COVID-19 et lésions cutanées : plutôt un signe tardif de la maladie ?

Aude Lecrubier
14 avril 2020
France — Un nombre croissant de lésions cutanées ont été observées chez des patients suspects d’être infectés par le Covid-19.
Selon les informations disponibles à ce jour, elles toucheraient majoritairement des sujets jeunes, asymptomatiques ou atteints de formes non-graves de Covid et surviendraient tardivement au cours de l’histoire naturelle de la maladie.
« Il s’agit d’acrosyndromes (aspect de pseudo-engelures des extrémités), apparition subite de rougeurs persistantes parfois douloureuses, et des lésions d’urticaire passagère », indiquait récemment le Syndicat National des Dermatologues-Vénéréologues (SNDV) dans un communiqué.
« Alors que les érythèmes du visage semblent très rares, nous ont été rapportées assez rapidement, des lésions ressemblant à des engelures, surtout sur les orteils, auxquelles sont souvent associés un prurit ou des gonflements. Le nombre de cas parait important et la survenue inhabituelle en cette saison », a précisé le Pr Marie Beylot-Barry (CHU Bordeaux), Présidente de la Société Française de Dermatologie (SFD), à Medscape édition Française.
Une profusion de cas d’engelures signalés en quelques jours
Aux dizaines de cas qui ont été rapportés sur le groupe WhatsApp (400 dermatologues) du syndicat des dermato-vénérologues (SNDV) début avril s’ajoutent désormais une centaine de cas, a indiqué le Pr Marie Beylot-Barry.
Ces nouveaux cas ont été recensés suite à l’appel de la SFD à rapporter et à documenter les observations de lésions cutanées chez les patients suspects de Covid. Ils sont en cours d’analyse.
Signes tardifs du Covid-19 ?
De ce que l’on en sait à ce stade, il semblerait que ces cas surviennent plutôt chez des adolescents ou des jeunes adultes, dans des formes asymptomatiques ou non-graves du Covid-19 et assez tardivement.
« La plupart des patients n’ont absolument aucun symptôme. Seulement quelques cas ont été au contact d’une personne infectée ou ont eu des symptômes à minima. Aussi, les quelques tests PCR qui ont été réalisés se sont révélés négatifs. Ces manifestations cutanées semblent donc plutôt être un signe très tardif d’une infection presque déjà guérie. Ces signes ne surviennent très probablement pas à un stade précoce ou contagieux », a commenté le Pr Beylot-Barry pour Medscape édition française.
« Nous sommes en train de prélever du sang sur ces patients pour pouvoir réaliser des sérologies afin de confirmer s’ils ont été ou non en contact avec le virus », ajoute-t-elle.
Ces manifestations cutanées semblent donc plutôt être un signe très tardif d’une infection presque déjà guérie Pr Beylot-Barry
Des cas décrits aussi en réanimation:
Quelques signes cutanés ont aussi été décrits dans les services de réanimation mais ils semblent différents des pseudo-engelures décrites ci-dessus. « Ils ressemblent plutôt à des petites nécroses des extrémités lorsqu’il y a des troubles de la coagulation, à ces stades avancés. Il faudrait qu’ils soient vus par des dermatologues pour que l’on puisse vraiment en avoir le coeur net », précise le Pr Beylot-Barry.
Dans la littérature:
Le 26 mars, une publication italienne dans le Journal of The European Academy of Dermatology and Venerology , a rapporté des manifestations cutanées chez 18 patients sur les 88 infectés par le virus. Il s’agissait de rougeurs (érythème) (n=14), d’urticaire (n=3), ou encore des vésicules semblables à celles de la varicelle (n=1). Les symptômes ont été observés précocement pour 8 d’entre eux et après l’hospitalisation pour les 10 autres.
Plus récemment, un cas clinique italien publié dans Dermatologia Pediatria a décrit un tableau de pseudo-engelures similaire à la profusion de cas d’engelures recueillis par la SFD.
Enfin aux États Unis le Dr Randy Jacobs, dermatologue à l’université de Californie a rapporté des signes liés l’occlusion des petits vaisseaux : pétéchies, bleus, éruptions livédoïdes transitoires.
En pratique, outre le recueil précis des cas, la SFD souhaite favoriser la mise en place de filières permettant aux dermatologues et aux généralistes qui voient les patients en première ligne de les faire tester (PCR virale naso-pharyngée et prélèvement sanguin en vue d’une sérologie quand elle sera disponible, à renouveler 14 jours plus tard).
Droits : Photo étude COVIDSKIN – Société Française de Dermatologie