Une étude relance l’intérêt de la ré-utilisation des pacemakers et défibrillateurs usagés

 

Montréal, Canada — La réticence à la réutilisation des appareils implantables tient au risque élevé d’infection qu’une telle option ferait courir au nouveau receveur. Pourtant, pendant des dizaines d’années, les pays occidentaux ont proposé ces appareils explantés, encore actifs, aux pays moins favorisés. Cette opportunité a fait l’objet d’une étude prospective publiée dans le NEJM et il semble bien que les craintes concernant le risque infectieux soient injustifiées [1].

Un taux d’infection légèrement plus élevé

Dans quatre pays aux ressources limitées, le risque d’infection est en effet identique ou au pire légèrement plus élevé lors de l’implantation de pacemakers ou défibrillateurs recyclés, si l’on compare au taux d’infections avec du matériel identique neuf implanté chez des patients au Canada.

Le taux d’infection est de 2% chez les 1051 patients ayant bénéficié du matériel recyclé et de 1,2% dans le groupe des 3000 patients ayant un implant neuf. La majoration du risque (66%) n’est pas statistiquement significative (P=0,06) En outre il n’y a pas eu de décès en rapport avec l’implant.

 

Même si le taux d’infections est plus élevé dans le groupe des implants recyclés (moins de 1% de différence absolue). « Le taux d’infection reste modeste et raisonnable considérant l’absence d’alternative chez ces patients » déclare à the heart.org/ Medscape Cardiology, Thomas F. Khairy (Montreal Heart Institute), dernier auteur de cette étude.

Des résultats rassurants

« Ces résultats sont rassurants » ajoute-t-il. « Il y a un certain enthousiasme au Canada et Etats-Unis vis-à-vis de cette réutilisation de ces stimulateurs et défibrillateurs dont la durée de batterie restante est encore substantielle – au moins 5 ans dans cette étude. Ces appareils proposés aux patients des pays défavorisés se font par l’intermédiaire d’une donation venant de patients décédés.

« Le risque supposé d’infection » est un fréquent motif d’exclusion du recyclage. « Heureusement, notre étude va pouvoir lever ces craintes et encourager d’autres centres à travailler et collaborer à la création de programmes pour combler ce besoin [de matériel cardiaque implantable]» souligne T.F. Khairy.

Depuis 1983, dans le centre ou exerce T.F. Khairy, la réutilisation des implants cardiaques profite à des ressortissants de pays en voie de développement. Un registre a été créé en 2003.  Au Canada, Etats-Unis et en Europe, il est interdit de les réutiliser chez les membres des peuples premiers.  

Thomas C. Crawford (University of Michigan. Ann Arbor. USA) a déclaré à The heart.org/Medscape Cardiology : « le message majeur pour moi est que le taux d’infections n’est pas substantiellement plus élevé avec le matériel recyclé ».

« Les données du registre prospectif qui ne sont pas celles d’une étude randomisée, nous indiquent que si le risque d’infection est plus élevé – et je ne suis pas sûr que ce soit la réalité – il n’est pas beaucoup plus important que lors de l’implantation d’un matériel neuf » insiste T. C. Crawford en charge du programme de réutilisation My Heart Your Heart, créé en 2010.

l ne vient à l’idée de personne de dire que les implants stérilisés et reconditionnés sont aussi performants que les neufs, ajoute T. C. Crawford. « Le message que nous voulons porter est qu’il est possible d’en faire profiter une population qui n’a pas du tout accès à ce traitement, avec un appareil qui peut fonctionner peut-être moins longtemps mais d’une façon similaire à celui sortant de l’usine. Dans un tel contexte, l’étude nous indique à l’évidence que cette pratique n’est pas dangereuse ».

 

Recueil post mortem

Les auteurs précisent que le recueil post mortem des implants est assuré par un réseau québécois de pompes funèbres et crématoriums. Selon un protocole établi, les implants sont nettoyés, décontaminés et interrogés au sein du Montreal Heart Institute. Après quoi ils sont envoyés au centre qui va assurer l’implantation où ils seront stérilisés une seconde fois.

 

L’étude menée entre 2003 et 2017, a inclus 1051 patients en République Dominicaine, au Guatemala, au Honduras et au Mexique, le matériel provenant de différents fabricants. Dans 65,4%, les patients avaient un bloc auriculo-ventriculaire, dans 12,7% une maladie du sinus, une insuffisance cardiaque à fraction d’éjection altérée dans 9,3%. Les stimulateurs cardiaques concernent 85,0% des implants : mono-chambre 55,5%, double- chambre 38,8% et 5,7% sont des triple-chambre.

 

Chacun de ces patients a été associé en fonction de son âge, sexe, type d’implant et nombre d’électrodes avec trois patients similaires ayant reçu du matériel neuf au Montreal Heart Institute, soit 3153 sujets-contrôles.   

 

Les critères primaires concernaient le taux d’infections ou bien les décès en rapport avec l’implant : aucun décès dû au matériel n’a été constaté pendant 2 ans. Cependant, un taux de 2% d’infections est noté dans le groupe étudié, (temps médian 66 jours). Dans le groupe contrôle il y a eu à 61 jours, 1,2% d’infections. Le risque dû au hasard après ajustement est de 1,66 (IC 95% 0,97-2,83 ; P= 0,06).

 

Le rapport signale « Dans les deux groupes, les bactéries impliquées étaient semblables avec plus de 75% d’infections dues aux staphylocoques dorés ou epidermitis ».

 

Aller vers un milieu chirurgical plus homogène

« Indépendamment de tout ça, il est possible que le taux d’infections reste malgré tout élevé qu’il s’agisse ou non d’implants neufs ou réutilisés, compte tenu des patients, de l’environnement opératoire, des critères de soins » remarque T. C. Khairy.

 

Le taux d’infections dans le groupe étudié pourrait être minoré par un milieu chirurgical plus homogène. A cet effet, le centre de reconditionnement de Montréal et les sites d’implantations travaillent ensembles à la mise en place de protocoles dédiés aux antibiotiques, aux techniques chirurgicales, aux soins péri-opératoires.

 

« Nous n’avons pas mis en évidence de différence statistique, c’est rassurant. Avec des conditions meilleures dans les différents centres, la différence aurait même pu être moindre » T. F. Khairy.

 

T. C. Crawford poursuit néanmoins : la question importante est de savoir si le taux d’infections est effectivement ou non en rapport avec le matériel réimplanté.

 

« Dans un milieu où la population est moins bien prise en charge, l’utilisation d’un implant neuf ne résout pas les problèmes liés à l’environnement : accessibilité rapide aux soins, laboratoires, suivi post opératoire. Ce n’est pas simplement une question de bactéries au niveau de l’implant ».