COVID-19 : les preuves d’une atteinte myocardique s’accumulent

23 avril 2020

Wuhan, Chine — Les caractéristiques cliniques de stade IV-terminal d’insuffisance cardiaque observées chez les patients avec Covid-19 apportent des preuves de plus en plus solides du fait que le virus peut provoquer des atteintes cardiaques, concluent des chercheurs chinois dans une petite étude.

Les preuves s’accumulent pour suggérer que le Covid-19 aggrave préférentiellement les personnes âgées, en particulier celles qui présentent des comorbidités, bien que le tableau clinique du Covid-19 chez les patients avec une insuffisance cardiaque réfractaire reste mal connue, écrivent le Dr Nianguo Dong et ses collègues de l’Hôpital de l’Union (Tongji Medical College, Huazhong University of Science and Technology, Wuhan).

Les chercheurs ont réalisé une étude rétrospective sur 4 patients (que des hommes) avec une insuffisance cardiaque sévère qui ont été hospitalisés avec une infection à Covid confirmée – infection probablement acquise à l’hôpital. Au moment du diagnostic, ils avaient juste une toux ou de la fatigue, aucun n’a présenté de fièvre.

Une augmentation de la troponine I multipliée par 20

Les quatre patients présentaient tous des ventricules gauches élargis et une fraction d’éjection ventriculaire gauche réduite (NYHF grade IV). Seulement deux patients présentaient des images typiques d’opacification au scanner pulmonaire.

Les deux patients ayant nécessité des soins intensifs sont morts 10 jours après avoir été testés positif au test PCR. Trois patients présentaient une troponine I élevée les derniers jours, en particulier les deux qui sont morts, avec une TNI qui s’est élevée significativement quelques jours avant le décès.

L’observation la « plus nouvelle » a été l’augmentation de troponine I (taux multiplié au moins par 20) chez les deux patients les plus sévèrement atteints, indiquant une atteinte myocardique, rapportent les chercheurs chinois.

Ils notent que les précédentes études ayant rapporté une atteinte myocardique chez des patients Covid-19 se sont fondées sur des indicateurs non spécifiques, comme la créatine kinase-MB (CK-MB) et la lactate déshydrogénase (LDH), qui peuvent constituer « les facteurs confondants de nombreux autres facteurs cliniques ».

En réalité, les CK-MB et LDH n’étaient pas significativement augmenté dans ces rapports. « Nos résultats fournissent une preuve définitivement plus solide de l’atteinte myocardique dans le Covid-19 ».

Un mécanisme à appréhender

L’équipe a aussi observé des taux de protéine C-réactive (CRP) et de peptide natriurétique cérébral (BNP) chez les deux patients décédés. De façon cohérente avec d’autres populations, les patients sévèrement atteints par le Covid-19 présentaient aussi une lymphopénie typique, notent les chercheurs.

En se basant sur ces cas, les cliniciens disent qu’il semble que des patients au stade terminal de leur insuffisance cardiaque aient un taux de mortalité élevé après l’infection. L’âge avancé, davantage de comorbidités, une mauvaise condition générale, et une atteinte cardiaque sévère peuvent constituer des facteurs de risque.

Le mécanisme exact de l’atteinte cardiaque induite par ce nouveau coronavirus n’est pas clair, disent les auteurs, mais avec les précédents rapports et cette série de cas, il semble en revanche établi que l’infection peut entrainer une atteinte cardiaque et est étroitement liée à la progression de la pathologie. Pour Dong et ses collègues, des études à long terme sur des cohortes plus importantes sont nécessaires pour mieux appréhender le pronostic de la maladie.

 

COVID-19 et lésions cutanées : plutôt un signe tardif de la maladie ?

