COVID-19: les effets CV de l’hydroxychloroquine confirmés par une vaste étude de pharmacovigilance

Vincent Richeux

2 juin 2020

 
 
 

Paris, France — Selon une analyse de pharmacovigilance française portant sur plusieurs millions de rapports d’effets indésirables émis au niveau international (base de données OMS), l’hydroxychloroquine, mais surtout l’azithromycine, et l’association des deux produits ont bien un impact délétère sur le système cardiovasculaire, même si cette toxicité reste rare. Les résultats ont été publiés dans Circulation.

« Notre étude confirme qu’il y a un risque d’effets cardiaques indésirables, potentiellement mortels, avec le traitement par l’hydroxychloroquine. Le signal indiquant une toxicité cardiaque reste toutefois très faible. En près de 50 ans de prescription, les cas d’arythmies rapportés sont rares », a commenté, auprès de Medscape édition française, le Pr Christian Funck-Brentano (Hôpital Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris).

Le risque apparait suffisamment faible pour se permettre de poursuivre, sous contrôle, les essais randomisés contre placebo afin d’évaluer le rapport bénéfice/risque de ce traitement en prévention d’une aggravation de l’infection par le SARS-CoV-2, estime le Pr Funck-Brentano.

Pourquoi cette analyse de pharmacovigilance de grande ampleur ?

L’hydroxychloroquine est un médicament indiqué en rhumatologie pour ses propriétés anti-inflammatoires et immunomodulatrices, essentiellement dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde et du lupus érythémateux. Son potentiel effet néfaste sur la fonction cardiovasculaire, connu depuis longtemps, était documenté jusque-là par quelques cas décrits dans des populations hétérogènes, explique le Pr Funck-Brentano.

 

Lorsque l’hydroxychloroquine a été envisagé en combinaison avec le macrolide azithromycin pour traiter les patients atteints du Covid-19, le Dr Joe-Elie Salem (Hôpital Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris) a décidé de lancer une analyse portant sur un maximum de données sur les effets indésirables des médicaments. L’objectif était d’évaluer plus précisément le risque d’effets indésirables associés à ces deux médicaments avant d’en recommander l’usage à plus large échelle.

21 millions de rapports de pharmacovigilance

L’étude s’est appuyée sur la base mondiale de données de pharmacovigilance de l’OMS comprenant plus de 21 millions de rapports d’effets indésirables, toutes classes de médicaments confondues, provenant de plus de 130 pays, rédigés entre novembre 1967 et mars 2020, principalement avant l’apparition de la pandémie de Covid-19.

Dans cette analyse, les chercheurs ont repris les déclarations d’effets indésirables cardiovasculaires chez les patients prenant de l’hydrochloroquine, de azithromycine ou les deux et les ont comparés à ceux associés à tous les autres médicaments présents dans la base de données.

Au total, plus de 76 800 cas d’effets indésirables cardiaques ont été rapportés avec l’hydroxychloroquine seule. Parmi eux, 28% étaient suspectés d’être directement en lien avec le traitement. Une prolongation de l’intervalle QT (LQT) ou une torsade de pointe (TdP), des complications habituellement associées à ce traitement, ont été identifiées chez 136 patients sous hydroxchloroquine.

Pour, l’azithromycine, 89 700 patients présentant des effets indésirables de ce type ont été identifiés, dont un LQT ou une TdP chez 223 d’entre eux. Dans 61% des cas, les effets indésirables d’origine cardiaque étaient suspectés d’être directement associés à l’antibiotique.

Une combinaison plus à risque

L’analyse des données montre que, parmi les cas suspects et en comparaison avec les effets indésirables observés avec tous les autres médicaments, il existe chez les patients prenant de l’hydroxychloroquine ou de l’azithromycine une proportion significativement plus importante du nombre de cas de tachycardie ventriculaire et/ou de LQT, y compris de TdP par rapport aux autres effets indésirables déclarés pour ces médicaments.

 

La combinaison hydroxychloroquine+azithromycine était corrélée à davantage de cas rapportés de LQT et/ou TdP comparativement aux cas identifiés avec l’un ou l’autre des médicaments pris seuls (respectivement 1,5% des effets indésirables cardiaques déclarés contre 0.6%).

 

Chez les patients présentant une torsade de pointes, le taux de décès est de 20% sous azithromycine seule, contre 8,4% sous hydroxychloroquine seule. L’hydroxychloroquine a également été associée à une insuffisance cardiaque potentiellement mortelle lorsque l’exposition était prolongée sur plusieurs mois.

 

« Des effets proarythmiques cardiaques aigus potentiellement mortels ont été décrits principalement avec l’azithromycine, mais aussi avec l’hydroxychloroquine. Leur combinaison a donné un signal plus important », ont commenté les auteurs.

 

Facteurs de risque supplémentaires

Bien que le nombre de cas soit faible, « il est important de tenir compte de ce risque d’effets indésirables cardiovasculaires dans le contexte de la prise en charge des patients atteints du Covid-19, qui peuvent présenter des facteurs de risque supplémentaires », dont l’hypokaliémie, un taux élevé d’interleukine-6 ou encore une bradycardie, concluent les chercheurs.

 

« Cette étude est robuste d’un point de vue statistique par le nombre de données traitées. Les résultats restent rassurants en ce qui concerne ce risque cardiovasculaire associé à ces traitements. Cependant, il s’agit d’une étude épidémiologique et il est essentiel de poursuivre les essais randomisés pour évaluer le bénéfice/risque de l’hydroxychloroquine dans le Covid-19 », a insisté le Pr Funck-Brentano.