Médicaments non substituables limités à 3 situations maintenant

Non-substituable limité à 3 situations : la résistance s’organise
Philippe Anaton
31 janvier 2020
France — Une partie des mesures inscrites dans la loi de financement de la sécurité sociale 2019 sont entrées en vigueur le 1er janvier dernier et impacte directement la pratique des médecins. Il en va ainsi de l’article qui précise que le pharmacien « peut délivrer par substitution à la spécialité prescrite une spécialité du même groupe générique ou du même groupe hybride, à condition que le prescripteur n’ait pas exclu cette possibilité par une mention expresse et justifiée portée sur l’ordonnance » (article 66 de la LFSS 2019). De fait, comme le précise l’assurance maladie, il s’agit d’une restriction de l’usage de la mention « non-substituable (NS) ».
Non substituable limité à trois cas
Pour rappel, jusqu’à tout récemment, le médecin pouvait apposer sur une ordonnance de manière manuscrite la mention non substituable, s’il estimait que son patient était allergique à l’un des excipients de la formule générique : le pharmacien lui remettait alors le médicament princeps, remboursé par la sécurité sociale. Désormais, depuis le 1er janvier 2020 très exactement, ce n’est plus le cas. Premier changement : l’obligation d’inscription manuscrite de la mention NS est supprimée, et ce afin de faciliter la saisie de l’ordonnance sur des logiciels d’aide à la prescription. Mais l’essentiel n’est pas là : la réforme actuellement en vigueur consiste à retirer au médecin la libre appréciation de ce qui est substituable ou non. Désormais, la mention non substituable doit répondre à l’une des situations médicales listées par l’arrêté du 12 novembre 2019.
Selon cet arrêté, la mention NS peut être apposé en cas de prescription chez l’enfant de moins de six ans, « lorsqu’aucun médicament générique n’a une forme galénique adaptée et que le médicament de référence disponible permet cette administration ». Deuxième cas de figure : la prescription de médicaments à marge thérapeutique étroite, qui comprend : lamotrigine, pregabaline, zonisomide, lévétiracétam, topiramate, valproate de sodium, lévothyroxine, mycophénolate mofétil, buprénorphine, azathioprine, ciclosporine, évérolimus, mycophénolate sodique. Enfin, le législateur a inclus une troisième exception, pour les patients présentant une « contre-indication formelle et démontrée à un excipient à effet notoire présent dans tous les médicaments génériques disponibles, lorsque le médicament de référence correspondant ne comporte pas cet excipient ».
Remboursement affecté
Cette décision impacte la prise en charge du remboursement de ces médicaments par l’assurance maladie. Pour qu’il y ait remboursement dans le cas d’une ordonnance avec mention NS, il faut que la mention réponde à l’un des trois cas susmentionnés. Si la mention NS ne répond pas à l’une de ces exceptions, alors le patient, non seulement ne bénéficiera pas du tiers-payant, mais ne sera remboursé que sur la base du prix du générique.
Réaction mitigée de MG France
Les syndicats de médecins libéraux ont diversement apprécié cette réforme du non-substituable. Dans un communiqué titré « Non substituable c’est presque fini ! », MG France semble en prendre son parti, en rappelant que désormais, il faut adjoindre à la mention NS les indications suivantes : « MTE (pour les médicaments à marge thérapeutique étroite),
EFG (pour les médicaments où seul le princeps possède une forme galénique adaptée à l’enfant de moins de 6 ans…), CIF (pour les médicaments où seul le princeps ne contient pas l’excipient auquel le patient est allergique) ». Et de conclure : « Bref, il faut dès maintenant établir les prescriptions en DCI, car sauf pour les cas (rares) d’une allergie avérée à un excipient, nous n’avons pas de temps à perdre avec ces subtilités administratives ! »
Appel au boycott
Plus combatif est la Confédération des syndicats médicaux ( CSMF). Titré « non non non », leur communiqué sur la réforme du NS est sans nuance : il s’agit ni plus ni moins d’un appel au boycott de cette mesure. « Les Généralistes-CSMF n’appliqueront pas cet arrêté ubuesque sur la mention “NON SUBSTITUABLE” qui alourdit nos consultations déjà bien chargées », assène-t-il. Tout en rappelant que les ordonnances NS ne concerneraient que « 8 % des prescriptions en 2016 avec une tendance à la diminution (donc encore moins en 2019) ».
La CSMF, dès novembre 2019, avait tiré la sonnette d’alarme : « Outre le non-respect du secret médical, cette nouvelle dérive bureaucratique avec trois nouveaux codes est inacceptable pour les médecins libéraux. De plus, la non substitution est une situation qui peut également être nécessaire en fonction de l’état d’observance et la compliance du patient au traitement, et en fonction de la galénique du médicament ».