TAVI, MitraClip, chirurgie mini-invasive… le point sur les dernières avancées dans le traitement des valvulopathies

Vincent Richeux

19 janvier 2021

 
 

Elargissement du TAVI (Le TAVI (Transcatheter Aortic Valve Implantation) est l’implantation d’une valve aortique biologique par voie percutanée, c’est-à-dire sans ouvrir le thorax) aux patients à bas risque chirurgical, remboursement du MitraClip dans l’insuffisance mitrale primaire, hausse de la chirurgie mini-invasive sur valve mitrale, qui pourrait aussi être remplacée par voie percutanée… Le traitement des valvulopathies est actuellement en pleine mutation. Deux cardiologues ont exposé les changements majeurs lors des Journées Européennes de la Société Française de Cardiologie (JESFC2021), qui se sont déroulé cette année sous forme virtuelle.

Avec l’élargissement des indications du TAVI, « nous assistons à une véritable révolution dans le traitement du rétrécissement aortique », a commenté le Pr Martine Gilard (CHU de Brest), lors de sa présentation, pendant laquelle la cardiologue a retracé l’évolution remarquable des techniques percutanées sur valve aortique, mais aussi sur valve mitrale avec le développement du MitraClip.

Près de 20 ans après la pose du premier TAVI par l’équipe du Pr Alain Cribier, au CHU de Rouen, la technique devrait, en effet, devenir un traitement de premier choix pour de nombreux patients atteints d’une valvulopathie aortique. Au départ réservé aux cas de sténose aortique non opérable, le TAVI a été validé chez les patients à risque chirurgical intermédiaire puis, récemment, chez les patients à faible risque, une étape marquante en cardiologie interventionnelle.

« Changement de paradigme »

Pour rappel, les résultats positifs chez les patients à bas risque ont été rapportés fin 2019 dans les essais PARTNER-3 et Evolut Low Risk. Dans PARTNER-3, le TAVI s’est même avéré nettement supérieur à la chirurgie sur le critère primaire d’évaluation associant mortalité, AVC et réhospitalisation à un an (8,5% des patients contre 15,1% chez ceux implantés par chirurgie).

 

Ces essais randomisés ont également montré une diminution de la durée d’hospitalisation, un taux de complications réduit et une récupération plus rapide des performances physiques, ce qui s’est traduit par une amélioration plus nette de la qualité de vie, par rapport aux patients à bas risque traités par chirurgie.

Le TAVI étant désormais indiqué pour la grande majorité des patients, nombreux sont ceux qui évoquent « un changement de paradigme », avec une chirurgie qui se retrouverait reléguée comme option de second choix. Il faudra attendre l’actualisation des recommandations de l’European Society of Cardiology (ESC), prévue pour 2021, pour voir cette extension d’indication officialisée.

Comme nous l’indiquait le Pr Bernard Iung (hôpital Bichat-Claude Bernard, AP-HP, Paris), dans un entretien au congrès ESC2019 , cet élargissement des indications a déjà été mis en pratique chez les patients plus âgés classés à bas risque. « Après 80 ans, beaucoup d’équipes favorisent le TAVI en première intention, même si ce n’est pas encore recommandé. »

Le TAVI autorisé sur bicuspidie

Selon le Pr Thierry Folliguet (Hôpital Henri Mondor, AP-HP, Créteil), qui est intervenu lors de ces eJESFC pour faire le point sur les actualités marquantes de 2020 dans le domaine des valvulopathies, « on peut maintenant se demander si le TAVI ne va pas devenir le traitement de première intention pour tous les patients » . La chirurgie serait alors envisagée uniquement en cas de contre-indication au TAVI.

 

Il reste toutefois une part d’inconnue sur la durabilité des prothèses TAVI à long terme, a rappelé le cardiologue, même si les premières données à cinq et dix ans s’avèrent rassurantes. Les données cliniques à long terme seront déterminantes pour une application du traitement chez des patients plus jeunes, a expliqué le Pr Folliguet. Avec l’évolution des indications, l’âge moyen des patients recevant un TAVI est désormais de 74 ans.

Conséquence de cette évolution: la part des TAVI dans le remplacement de la valve aortique est en nette hausse. Entre 30 et 40% des patients présentant un rétrécissement aortique sont considérés comme inopérables. Autant de patients qui peuvent bénéficier désormais du TAVI, auxquels s’ajouteraient les quelque 30% de patients à bas risque.

