Insuffisance cardiaque systolique réfractaire : une nouvelle approche par modulation de la contractilité cardiaque

Columbus, Etats-Unis — Après un premier essai prometteur, des chercheurs ont voulu savoir si la technique de modulation de la contractibilité cardiaque (MCC) était susceptible d’améliorer la tolérance à l’exercice et la qualité de vie souffrant d’une insuffisance cardiaque réfractaire avec dysfonction systolique (Fraction d’éjection [FE] entre 25% et 45%).

Ceci n’est pas un pacemaker

Si certains patients souffrant d’une insuffisance cardiaque systolique sévère bénéficient de l’ajout de la resynchronisation bi-ventriculaire [2], d’autres ayant une dysfonction systolique sévère symptomatique (à QRS « fins ») n’en bénéficient pas. Chez ces derniers, la modulation de la contractilité cardiaque (MCC), une forme particulière d’impulsion électrique délivrée pendant la période réfractaire absolue au niveau du septum interventriculaire (voir encadré en fin d’article), fait l’objet de recherche clinique. Forts des résultats d’une étude précédente (FIX-HF-5 qui confirmait la sécurité mais non l’efficacité) de cette technique et de l’attention bienveillante de la FDA qui lui a attribué un « Expedited Access Pathway» en tant que nouvelle technique destinée « à une population en manque de traitement innovateur », le chercheur WT Abraham et ses collègues (Columbus Ohio) ont réalisé, cette fois, une étude randomisée prospective pour tester l’efficacité de la modulation de la contractilité : c’est l’étude FIX-HF 5 C (Evaluate Safety and Efficacy of the OPTIMIZER System  in Subjects With Moderate-to-Severe Heart Failure).

Insuffisance cardiaque réfractaire avec dysfonction systolique

Concrètement, les chercheurs ont recruté des patients ayant une insuffisance cardiaque réfractaire avec dysfonction systolique (Fraction d’éjection [FE] entre 25% et 45%) stade III ou IV ambulatoire de la NYHA, en rythme sinusal avec des QRS<130ms.

Après avoir subi une épreuve d’effort cardio respiratoire avec calcul du pic de consommation d’oxygène (pVO²), réalisé un test de marche 6 minutes (TM6), et eu une évaluation chiffrée (Minnesota Living with Heart Failure scores) de leur qualité de vie (QdV), les patients ont été répartis en deux groupes semblables : l’un de 86 patients recevait un traitement médical optimal (TMO) et l’autre de 74 patients recevait le traitement médical optimal TMO augmenté par la modulation de la contractilité cardiaque MCC.

Les patients étaient âgés en moyenne de 60 ans, 75% masculins, 50% avaient une cardiopathie ischémique. A l’inclusion les moyennes des différents paramètres étudiés était de : 32% pour la FE ; 15ml/kg/mn  pour la pVO² ; 325m pour la TM6 et 57 pour l’indice QdV. 90% des patients étaient au stade III de la NYHA.

Après 12 et 24 semaines (la mise en place ou non du générateur marquant le temps 0), les chercheurs ont comparé le pVO² (critère primaire), leTM6, la QdV et la classe NYHA (critères secondaires) avec les valeurs enregistrées à l’inclusion. D’autres événements ont été ajoutés, notamment les décès par insuffisance cardiaque et les hospitalisations pour défaillance cardiaque. Le fabriquant sponsorisait l’essai. Les résultats sont analysés selon des modèles statistiques bayésiens.

Amélioration du pVO² et sécurité confirmée

Après 24 semaines, les auteurs constatent une amélioration statistiquement significative du pVO²dans le groupe MCC. La différence de 0,84ml/Kg/mn par rapport au groupe témoin valide le critère primaire selon leurs calculs extensifs.

L’amélioration de la QdV est de 12 unités, tandis que 81% des patients dans le groupe MCC améliorent d’une classe leur niveau NYHA (42% dans le groupe TMO). Le TM6 augmente de 20m (non significatif).

Les auteurs se sont spécifiquement intéressés aux patients ayant un FE > 35%. Réunissant les patients des études FIX-HF-5 et FIX-HR-5C (96pts), ils ont noté une amélioration pour les critères: de pVO² avec + 1,76ml/kg/mn, 15 unités pour l’index QdV, et l’amélioration d’un stade clinique NYHA chez 71% de ceux ayant reçu la MCC. 

A 24 semaines, chez ces malades à très haut risque, 97% des patients du groupe MCC étaient vivants et n’avaient pas été hospitalisés (contre 89% groupe TMO). Ces chiffres portent sur un petit échantillon mais sont confirmés quand les auteurs incorporent les patients de l’étude menée précédemment (FIX-HF 5).

