Des infarctus cérébraux silencieux associés au déclin cognitif chez les patients avec une FA

Des infarctus cérébraux silencieux associés au déclin cognitif chez les patients avec une FA

Mitchel L. Zoler

29 juin 2020

 

San Diego, California — Un taux annuel notable de 3% d’accidents vasculaires cérébraux silencieux, y compris chez ceux traités par anticoagulants, est retrouvé chez les patients souffrant d’une fibrillation auriculaire (FA). Ce sont les résultats de SWISS-AF une étude prospective helvétique, réalisée chez 1 227 patients suivis pendant deux ans au moyen d’IRM cérébrales séquentielles, présentée au Virtual Meeting Heart Rhythm society  (6-9 mai, 2020 San Diego Calif.)

L’étude montre que ces infarctus cérébraux – documentés chez 68 patients (5,5%) ayant une FA, dont 58 (85%) sans épisode clinique – seraient associés faiblement mais statistiquement à un déclin cognitif par comparaison au déclin cognitif des patients – mesuré de 3 façons différentes – n’ayant pas eu d’accident vasculaire cérébral au cours du suivi.

Troubles cognitifs méconnus survenant dans les deux ans

« Le déclin cognitif peut passer inaperçu en pratique clinique pendant très longtemps car, il n’est pas dans nos habitudes de le rechercher. D’autant que ce déclin est généralement petit et difficile à apprécier dans le comportement quotidien des patients, a rapporté le Dr David Conen, cardiologue à l’université de McMaster à Hamilton (Ontario) lors des sessions scientifiques en ligne du congrès, Covid-19 oblige. Mais « nous avons été surpris de constater des modifications significatives après deux ans seulement. Nous nous attendions à une survenue plus tardive » déclare-t-il au cours de la conférence de presse.

 

Larges infarctus sous corticaux et d’autres non corticaux

L’autre élément clé est le fait que grosso modo la moitié des patients présentaient de grands infarctus corticaux ou sous corticaux, généralement témoins d’accidents emboliques. Alors que l’autre moitié des patients avait de petits infarctus non corticaux d’étiologie différente impliquant la micro-vascularisation. Ces micro-infarctus pourraient être d’origine athéromateuse ou amyloïde suggère le Dr Conen.  

Mesures préventives chez les patients ayant une FA

Ces résultats suggèrent que l’anticoagulation seule n’est probablement pas suffisante pour prévenir les dommages cérébraux chez les patients ayant une FA. « Un autre regard doit être porté sur la prévention » notamment la prévention des facteurs de risque de la maladie athéromateuse chez les patients ayant une FA. Cela peut être des interventions sur l’hypertension artérielle, le diabète, l’hyperlipidémie et l’arrêt du tabac. « Chez les patients ayant une FA l’anticoagulation est sûrement importante mais pas suffisante » intervient le Dr Conen.

Débuter un traitement anticoagulant n’est pas suffisant

Ces données « sont très importantes. Dans le traitement de la FA, les deux piliers traditionnels sont la prévention de l’accident vasculaire cérébral et le traitement des symptômes. Les résultats du Dr Conen suggèrent que débuter un traitement anticoagulant n’est pas suffisant, aussi il insiste sur l’importance de poursuivre le traitement de l’hypertension, du diabète, et prendre en charge les aspects médicaux et sociaux » commente le Dr Fred Kusumoto directeur du Heart Rhythm Service à la Clinique Mayo (Jacksonville. Floride).

« Les facteurs de risque qui conduisent à l’apparition des maladies cardiovasculaires sont les mêmes que ceux qui sont associés à la survenue d’une FA ou d’une insuffisance cardiaque. Il est indispensable de comprendre l’importance de la prise en charge de l’hypertension, du diabète, de l’obésité, d’encourager l’exercice physique, d’avoir une alimentation saine et cesser de fumer : aussi bien chez les patients ayant une FA que pour le reste de la population. Nombreux sont les cliniciens qui n’insistent pas suffisamment sur ces conduites » dit le Dr Kusumoto dans une interview.