Aude Lecrubier
14 avril 2020
France — Un nombre croissant de lésions cutanées ont été observées chez des patients suspects d’être infectés par le Covid-19.
Selon les informations disponibles à ce jour, elles toucheraient majoritairement des sujets jeunes, asymptomatiques ou atteints de formes non-graves de Covid et surviendraient tardivement au cours de l’histoire naturelle de la maladie.
« Il s’agit d’acrosyndromes (aspect de pseudo-engelures des extrémités), apparition subite de rougeurs persistantes parfois douloureuses, et des lésions d’urticaire passagère », indiquait récemment le Syndicat National des Dermatologues-Vénéréologues (SNDV) dans un communiqué.
« Alors que les érythèmes du visage semblent très rares, nous ont été rapportées assez rapidement, des lésions ressemblant à des engelures, surtout sur les orteils, auxquelles sont souvent associés un prurit ou des gonflements. Le nombre de cas parait important et la survenue inhabituelle en cette saison », a précisé le Pr Marie Beylot-Barry (CHU Bordeaux), Présidente de la Société Française de Dermatologie (SFD), à Medscape édition Française.
Une profusion de cas d’engelures signalés en quelques jours
Aux dizaines de cas qui ont été rapportés sur le groupe WhatsApp (400 dermatologues) du syndicat des dermato-vénérologues (SNDV) début avril s’ajoutent désormais une centaine de cas, a indiqué le Pr Marie Beylot-Barry.
Ces nouveaux cas ont été recensés suite à l’appel de la SFD à rapporter et à documenter les observations de lésions cutanées chez les patients suspects de Covid. Ils sont en cours d’analyse.
Signes tardifs du Covid-19 ?
De ce que l’on en sait à ce stade, il semblerait que ces cas surviennent plutôt chez des adolescents ou des jeunes adultes, dans des formes asymptomatiques ou non-graves du Covid-19 et assez tardivement.
« La plupart des patients n’ont absolument aucun symptôme. Seulement quelques cas ont été au contact d’une personne infectée ou ont eu des symptômes à minima. Aussi, les quelques tests PCR qui ont été réalisés se sont révélés négatifs. Ces manifestations cutanées semblent donc plutôt être un signe très tardif d’une infection presque déjà guérie. Ces signes ne surviennent très probablement pas à un stade précoce ou contagieux », a commenté le Pr Beylot-Barry pour Medscape édition française.
« Nous sommes en train de prélever du sang sur ces patients pour pouvoir réaliser des sérologies afin de confirmer s’ils ont été ou non en contact avec le virus », ajoute-t-elle.
Ces manifestations cutanées semblent donc plutôt être un signe très tardif d’une infection presque déjà guérie Pr Beylot-Barry
Des cas décrits aussi en réanimation:
Quelques signes cutanés ont aussi été décrits dans les services de réanimation mais ils semblent différents des pseudo-engelures décrites ci-dessus. « Ils ressemblent plutôt à des petites nécroses des extrémités lorsqu’il y a des troubles de la coagulation, à ces stades avancés. Il faudrait qu’ils soient vus par des dermatologues pour que l’on puisse vraiment en avoir le coeur net », précise le Pr Beylot-Barry.
Dans la littérature:
Le 26 mars, une publication italienne dans le Journal of The European Academy of Dermatology and Venerology , a rapporté des manifestations cutanées chez 18 patients sur les 88 infectés par le virus. Il s’agissait de rougeurs (érythème) (n=14), d’urticaire (n=3), ou encore des vésicules semblables à celles de la varicelle (n=1). Les symptômes ont été observés précocement pour 8 d’entre eux et après l’hospitalisation pour les 10 autres.
Plus récemment, un cas clinique italien publié dans Dermatologia Pediatria a décrit un tableau de pseudo-engelures similaire à la profusion de cas d’engelures recueillis par la SFD.
Enfin aux États Unis le Dr Randy Jacobs, dermatologue à l’université de Californie a rapporté des signes liés l’occlusion des petits vaisseaux : pétéchies, bleus, éruptions livédoïdes transitoires.
En pratique, outre le recueil précis des cas, la SFD souhaite favoriser la mise en place de filières permettant aux dermatologues et aux généralistes qui voient les patients en première ligne de les faire tester (PCR virale naso-pharyngée et prélèvement sanguin en vue d’une sérologie quand elle sera disponible, à renouveler 14 jours plus tard).
Droits : Photo étude COVIDSKIN – Société Française de Dermatologie

Perte du Goût et de l’Odorat et COVID-19

Anosmie-agueusie liées au COVID-19 : observations et recommandations des jeunes ORL de l’YO-IFOS

Jérome R. Lechien, MD, PhD, MS

6 avril 2020

France, Belgique – Au cours des dernières semaines, beaucoup de spécialistes ORL (nez-gorge et oreilles) et infectiologues européens ont observé que les patients infectés par le coronavirus (COVID-19) présentaient des troubles de l’odorat et du goût.

Ces symptômes d’anosmie/hyposmie (perte partielle ou totale de l’odorat) et de dysgueusie (perte partielle ou totale du goût) ont été retrouvés chez un grand nombre de patients infectés en Allemagne, France, Italie, Espagne, Angleterre et aux USA. 

Face à la multiplication des déclarations médicales dans la presse, un groupe de spécialistes ORL du YO-IFOS (le groupe jeunes ORL de la fédération internationale des sociétés d’ORL créé à Paris en 2017) a réalisé une étude européenne multicentrique afin d’investiguer ces troubles de l’odorat et du goût chez des patients Covid-19 [1]

Etude multicentrique sur 417 patients

Cette étude a été réalisée sur 417 patients présentant une forme non-sévère d’infection de COVID-19 (dont l’infection est prouvée par un test PCR). Parmi ceux-ci, on compte 263 femmes (63%) et 154 hommes (37%). Les symptômes généraux les plus fréquents de la maladie sont la toux, les douleurs musculaires, la perte d’appétit et la fièvre. Les symptômes ORL les plus fréquents sont les douleurs faciales et l’obstruction nasale. 86% des patients infectés ont affirmé présenter des troubles partiels ou complets de l’odorat et 88% des troubles partiels ou complets du goût. 

Notre étude montre que ces troubles de l’odorat surviennent soit avant l’apparition des symptômes (généraux et ORL) (dans 12% des cas), soit pendant (65% des cas) ou soit après (23% des cas). 

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Anosmie-agueusie liées au COVID-19