Le tako-tsubo, une cardiomyopathie en quête de reconnaissance

19 janvier 2010

Paris, France — Lors des XXes Journées Européennes de la Société Française de Cardiologie, le Pr André Keren (Hôpital universitaire d’Hadassah, Jérusalem, Israël) a indiqué que le tako-tsubo en impose cliniquement pour un syndrome coronaire aigu à coronaires normales. L’identifier dans son contexte particulier de stress permet d’éviter des explorations et traitements inutiles.

Identifier un tako-tsubo dans son contexte particulier de stress permet d’éviter des explorations et traitements inutiles — Pr Keren (Jérusalem, Israël)

Depuis la première description du piège à poulpe (tako-tsubo) par une équipe japonaise, cette cardiomyopathie de stress est mieux connue et reconnue. Il y a probablement une prédisposition familiale pour la survenue de cette pathologie réversible à la suite d’un stress physique ou émotionnel. Des cas familiaux ont été décrits et elle survient dans la très grande majorité des cas chez la femme en période post-ménopausique. Lors d’un orage de catécholamines, les récepteurs bêta du myocarde se redistribuent avec une prédominance des formes Gs inotropes négatives à l’apex alors que les récepteurs bêta de type G 1 inotropes positifs restent denses à la base, ce qui explique la morphologie si particulière de ballonisation apicale à l’échocardiographie.

Avec ce « switch Gs vers G 1 », le dysfonctionnement myocardique diminue la perfusion coronaire, provoque des lésions directes des myocytes et des désordres métaboliques au niveau du muscle cardiaque.

« Il s’agit d’une forme unique de cardiomyopathies qui n’a pas encore de place dans la classification des cardiomyopathies » a souligné le Pr André Keren. Les femmes forment 82 à 100 % du contingent de patients selon les séries. Elles sont âgées de 55 à 75 ans dans les suites d’un stress physique ou émotionnel dans deux tiers des cas.

Du fait de la présentation très similaire à celle d’un infarctus ou d’un syndrome coronaire aigu, le tako-tsubo est important à reconnaître pour éviter des thérapeutiques inutiles voire dangereuses comme les inotropes.

« Il représente 2 % des SCA et 9 % chez les femmes post-ménopausiques » a ajouté le spécialiste. L’ECG a un aspect particulier de troubles de repolarisation et la présence d’une onde Q transitoire, une élévation du segment ST et de profondes ondes T négatives parfois persistantes. Il existe également un prolongement de l’espace QT dans les deux à trois jours suivant l’épisode aigu. 10 cas de torsades de pointe ont été décrits.

Troubles de la microcirculation

L’échocardiographie retrouve un aspect de ballonisation par dyskinésie. Il y a des variants avec une atteinte médioventriculaire donnant un aspect en artichaut. La coronarographie ne retrouve rien ou des lésions non obstructives. En revanche, il existe des spasmes dans la microvascularisation provoquant une réduction de la perfusion myocardique et une dysfonction microvasculaire.

La tomographie à positons confirme ces problèmes de vascularisation au niveau de l’apex. En IRM dynamique, la pointe du ventricule gauche se contracte mal mais il n’y a pas de rehaussement tardif ni de signe de myocardite. « Il s’agit d’une dysfonction ventriculaire gauche transitoire » a expliqué le Dr Keren.

Un registre allemand montre que 13 % des tako-tsubo se présentent dans un tableau d’OAP, 6 % en détresse respiratoire, 4 % en réanimation et 7 % en choc thérapeutique. 8 % ont une implication du ventricule droit, 0,5 % souffre d’une rupture myocardique et 2,2 % se compliquent de décès. Un thrombus intracardiaque est possible, ce qui peut justifier une courte anticoagulation.

Stress et prédisposition

Les Japonais ont décelé 16 cas dans les quatre semaines suivant le tremblement de terre de Niigata simultanément à l’augmentation des morts subites et des SCA. [3] Ils montrent que l’incidence de tako-tsubo est multipliée par 24 dans la région proche de l’épicentre.

Chronologiquement, il existe une variation circadienne de la maladie avec une prédominance matinale, une fréquence supérieure le lundi et en période estivale.

Conduite à tenir
La conduite à tenir se décline en sept points :

  • Monitoring pour dépister les arythmies
  • Bêtabloquants, IEC, diurétiques et ballon de contre-pulsion aortique si besoin
  • Surveiller la pression artérielle, l’obstruction ventriculaire gauche pouvant générer une hypotension.
  • Envisager une assistance circulatoire.
  • Une courte anticoagulation est à envisager.
  • Réévaluer régulièrement le traitement au décours de la normalisation de la fonction VG.
  • Bêtabloquant, éventuel traitement hormonal substitutif (THS) et méthodes de relaxation pour éviter les récidives

 

Un registre allemand retrouve une prescription d’antiagrégant plaquettaire dans 67 %, des bêtabloquants dans 76 %, des IEC dans 76 % et des ICA dans 19 % des cas. 2,2 % récidivent dans la période de 2 à 39 mois suivant l’événement inaugural.

« Il est probable que des cas d’angioplastie primaire doivent être requalifiés » a commenté le Dr Olivier Dubourg (Hôpital Ambroise-Paré, Boulogne). Une étude menée à l’hôpital Ambroise-Paré souligne la sous-estimation de cette nouvelle pathologie.Parmi 4551 patients adressés en salle de cathétérisme, 1613 se présentaient en SCA et 12 avaient un tako-tsubo (prévalence de 0,7 %).

« Dans un autre travail, on a repris rétrospectivement tous les cas d’IDM à coronaire normale chez des femmes et nous avons retrouvé des cas méconnus ». Quant à la prédisposition génétique, « il faut attendre mais je ne serai pas surpris et si elle se confirme, elle devrait faire changer la classification des cardiomyopathies » a conclu le Dr Dubourg.