Des pacemakers recyclés aussi performants que des neufs

Adélaïde Robert-Géraudel

2 avril 2013

 

Mexico, Mexique – La réutilisation de pacemakers est non seulement faisable mais sûre, seule la durée de vie de la batterie différencie véritablement le dispositif réimplanté du dispositif neuf – et encore est-elle supérieure aux attentes.

C’est ce que conclut une étude parue dans Circulation menée par l’équipe de Santiago Nava (Mexico, Mexique).

Dans le Centre national de cardiologie « Ignacio Chavez », la réimplantation de pacemakers prélevés sur des personnes décédées – après une sélection et une stérilisation rigoureuses – est une pratique courante, mais réservée aux personnes qui ne peuvent se procurer un pacemaker neuf par d’autres moyens, expliquent les auteurs.

Les preuves de la sécurité d’emploi et de l’efficacité de cette pratique étant insuffisantes, l’équipe a réalisé une étude de non-infériorité.

 

Entre 2000 et 2010, un dispositif recyclé stérilisé a été implanté chez 307 patients (96% de ces dispositifs étaient d’origine cadavérique) et un dispositif neuf chez 296 autres.

Les pacemakers recyclés avaient été soit prélevés au Centre, après accord des familles, soit offerts par les familles qui les avaient récupérés auprès d’autres hôpitaux ou services funéraires.

Tout dispositif présentant des signes externes d’usure était éliminé. Les autres étaient stérilisés et le niveau de la batterie, l’impédance et les valeurs programmées étaient contrôlés. Seuls les dispositifs ayant une capacité de charge suffisante pour fonctionner au moins quatre ans étaient éligibles.

Le critère primaire de l’étude était un critère composite associant un déchargement inattendu de la batterie, une infection et un dysfonctionnement du pacemaker.

Une espérance de vie d’environ 6 ans pour la batterie

Après 4,16 ans de suivi médian, 85 pacemakers ont dû être explantés dont 54 étaient des pacemakers recyclés. Le taux d’explantation était ainsi de 10,5% dans le groupe « pacemaker neuf » et de 17,6% dans le groupe « pacemaker recyclé », soit un risque relatif de 1,68 (IC 95% 1,1-2,5, p=0,02).

La différence s’explique essentiellement par la durée de vie de la batterie. Le taux d’explantation toute cause confondue des pacemakers recyclés dépasse ainsi celui des pacemakers neufs, surtout après les cinq premières années de suivi.

Pour autant, « la durée de vie moyenne pour les pacemakers re-stérilisés a été plus élevée qu’attendu », soulignent les auteurs. Elle était de 6,17 ans pour les pacemakers recyclés contre 8,9 ans pour les pacemakers neufs.

 

Le critère primaire a été atteint dans 5,5% des cas dans le groupe « pacemaker neuf » et dans 7,2% dans le groupe « pacemaker recyclé », soit un risque relatif de 1,3 (IC 95% 0,7-2,45, p=0,794). De ce fait, l’étude conclut à la non-infériorité du pacemaker recyclé.

 

Un déchargement inattendu de la batterie a concerné 1,7% des pacemakers neufs et 3,6% des pacemakers recyclés, soit un risque relatif de 2,12 (IC 95% 0,75-6, p=0,116).

 

Une infection liée à la procédure s’est déclarée chez 3,7% des porteurs de pacemakers neufs et 3,2% des porteurs de pacemakers recyclés, soit un risque relatif de 0,87 (IC 95% 0,38-2,03, p=0,46), sans différence sur le type d’infections.

Enfin, un seul pacemaker a présenté un dysfonctionnement lié à la détérioration de la vis d’une électrode, et il s’agissait d’un pacemaker recyclé. Depuis, les vis sont soigneusement inspectées avant re-stérilisation, soulignent les auteurs, qui précisent que ce dysfonctionnement est resté sans conséquence pour le patient.

 

Les auteurs jugent la non réutilisation non éthique

 

Le recyclage des pacemakers semble ainsi un procédé intéressant, et ce, soulignent les auteurs « indépendamment de considérations économiques » -qui deviennent néanmoins prégnantes un peu partout dans le monde.

 

Pour autant, les réglementations concernant le recyclage de dispositifs médicaux à usage unique (single use devices, SDU) dont font partie les stimulateurs cardiaques, sont encore très disparates.