La mise en place du générateur et des sondes s’est déroulée sans complication chez 90% des patients (68 implantés : 5 déplacements de sondes). A l’issue de l’étude, 98% et 95% des patients (groupe MCC et TMO) étaient en vie. Six décès (2 MCC et 4 TMO) sont survenus dans les deux groupes dont 4 d’origine cardiaque.

Calculs statistiques sophistiqués pour une technique (très) compliquée

« Les résultats de cette étude en non-aveugle confirment que la MCC est sûre et améliore significativement la tolérance à l’effort, la QdV, le stade clinique de patients ayant une insuffisance cardiaque avec une FE entre 25 et 45%, en rythme sinusal avec des QRS <130ms, de classe III ou IV et ce, malgré un traitement médical bien conduit » écrivent les auteurs.

Les essais précédents avaient permis de s’assurer de la sécurité de cette technique mais n’avaient pas pu conclure sur un effet clinique favorable. Ici, des calculs sophistiqués (analyse du critère primaire selon les calculs bayésien et l’inclusion des patients de l’essai antérieur) ont montré une amélioration du pVO², allant de pair avec une amélioration de la qualité de la vie et du stade clinique. Les auteurs précisent que leurs résultats sont superposables aux études concernant la resynchronisation bien que cela ne s’adresse pas aux mêmes types de patients : « Les patients ayant une FE <35% mais pas d’indication à la resynchronisation, et qui ont un défibrillateur implantable – qui n’est pas destiné à l’améliorer les capacités fonctionnelles -– pourraient être des candidats » ajoutent WT Abraham et coll.

Théoriquement favorable mais limitée en pratique

Concernant le mécanisme, les auteurs expliquent que les signaux de MCC ont une action bénéfique sur le transfert du calcium vers les myofilaments, cet effet s’étendrait ensuite au-delà du site, contribuant à l’amélioration clinique (voir aussi encadré en fin d’article).

Il est important de préciser que cette technique ne s’applique pas aux patients ayant une fibrillation auriculaire. De surcroît il s’agit d’un générateur encombrant qui viendrait en supplément d’un défibrillateur automatique implanté (chez des patients parfois fluets). Ce générateur spécifique, délivrant des intensités élevées, doit être périodiquement rechargé.

Dans un commentaire de l’étude publié dans J Watch Cardiology, le Dr Mark S Link (directeur du Cardiac Electrophysiology, UT Southwestern Medical Center. Dallas) reconnait humblement : « bien que je ne comprenne pas comment fonctionne la MCC, la technologie m’interpelle et semble bénéficier en particulier aux patients ayant une FE entre 35 et 45% (…) Bien que cette technique soit prometteuse et procure un bénéfice similaire à celui de la resynchronisation, beaucoup de mes collègues et moi-même n’arrivons pas â être totalement convaincu. Cependant une étude randomisée, avec un suivi plus long, des critères précis, décès, hospitalisations pour insuffisance cardiaque est indispensable. J’ai le sentiment que la FDA ira dans ce sens ».   

Même réserve de la part du Dr Thomas Chastre, cardiologue à la Pitié-Salpétrière, interrogé par Medscape, il commente : « La technique semble encore assez expérimentale, il est difficile de connaitre sa place actuelle dans la prise en charge des patients en IC. Il faut probablement être prudent sur les bénéfices de ces techniques et nous verrons bien si les résultats sont confirmés par d’autres études. »

 

Modulation de la contractilité cardiaque, qu’est-ce c’est ?

Les signaux de modulation de la contractilité cardiaque issus du générateur implantable sont délivrés pendant la période réfractaire absolue 30 à 40 ms après le début de QRS. L’intensité du courant est supérieure à celle délivrée lors d’une stimulation par un pacemaker. Bien que ces signaux n’engendrent eux-mêmes aucune contraction, ils améliorent l’entrée du calcium dans le réticulum endoplasmique et son transfert vers les myofilaments augmentant, en théorie, l’efficacité de la contraction myocardique.

Le générateur (Optimizer Smart®, Impulse Dynamics. Orangeburg, New York) implanté tel un stimulateur cardiaque, délivre les impulsions de modulation selon un mode biphasique par l’intermédiaire de deux électrodes vissées dans le septum interventriculaire droit. Une électrode d’écoute atriale complète l’installation.

L’appareil, dans l’essai, est programmé pour délivrer des signaux pendant cinq périodes d’une heure réparties sur 24 h.

La survenue d’une extrasystole interrompt momentanément le système, évitant un stimulus qui surviendrait lors de la période vulnérable.

Les batteries sont rechargées en plaçant le chargeur externe sur la peau au niveau du générateur.

Ce système sophistiqué a l’aspect d’un stimulateur, est implanté comme un pacemaker mais…ce n’est pas un pacemaker ! 

 

L’Optimizer Smart® est commercialisé par Impulse Dynamics. Il est, à en croire l’article, disponible dans les pays qui reconnaissent le marquage CE, de même qu’en Chine, Inde, Brésil et Australie.