France — En France, l’insuffisance cardiaque (IC) tend progressivement à toucher une population de plus en plus jeune. Tels sont les résultats d’une étude menée par l’équipe de la Fédération Hospitalo-Universitaire PREVENT-HeartFailure de l’hôpital européen Georges-Pompidou AP-HP, de l’Inserm et d’Université Paris Cité, coordonnée par le Pr Jean-Sébastien Hulot qui ont publiés le 1er décembre 2022 dans la revue European Heart Journal .
En augmentation chez les moins de 50 ans
« L’insuffisance cardiaque est considérée comme une pathologie affectant les plus âgés, et la plupart des études se sont focalisées sur cette population. Néanmoins, des études récentes indiquent que le poids de l’IC dans des populations jeunes – de moins de 50 ans – est en augmentation », indiquent les auteurs. Pour évaluer cette tendance et caractériser l’épidémiologie de l’IC des jeunes adultes en France, une équipe de chercheurs s’est appuyée sur les données du Programme de Médicalisation des Systèmes d’Information (PMSI).
L’équipe de recherche a analysé les données des 1 486 877 patients hospitalisés pour insuffisance cardiaque entre 2013 et 2018 en France. Parmi ces patients, 70 075 avaient moins de 50 ans (4,7%).
Durant cette période, l’incidence de l’insuffisance cardiaque en France a été en légère baisse dans la population globale (de 3,99‰ à 3,65‰) mais a augmenté parmi les 18-50 ans (+0,041‰).
Cette évolution s’explique par une augmentation significative de l’incidence de l’IC chez les jeunes hommes (de 0,51‰ à 0,59‰, P<0,001), alors que l’incidence de l’IC chez les jeunes femmes est restée stable pendant la période d’étude (∼0,28‰). L’incidence a augmenté de façon exponentielle avec l’âge, passant de ∼0,07‰ à 18 ans à 1,31‰ à 50 ans.
L’IC en fonction de l’âge était similaire pour les hommes et les femmes mais est restée plus élevée dans la population masculine jeune par rapport à la population féminine jeune à chaque âge investigué. A 50 ans, l’incidence de l’IC était plus de deux fois plus élevée chez les hommes que chez les femmes (1,84‰ vs. 0,80‰ respectivement, P<0,001).
Causes sous-jacentes
Les diagnostics de myocardite-cardiomyopathie et de maladie cardiaque ischémique ont été établis chez 23% et 20%, respectivement, des patients âgés de 18 à 50 ans, alors que ces incidences étaient de 11% et 30% chez les patients âgés de 51 à 70 ans.
La proportion de décès à l’hôpital, toutes causes confondues, dans les 2 ans après la première hospitalisation pour IC était élevée, à ∼10% pour les patients âgés de 18 à 50 ans, et elle était similaire entre les patients atteints de pathologie d’origine ischémique et de myocardite-cardiomyopathie.
En conclusion, « l’augmentation de l’incidence de l’IC chez les jeunes adultes (<50 ans) documentée dans notre étude diffère de la tendance générale observée chez les patients plus âgés », indiquent les auteurs. Parmi la population jeune, les hommes semblent être plus vulnérables à l’IC prématurée que les femmes. « Dans la population jeune, et surtout chez les jeunes hommes, l’IC ischémique était la forme prédominante d’IC, et nos données suggèrent qu’elle est en augmentation progressive ». Les jeunes adultes hospitalisés pour une IC prématurée présentaient également des taux élevés de facteurs de risque majeurs et modifiables d’IC ischémique, comme l’obésité, la dyslipidémie, le tabagisme, l’hypertension et le diabète.
Tous ces éléments suggèrent un relâchement de la prévention de ces facteurs de risques. Les enjeux sont d’autant plus importants que ces jeunes patients sont très fréquemment ré-hospitalisés pour insuffisance cardiaque d’origine ischémique (24%), dans les deux ans qui suivent leur première hospitalisation.
« Bien que la cause de l’augmentation de l’incidence de l’IC dans la population jeune ne soit pas entièrement connue, elle pourrait refléter de véritables changements épidémiologiques liés à une prévalence accrue de facteurs de risque cardio-métaboliques chez les jeunes. Cette étude souligne la nécessité d’un parcours de soins spécifique pour les patients de moins de 50 ans atteints d’IC », concluent les auteurs.