Une grande joie peut aussi provoquer un Takotsubo !

Dr Jean-Pierre Usdin

17 janvier 2017

Neuilly, France – Le récent décès de l’actrice Debby Reynolds suite au décès par infarctus de sa fille Carrie Ficher, relève probablement d’une cardiopathie de type Takotsubo. Une forme « classique » de cette cardiopathie secondaire à un choc émotionnel négatif mais tous les Takotsubo ne relèvent pas d’un tel traumatisme…

Le syndrome de tako Tsubo (STT) est classé au sein des syndromes coronariens aigus (SCA) avec sus décalage du segment ST (ST + ou STEMI) à côté de la variante angineuse : syndrome de Prinzmetal.

Au cours du STT, le spasme des micro-vaisseaux coronariens, cibles de l’inondation par les catécholamines et l’endothéline, d’origine émotionnelle, provoque, dans la plupart des cas, une ballonisation apicale du ventricule gauche, les gros troncs coronaires demeurant normaux. Sa fréquence serait de 1,5 à 3% des SCA ST+.

Charge émotionnelle positive

Dans l’important récent registre International Takotsubo Registry, Ghadri J. et coll. (Zurich) ont colligé, entre 2011 et 2014, les cas de 1 750 patients ayant les critères du STT. Pour 485 (27%) d’entre eux un imprévu émotionnel fort a été retrouvé.

Fait remarquable, pour 20 malades (4%), c’est un événement réjouissant, qualifié d’« émotion positive» qui a provoqué la cardiopathie, on peut donc parler de « syndrome des cœurs brisés heureux »

Le caractère heureux ou dramatique de leur origine n’aurait pas d’incidence sur le mode évolutif. Le faible nombre de cas pourtant n’autorise pas les statistiques.

Et les auteurs de décliner les différentes situations positives : devenir grand-mère (majorité de femmes…), assister au mariage heureux d’un de ses enfants, réussir une embauche, succès des études des enfants. Inventaire agréable par opposition aux tragédies des Cœurs Brisés qui représentent tout de même 96% des 485 cas du registre !

Ne perdons pas de vue néanmoins les 1 200 cas (73 %) dans lesquels aucune circonstance passionnelle précise n’a été retrouvée…

Les anniversaires sont aussi qualifiés d’émotions positives. Mais pour les septuagénaires (c’est l’âge moyen des patients concernés) à l’instar de Jean-Michel Fournier déclamant « J’ai horreur des anniversaires et encore plus du mien », parler du facteur allégresse convient-il?

Ces cardiomyopathies, qu’elles soient déclenchées par une tragédie ou une euphorie, ont en commun des vaisseaux coronariens normaux ou presque, et l’aspect typique connu de tous désormais : la ballonisation apicale du ventricule gauche. Celle-ci serait d’ailleurs plus évidente dans le syndrome des Cœur Heureux.

Mort subite d’un spectateur lors de la 83ème olympiade (av. J.C.)

S Katsanos (Athènes) propose une dénomination spécifique : Syndrome des Cœurs heureux ou syndrome de Diagora . Rappelant l’histoire de ce prolifique champion olympique mort subitement en 448 (avant Jésus Christ) lors de la consécration victorieuse de ses deux fils dans les compétitions de la 83ème olympiade.

Il ne faut cependant pas s’enflammer, la fréquence des STT est faible, au maximum 5% des hospitalisations en unité de soins intensifs pour SCA, les « Cœurs Heureux » représentant 4% des STT !

Il faut que le cœur se brise ou se bronze. Déclenché par des événements malheureux ou non , Cœurs Brisés ou Cœurs Heureux, l’évolution du Takotsubo est très souvent favorable. « Le cœur se brise ou se bronze » avec restitutio ad integrum dans la majorité des cas, peu de récidives (1,8% patient année). Décès, troubles du rythme sévères, choc cardiogéniques sont décrits.

Le caractère heureux ou dramatique de leur origine n’aurait pas d’incidence sur le mode évolutif. Le faible nombre de cas pourtant n’autorise pas les statistiques.