L’étude SWISS-FA (Swiss Atrial Fibrillation Cohort) [1] a enrôlé 2 415 patients, recrutés dans 14 centres suisses entre 2014 et 2017 : 1 737 patients ont fait une IRM cérébrale et des tests cognitifs au début de l’essai [2]. Les patients ont renouvelé les tests cognitifs annuellement et 1 227 ont effectué une seconde IRM cérébrale deux ans plus tard, ce sont les patients de l’étude de D. Conen et coll. A l ‘entrée dans l’étude les patients étaient âgés en moyenne de 71 ans, un peu plus d’un quart seulement étaient des femmes et 90 % recevaient des anticoagulants, poursuivis pendant deux ans pour 84% d’entre eux. Pour moitié d’AVK (warfarine) ou un des nouveaux anticoagulants oraux directs.

 

Des infarctus cérébraux silencieux mais des tests cognitifs altérés

Parmi les 68 patients ont eu un accident vasculaire cérébral documenté au cours des deux ans, 59 patients (87%) avaient un traitement anticoagulant oral. Mais 51 (71%) de ceux qui recevaient un anticoagulant oral direct ont cependant développé un infarctus cérébral totalement asymptomatique sans épisode ischémique transitoire : des « infarctus silencieux » selon le Dr Conen.

 

Néanmoins, à la fin de la deuxième année, les tests cognitifs étaient significativement altérés chez les victimes d’un infarctus silencieux comparés aux patients n’ayant pas eu de nouvel infarctus cérébral. Les tests utilisés étaient le Test des Tracés (Trial Making Test A et B) et le test de fluence verbale avec les noms d’animaux (Animal-naming verbal fluency). Les deux autres tests étaient le test d’Evaluation Cognitive de Montréal (Montreal Cognitive Assesment) et le test de substitution de symboles (Digital Symbol Substitution).

 

De précédentes études ont rapporté la relation entre FA et troubles cognitifs mais SWISS-AF est « la plus grande réalisée qui s’intéresse rigoureusement à l’incidence des accidents vasculaires cérébraux silencieux au cours de la FA » commente le Dr Christine M. Albert membre de la chaire de cardiologie au Smith Heart Institue of Cedars-Sinai Medical Center  (Los Angeles) « Les infarctus silencieux pourraient être, en partie tout au moins, la cause du déclin cognitif et des démences associées à la FA » note-t-elle. Mais en prédire les implications thérapeutiques, nécessite d’autres investigations notamment quel est l’impact du type d’anticoagulant, quel est le rôle des autres options thérapeutiques telle l’ablation, le contrôle du rythme, la durée de la FA, la prévalence de l’hypertension et des autres facteurs de risque de l’accident cérébral » fait-elle remarquer en tant que superviseuse du rapport du Dr Conen.

Le remdesivir est le premier traitement COVID-19 recommandé par l’EMA

Aude Lecrubier  

1er juillet 2020

 
 

France — Le remdesivir est le premier médicament contre le Covid-19 à être recommandé par l’agence européenne du médicament (EMA).

L’EMA s’est prononcée en faveur d’une autorisation de mise sur le marché conditionnelle pour le remdesivir (Veklury®, Gilead) dans le traitement du Covid-19 chez les patients atteints de pneumonie et oxygéno-requérants, à partir de 12 ans.

En pratique, le traitement doit débuter par une perfusion de 200 mg le premier jour, suivie d’une perfusion de 100 mg par jour pendant au moins 4 jours et pas plus de 9 jours.

L’utilisation du remdesivir est limitée aux établissements de santé. Les fonctions hépatique et rénale doivent être surveillées avant et pendant le traitement.

