COVID-19 : un quart des personnes perdraient leurs anticorps en moins de 3 mois

Peter Russell

2 novembre 2020

 

Londres, Royaume-Uni—Alors que vendredi soir, le dernier avis du Conseil scientifique indiquait : «  l’immunité en population va mettre de nombreux mois à monter de façon significative et commencer à ralentir la rapidité de la circulation du virus en population générale », une étude en cours menée par le Collège Impérial de Londres[1] montre que les anticorps contre le virus SARS-CoV-2 disparaissent souvent en quelques semaines, en particulier chez les personnes asymptomatiques et les plus de 75 ans.

D’après ces résultats publiés en pré-print sur le site MedRxiv, la proportion de personnes testées positives pour les anticorps COVID-19 a chuté de 26,5% sur une période de 3 mois entre juin et septembre 2020.

L’infection par le SARS-CoV-2 pourrait donc ne conférer qu’une protection limitée contre la réinfection.

Le professeur Paul Elliott, directeur du programme REACT-2 au Collège Impérial de Londres, indique: «Un test positif pour les anticorps ne signifie pas que vous êtes immunisé contre le COVID-19. On ne sait toujours pas quel niveau d’immunité est conféré par les anticorps, ou combien de temps dure cette immunité. »

 

Mais selon les experts, si les résultats suggérent que l’immunité pourrait s’estomper avec le temps, la gravité de la maladie suite à d’autres infections pourrait être réduite.

La prévalence des anticorps a diminué chez tous les adultes

L’analyse a porté sur 365 104 adultes anglais qui ont réalisé un autotest (test de flux latéral/LFA) recherchant les IgG. Les résultats d’un certain nombre de ces autotests ont été confirmés en laboratoire. En tout, 17 576 tests se sont révélés positifs.

En trois mois, la prévalence des anticorps est passée de 6,0% à 4,4%, soit une réduction de 26,5%.

Si toutes les classes d’âge sont concernées, ce sont les plus de 75 ans chez qui le taux de positivité était le plus faible et la baisse des taux d’anticorps la plus élevée.

Entre juin et septembre, la part des personnes de plus de 75 ans dont les AC étaient détectables a diminué de 39 % versus 15 % pour les 18-24 ans.

Les résultats suggèrent aussi que les personnes asymptomatiques sont plus susceptibles de voir leur taux d’anticorps détectables disparaitre plus tôt que celles qui présentent des symptômes. Plus précisément, le taux d’anticorps chez les personnes symptomatiques a diminué de 22,3 % au cours des trois derniers mois versus 64 % chez les personnes asymptomatiques.

Chez les soignants, aucune baisse de la prévalence des anticorps n’a été observée au cours des 3 mois, indiquent les chercheurs.

 

Pour la professeure Helen Ward, l’un des principaux auteurs, il est clair que la proportion de personnes ayant des anticorps diminue avec le temps, « Nous ne savons pas encore si cela exposera ces personnes à un risque de réinfection par le virus mais il est essentiel que chacun continue de suivre les mesures permettant de réduire le risque pour lui-même et pour les autres ».

 

Encore des incertitudes

Commentant ces résultats sur le Science Media Center , Rowland Kao, professeur d’épidémiologie vétérinaire et de science des données à l’Université d’Edimbourg, a averti que si les résultats étaient corrects, « toute stratégie reposant sur l’immunité collective manquerait de crédibilité ».

Cependant, il a ajouté que « si le déclin est substantiel, une part non négligeable de la population conserve néanmoins une certaine réponse immunitaire, plus de 4 mois après le pic de l’épidémie ».

 

Aussi, pour Eleanor Riley, professeure d’immunologie et de maladies infectieuses, également de l’Université d’Edimbourg il est trop tôt pour supposer que l’immunité contre le SARS-CoV-2 ne dure pas, car « l’étude ne porte pas sur les concentrations d’anticorps, la fonction des anticorps ou d’autres aspects de l’immunité tels que l’immunité des lymphocytes T, et ne regarde pas la trajectoire des niveaux d’anticorps chez les mêmes individus au fil du temps. »

 

En outre, elle souligne que les résultats ne signifient pas qu’un vaccin serait inefficace car les vaccins contiennent des adjuvants qui pourraient induire des réponses immunitaires durables, en particulier avec des immunisations multiples.

Ce qui n’est pas clair, c’est à quelle vitesse les niveaux d’anticorps augmenteraient à nouveau si une personne rencontrait le virus SARS-CoV-2 une deuxième fois
 

«Ce qui n’est pas clair, c’est à quelle vitesse les niveaux d’anticorps augmenteraient à nouveau si une personne rencontrait le virus SARS-CoV-2 une deuxième fois. Il est possible qu’ils réagissent encore rapidement et qu’ils aient une maladie plus bénigne ou qu’ils restent protégés grâce à la mémoire immunitaire », a commenté le Dr Alexander Edwards, professeur agrégé en technologie biomédicale à l’Université de Reading.

 

Le ministre de la Santé, Lord Bethell, a déclaré: «Quel que soit le résultat d’un test d’anticorps, tout le monde doit continuer à se conformer aux directives gouvernementales, y compris la distance sociale, l’auto-isolement et le test si vous avez des symptômes, et rappelez-vous toujours: les mains, le visage, l’espace. »

 

Les différents types de réponses immunitaires, en bref

Lorsqu’on est infecté, la première réponse qui se déclenche est la réponse immunitaire innée (macrophages, neutrophiles…) qui est immédiate et qui détruit l’agent infectieux en attendant la réponse adaptative.

Cette dernière est constituée de la réponse cellulaire T/deuxième étape (les  lymphocytes T CD4 et CD8) et de la réponse humorale/troisième étape (les lymphocytes B producteurs d’AC) et elle se développe dans les jours qui suivent l’infection.

La réponse cellulaire T a un rôle majeur dans la défense contre les infections. De manière schématique, les lymphocytes T CD4 aident les lymphocytes B à produire les anticorps pour attaquer et détruire les particules virales, et les lymphocytes T CD8 à détruire directement les cellules infectées.

Après une infection, on peut garder des lymphocytes B et T dits « mémoires ». Comme leur nom l’indique, ils gardent en mémoire l’agent infectieux.  En cas de nouvelle infection, ils sont immédiatement réactivés et conduisent à une réponse spécifique, rapide et efficace.

 AL

 

Cet article a été traduit/adapté de Medscape édition anglaise par Aude Lecrubier.