Autre avancée notable: la bicuspidie n’est plus considérée comme une contre-indication. Après quelques études de petite taille laissant espérer un bénéfice avec les prothèses de dernière génération, une analyse du registre américain TVT a confirmé une absence de différence sur le critère principal associant mortalité globale et AVC à un an, après traitement TAVI sur près de 2 700 patients avec bicuspidie. Ceux -ci ont reçu la bioprothèse TAVI Sapien 3® (Edwards Lifesciences) implantée par ballonnet.

Utilisée dans d’autres analyses du registre TVT moins conséquentes, mais tout aussi concluantes pour les patients biscuspides, la valve TAVI auto-expandables en supra-annulaire Evolut (Medtronic) a récemment été approuvée par la Food and Drug Administration (FDA) dans le traitement percutané des patients à haut risque ou à risque intermédiaire présentant cette anomalie, qui touche 0,5 à 2% de la population, a indiqué le Pr Folliguet.

 

Le MitraClip remboursé dans l’IM primaire

En parallèle de ces évolutions majeures dans la prise en charge des valvulopathies aortiques, des progrès sont également à noter dans le traitement de l’insuffisance mitrale et même tricuspide.

 

Tout d’abord, dans le traitement de l’insuffisance mitrale, la réparation percutanée bord à bord par la pose d’un MitraClip a obtenu son remboursement dans l’insuffisance primaire, a indiqué le Pr Folliguet. Recommandé dans un premier temps dans l’insuffisance mitrale secondaire chez les patients symptomatiques à risque opératoire élevé, ce traitement va donc s’élargir à la régurgitation mitrale primaire.

 

Ce remboursement fait suite à la publication de plusieurs études évaluant l’intérêt du dispositif par rapport à la chirurgie dans dans cette indication. « Ces études ont permis la validation des recommandations » concernant le traitement percutané de l’insuffisance mitrale primaire.

 

Dans le traitement de l’insuffisance mitrale secondaire associée à une insuffisance cardiaque sévère, des interrogations persistent toutefois sur la sélection des patients candidats à cette stratégie, après les résultats négatifs à deux ans de l’essai français MITRA-FR, en contradiction avec ceux de l’essai américain COAPT, a priori plus restrictif dans le choix des patients.

 

Approches mini-invasives en hausse

Les nouveautés dans le traitement de l’insuffisance mitrale concernent également la chirurgie avec une part de plus en plus importante des approches mini-invasives, grâce à la mise au point de prothèses de remplacement de la valve mitrale qui s’insèrent en passant par la zone apicale du coeur.

 

La prothèse Tendyme® (Abbott) est la prothèse actuellement la plus utilisée. Les études rapportent des taux des succès à 96% et une mortalité à un an de 26%, un taux « tout à fait acceptable », a commenté le chirurgien. Des résultats à deux ans, encore non publiés, montrent une absence de fuite résiduelle à deux ans chez 93% de patients opérés.

 

Le dispositif est désormais indiqué en deuxième intention, lorsque le MitraClip est contre-indiqué dans le traitement de l’insuffisance mitrale primaire et secondaire modérée à sévère chez les patients avec une FEVG ≥ 30% et une espérance de vie inférieure à cinq ans.

 

D’autres prothèses à insérer par voie transapicale sont en cours de validation. La voie endovasculaire est également explorée avec notamment la valve Céphéa®, qui s’implante en passant par la veine fémorale. Des techniques de réparation par pose de cordage ou par annuloplastie sont aussi en cours de développement, « avec des possibilités de combinaison ».

 

Des progrès sur la valve tricuspide

Du côté de la valve tricuspide, on peut également noter des progrès récents assez inespérés, tant cette valve est jugée difficile à opérer. L’essai TRILUMINATE a ainsi montré des résultats concluants dans le traitement de la fuite tricuspide par voie transcutanée avec le dispositif TriClip (Abbott), similaire au MitraClip (Abbott).

 

Le remplacement transcathéter de la valve tricuspide est aussi dans sa phase initiale. Le double-système de valves caves TricValve® s’appuyant sur l’implantation de deux stents valvés dans des veines caves est actuellement testé, tout comme le TriCinch® et le Cardioband®, des dispositifs d’annuloplastie, ou le Trialign® permettant une plastie tricuspide par voie jugulaire.