sondes laissées en place. La raison essentielle est qu’on ne sait pas à priori si elles sont endocavitaires ou intra-myocardiques. Cette étude apporte donc des données intéressantes. »

Lever la contre-indication ?

Dans un commentaire accompagnant l’article, le Dr Robert J. Russo (The Scripps Research Institute, La Jolla, California) revient sur les risques théoriques générés par les électrodes abandonnées au cours de l’examen en insistant sur la surveillance nécessaire au cours de l’IRM [2]. Il rappelle la levée de la carence de 6 semaines après l’implantation mais considère que ce n’est pas suffisant. Il demande la réactualisation des recommandations concernant la pratique de l’IRM chez ces patients y compris ceux qui ont des électrodes fracturées ou épicardiques abandonnées qu’il y ait ou non un implant. « Finalement, la majorité des recherches actuelles démontrent clairement qu’aucun patient ayant un matériel électronique non-compatible, des électrodes abandonnées ou lésées, ne doit être exposé aux dangers associés à l’explantation des sondes, ni ne doit être écarté de l’imagerie par IRM pour peu que cet examen soit cliniquement indiqué sous couvert d’un examen correctement effectué et surveillé » conclut-il.