Le nouveau DMP est enfin opérationnel : mode d’emploi

Paris, France — Les pouvoirs publics ont dévoilé en grande pompe le dossier médical partagé (DMP) ce 6 novembre. Cette première annonce devrait être suivie d’une vaste campagne de communication en direction du grand public à partir du 9 novembre, ont annoncé de concert Agnès Buzyn, ministre de la santé et Nicolas Revel, directeur général de la caisse nationale d’assurance maladie (Cnam).

Il faut dire que les pouvoirs publics misent gros sur le DMP puisqu’ils attendent l’ouverture d’ici 2022 de 40 millions de dossiers médicaux partagés par les assurés. Une façon de tourner le dos aux nombreux échecs qui ont émaillé l’histoire du dossier médical personnel, devenu au fil du temps, depuis sa création en 2009, le dossier médical partagé (DMP).

Expérimentation dans 9 départements : 1,9 million de DMP en 18 mois

C’est en 2006 que les pouvoirs publics ont confié à Jacques Sauret la présidence du GIP-DMP qui a englouti 210 millions d’euros sans avoir réussi à imposer le DMP. Lui a succédé Jean-Yves Robin, en fin 2008 qui, à la tête de l’ASIP-santé, n’a fait guère mieux, en ouvrant quelque 410 000 DMP avant d’être remercié en 2014 par la ministre de la santé en poste, Marisol Touraine.  Laquelle choisit de confier le dossier brûlant du DMP à l’Assurance Maladie, via la rédaction d’un volet qui lui était consacré. Pour l’Assurance Maladie, le DMP visait alors trois objectifs : l’accessibilité en ligne des données de santé du patient, la dématérialisation des prescriptions, et la simplification du partage d’information par les professionnels de santé.

Et ces 18 derniers mois, la sécu n’a pas chômé : son expérimentation du DMP dans neuf départements a abouti à l’ouverture de 1,9 million de ces dossiers. Un premier succès d’estime, après tant de déconvenues. D’où la décision de la nouvelle ministre de la santé, Agnès Buzyn, de transformer l’essai, en généralisant le dispositif.

Comment créer un DMP ? Est-il suffisamment sécurisé ?

Muni de sa carte vitale, l’assuré doit se connecter au site dmp.fr ou utiliser son application pour smartphone pour créer son DMP en quelques clics. Mais, il peut également se faire aider de l’Assurance Maladie en se rendant dans la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) la plus proche, ou bien demander à son médecin de lui ouvrir un DMP (carte de professionnel de santé en main). Les pharmacies d’officine sont aussi mises à contribution pour l’ouverture des DMP. Elles sont d’ailleurs rémunérées un euro par ouverture de dossier.

En matière de sécurité d’accès, le DMP est à la hauteur des promesses des pouvoirs publics.

Pour en ouvrir un, il faut demander un code confidentiel sur la plateforme dmp.fr. Une fois muni du dit code, l’assuré reçoit un identifiant et un mot de passe unique. Après identification, une dernière barrière de sécurité est imposée : l’assuré reçoit alors un code d’accès à usage unique, qui permet l’ouverture d’une session. Un nouveau code est créé à chaque nouvelle session de connexion. Après trente minutes d’absence d’activité, la session est fermée automatiquement.

En parallèle, la plateforme du DMP crée instantanément une clé d’accès (INS-C) à destination des professionnels de santé autorisés par le patient à accéder au DMP (à noter que le médecin traitant y a accès d’autorité). Aussi, l’assuré peut accepter la procédure dite « bris de glace », qui permet, en cas d’urgence uniquement, à tout professionnel de santé d’accéder à son DMP sans y avoir été autorisé au préalable.

Enfin, les données collectées sont conservées chez un hébergeur de données de santé agréé par le ministère de la santé.

DMP : comment se présente-il et que contient-il ?

En terme de navigation, le DMP comporte une barre de navigation horizontale de 5 onglets : récapitulatif, documents, mes informations, gestion du DMP, historique des accès.

Les documents sont classés dans les sous-thématiques synthèse, traitement et soins, compte-rendu, imagerie médicale, biologie, prévention.

Dans l’onglet Gestion du DMP, on détaille les accès autorisés, bloqués, et l’autorisation de la procédure « bris de glace » ou non. Dans l’onglet Mes informations, l’assuré a aussi la possibilité de définir un représentant légal.

Lors de la conférence de presse de présentation, Agnès Buzyn et Nicolas Revel ont assuré que le DMP serait automatiquement enrichi de l’historique des 24 derniers mois de soins remboursés. Medscape édition française a, pour sa part, constaté qu’à l’ouverture du DMP aucun document n’était encore accessible.

Pour le praticien, l’accès au DMP se fait directement depuis un logiciel des professionnels de santé compatible ou sur le site dmp.fr, il suffit d’identifier le patient avec sa carte Vitale et de recueillir son consentement oral. À chaque consultation, le professionnel de santé peut ainsi consulter le DMP de son patient et y ajouter de nouveaux documents.

La Version1 du DMP a vocation à évoluer et devrait inclure dès le printemps 2019 les directives anticipées du patient, puis l’ajout du carnet de vaccination, des données sur son alimentation via des objets connectés, et l’ajout de données structurées. À ce jour selon l’assurance maladie, près de 70% des logiciels métiers des médecins sont compatibles avec le DMP (voir encadré). Car le succès du DMP réside avant tout dans l’adoption de ce nouvel outil, mais aussi en son enrichissement par les professionnels de santé (compte-rendu médical, résultats d’analyses et d’examens, etc), et son partage.

Accueil mitigé des professionnels de santé

Côté des professionnels de santé, l’accueil reste prudent. La Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) juge que le DMP est devenu un outil incontournable pour une bonne prise en charge des patients, du fait du partage d’informations entre professionnels de santé. « Mais le DMP n’apporte rien au patient si celui-ci ne contient pas un volet de synthèse médicale structuré », souligne-t-elle dans un communiqué, en revendiquant au sein du DMP un espace réservé au médecin traitant : « Le volet de synthèse médicale nécessite des données structurées qui ne peuvent être élaborées que par le médecin traitant. » Par ailleurs, l’alimentation de cet espace « médecin traitant » mérite rémunération. La CSMF réclame aussi, pour la pleine réussite de ce DMP, l’évolution « urgente » des logiciels métiers. Le Syndicat des médecins libéraux (SML) se réjouit également du retour du DMP mais regrette que l’assurance maladie n’ait pas prévu une rémunération pour les médecins qui devront alimenter le DMP. La Fédération des médecins de France (FMF) souligne le fait que les logiciels des médecins ne sont pas ergonomiquement compatibles avec le DMP. Pour Jean-Paul Hamon, président de la FMF, le DMP n’est pour le moment qu’un « empilement de résultats ».