 

Aux Etats-Unis, la FDA a établi depuis 2000 un cadre réglementaire pour la réutilisation des dispositifs médicaux à usage unique. Concernant les pacemakers, la FDA a cependant souligné la difficulté de savoir si les pacemakers pouvaient être correctement restérilisés après une première implantation dans la mesure où des fluides corporels pouvaient pénétrer dans les sondes.

 

L’Union européenne, elle, n’a pas de réglementation commune. En 2010, le SCENHIR (Scientific Committee on Emerging and Newly Identified Health Risks) a publié un document sur la sécurité des dispositifs médicaux à usage unique recyclés dans lequel il suggère de bien encadrer ces pratiques, mais s’inquiète du risque d’infection par le prion. La Commission européenne a par la suite adressé au Parlement un document qui reprend l’avis du SCNEHIR.

 

Pour l’heure, chaque Etat membre a sa propre réglementation. En France, le principe de non réutilisation s’applique pour garantir l’absence de transmission iatrogène d’organismes pathogènes et d’accident relevant du domaine de la matériovigilance (voir encadré ci-dessous).

 

Le risque infectieux et les doutes concernant l’efficacité des dispositifs réimplantés sont en effet les principaux freins, avec les aspects éthiques.

 

Or une fois que la preuve de la sécurité d’une telle procédure est apportée, ce qui serait non éthique c’est plutôt de ne pas la proposer, jugent Santiago Nava et ses collègues.

 

Ceux-ci pointent le fait que la décision de labelliser un dispositif médical à usage unique est prise par le fabricant, et qu’il n’est pas nécessaire, pour restreindre ainsi l’usage des appareils, de démontrer que leur restérilisation comporte un risque.

 

Ils dénoncent à ce sujet l’attitude de certains fabricants qui, au Mexique, « ont pour politique de ne pas fournir de nouvelles électrodes pour les pacemakers restérilisés ».

 

Ils déplorent en outre que 44% des dispositifs explantés atterrissent dans les déchets médicaux et que seuls 18% soient donnés pour un usage humain dans les pays en développement.

En France : ré-utiliser non, mais collecter pour un recyclage à l’étranger, oui 

En France, les pacemakers doivent être explantés post-mortem par un médecin ou un thanatopracteur. La législation (article R.2213-15 du code général des collectivités territoriales) l’impose, que la personne soit enterrée (risque de pollution environnementale) ou incinérée (risque d’explosion dans l’incinérateur).

Deux choix sont alors possibles : l’élimination ou, dans certains cas, la collecte pour d’autres pays.

Classés déchets dangereux non seulement du fait de la présence de la batterie au lithium mais du fait du risque infectieux, les pacemakers dépendent d’une filière d’élimination particulière, celle des dispositifs médicaux implantés actifs (DMIA).

Un DMIA est éliminé soit via le prestataire de l’établissement où il a été explanté soit via le fabricant. Les prestataires recyclent les pacemakers mais il s’agit uniquement d’un recyclage matière de certains métaux contenus dans ces dispositifs.

Le retour des DMIA aux fabricants leur permet de mener des études sur les dispositifs usagés. Cette pratique a un intérêt économique pour le producteur de déchet car il limite le recours aux prestataires spécialisés. Or celui-ci a un coût puisque le producteur de déchet doit payer la différence entre le prix de la collecte et du traitement, et le bénéfice réalisé à partir de la revente des métaux.

Mais il existe une autre possibilité, encouragée par le Syndicat professionnel des thanatopracteurs indépendants et salariés [3], et qui consiste à collecter les pacemakers au bénéfice de STIMUBANQUE, une association qui se charge de récupérer les pacemakers ou les défibrillateurs pour les réutiliser dans d’autres pays.

Dans ce cas, vante le Syndicat, le coût d’élimination n’a plus à être supporté, il suffit de payer les frais d’acheminement.

STIMUBANQUE gérée par le Dr Bernard Dodinot (Nancy), fait partie de l’association StimDéveloppement gérée par le Pr Xavier Jouven (Hôpital Européen Georges Pompidou, Paris).

Celle-ci ne collecte que les modèles de moins de deux ans dont la longévité résiduelle est d’au moins cinq ans, et seulement certains modèles dont une liste a été mise à jour en février 2013.

Ndlr : Et qui se chargera de l’élimination des pacemakers dans les pays en développements ?