Rétrécissements aortiques calcifiés : résultats encourageants avec une thérapie non invasive par ultrasons

Anne-Gaëlle Moulun

19 décembre 2023

France — Des chercheurs français ont mis au point une thérapie par ultrasons non invasive pour traiter certains patients atteints de sténose aortique. Dans une petite étude parue dans The Lancet, ils montrent son efficacité[1]. Le Pr Emmanuel Messas, cardiologue et co-fondateur de la start-up Cardiawave, qui a développé le dispositif, en explique le principe à Medscape.

Le rétrécissement aortique calcifié (RAC) touche environ 5 millions de patients en Europe et 5 millions aux États-Unis. « La valve aortique est une porte entre le cœur et l’organisme. Avec l’âge, elle peut se calcifier et la surface d’ouverture de la valve se rétrécit. La surface habituelle est de 2 à 3 cm² et on observe un rétrécissement sévère quand c’est inférieur à 1 cm². Dans ce cas il faut généralement opérer, car il y a un risque d’insuffisance cardiaque ou de mort subite », explique le Pr Emmanuel Messas, cardiologue à l’hôpital Européen Georges Pompidou et co-fondateur de la start-up Cardiawave.

Pendant des années, le traitement était un remplacement de la valve par chirurgie cardiaque avec circulation extracorporelle. Une valve biologique ou mécanique était insérée à la place de la valve défectueuse.

Puis, le Pr Alain Cribier, cardiologue au CHU de Rouen, a développé en 2002 le TAVI (remplacement aortique par voie percutanée), qui a permis de remplacer la valve par voie interventionnelle, en passant par les artères, donc sans ouvrir le cœur, ce qui a permis de diminuer les risques.

« Mais dans ces deux cas, on remplace la valve. Or, 10 à 20 % des patients ont des contre-indications à ces interventions. Notre but a donc été de trouver une alternative pour ces personnes », raconte le Pr Messas.

Une spin-off de l’hôpital Européen Georges Pompidou et du laboratoire Physique pour la médecine Paris a été créée afin de développer cette solution : la thérapie non invasive par ultrasons.

« Nous préservons la valve native, mais nous améliorons sa fonction d’ouverture en envoyant des ultrasons avec un dispositif qui s’applique sur le thorax. C’est réalisé avec une échographie qui permet un guidage en temps réel. Les ultrasons créent un phénomène de cavitation. Ils produisent des bulles qui en oscillant créent des ondes de choc et provoquent des micro-fractures sur le calcium de la valve. Cela la ramollit et lui permet de mieux s’ouvrir », détaille-t-il.

Nous préservons la valve native, mais nous améliorons sa fonction d’ouverture en envoyant des ultrasons avec un dispositif qui s’applique sur le thorax

« C’est une technique assez simple à réaliser. Il suffit de mettre le dispositif sur le thorax, de bien le positionner et de lancer les ultrasons. Elle nécessite sept séances de 10 minutes, ce qui, avec le temps d’installation, porte le temps d’intervention à environ deux heures », décrit-il. « Les limites de la technique sont de deux ordres : parfois nous ne voyons pas suffisamment bien avec l’échographie et parfois la valve est trop calcifiée et nous ne parvenons pas à la traiter ».

Amélioration de la surface d’ouverture de 10 à 15 %

Dans une étude publiée dans The Lancet, 40 patients ont été traités par cette technique en France, Hollande et Serbie. « Nous avions des patients très graves, qui avaient une moyenne d’âge de 83 à 84 ans. Ils avaient une surface d’ouverture autour de 0,5 cm². Il s’agissait de patients compassionnels, pour qui aucune autre technique ne pouvait être utilisée. Nous avons obtenu une amélioration de la surface d’ouverture de 10 à 15 %, ce qui suffit pour améliorer les symptômes », développe le Pr Messas. Les patients traités ont déclaré une amélioration de leur qualité de vie et une baisse de l’essoufflement à l’effort. A 6 mois, les chercheurs ont observé une amélioration de la surface d’ouverture valvulaire de 0,1 cm². « Nous avons modifié l’histoire naturelle de la maladie, car d’habitude cela diminue de 0,1 cm² par an », se félicite le Pr Messas. Depuis la publication, 60 patients supplémentaires ont été traités en France, Hollande et Allemagne.

Nous avons obtenu une amélioration de la surface d’ouverture de 10 à 15 %, ce qui suffit pour améliorer les symptômes

« L’avancée qu’apporte cette technique, c’est que nous préservons la valve native du patient et nous la réparons de façon non invasive », estime le cardiologue.

Les prochaines étapes sont d’obtenir un marquage CE et de lancer une early faisability study aux Etats-Unis. Les indications pourraient inclure non seulement les patients qui ont des contre-indications à la chirurgie, mais aussi ceux qui ont une valve trop calcifiée et qui pourraient bénéficier d’abord d’un traitement par ultrasons puis d’un TAVI. Ce nouveau traitement pourrait aussi être proposé à des patients jeunes, afin de reculer le plus possible la chirurgie interventionnelle.

Le Pr Messas estime le nombre de bénéficiaires potentiels à environ 1 million de patients et Europe et 1 million aux États-Unis.