 

Une procédure accélérée

Les données sur le remdesivir ont été évaluées dans un délai exceptionnellement court grâce à une procédure d’examen accélérée, une approche utilisée par l’EMA lors des crises sanitaires pour évaluer les données dès qu’elles sont disponibles. À partir du 30 avril 2020, l’agence a débuté l’évaluation des données sur la qualité et la fabrication, les données non cliniques, les données cliniques préliminaires et les données de sécurité à l’appui des programmes d’utilisation compassionnelle, bien avant la présentation de la demande d’autorisation de mise sur le marché le 5 juin.

Etude pivot NIAID-ACTT-1

L’avis positif de l’EMA repose essentiellement sur les données de l’étude NIAID-ACTT-1 .

L’étude NIAID-ACTT-1 a évalué l’efficacité d’un traitement IV de 10 jours de remdesivir chez plus de 1000 patients hospitalisés avec Covid-19. Le remdesivir a été comparé au placebo. Le critère principal d’efficacité était le délai de récupération des patients (défini comme n’étant plus hospitalisé et / ou nécessitant de l’oxygène à domicile ou hospitalisé mais ne nécessitant pas d’oxygène supplémentaire et ne nécessitant plus de soins médicaux continus ).

Dans l’ensemble, l’étude a montré que les patients traités par le remdesivir se rétablissaient après environ 11 jours, contre 15 jours pour les patients sous placebo. Cet effet n’a pas été observé chez les patients atteints d’une maladie légère à modérée: le délai de récupération était alors de 5 jours pour le groupe remdesivir et le groupe placebo. Pour les patients atteints d’une maladie grave, qui représentaient environ 90% de la population étudiée, le délai de récupération était de 12 jours dans le groupe remdesivir et de 18 jours dans le groupe placebo. Cependant, aucune différence n’a été observée concernant le temps de récupération chez les patients qui ont commencé le remdesivir alors qu’ils étaient déjà sous ventilation mécanique ou ECMO (oxygénation extracorporelle de la membrane). Les données sur la mortalité à 28 jours ne sont pas encore disponibles.

Afin de mieux caractériser le rapport bénéfice risque du remdesivir, Gilead devra soumettre les rapports finaux des études sur le remdesivir à l’Agence d’ici décembre 2020, des données supplémentaires sur la qualité du médicament, ainsi que les données finales sur la mortalité, d’ici août 2020. Comme pour tous les médicaments, un plan de gestion des risques (PGR) visera à garantir un contrôle de sécurité du remdesivir une fois autorisé dans toute l’UE. D’autres données sur l’efficacité et l’innocuité seront collectées par le biais d’études en cours et de rapports post-commercialisation et seront régulièrement examinées par l’EMA. Depuis avril 2020, le PRAC (Pharmacovigilance Risk Assessment Committee) examine également les données de sécurité sur les patients traités en dehors des études cliniques, qui sont soumises sous forme de rapports de sécurité mensuels; ceux-ci continueront d’être soumis et évalués après la mise sur le marché du médicament.

Prix ​​du Remdesivir

Gilead Sciences a annoncé dans une lettre ouverte le prix du remdesivir. Il sera de 520 $ (464 euros) par flacon pour les patients américains bénéficiant d’une assurance privée, et de 390 $ (348 euros) par flacon pour les autres américains et les pays développés. Sur la base des schémas de traitement actuels, la grande majorité des patients devrait recevoir un traitement d’une durée de 5 jours soit six flacons de remdesivir, ce qui équivaut à un montant total de 2 340 $ (2087 euros) par patient pour les pays développés.
 

Comment prendre en charge les symptômes post-Covid ?

Comment prendre en charge les symptômes post-Covid ? Le point avec le Dr Davido

Marine Cygler

17 juin 2020

France  Dans les régions, en particulier dans le Grand-Est et en Ile-de-France, où le virus Sars-CoV2 a été très actif, les services d’infectiologie et de médecine interne reçoivent de plus en plus de patients qui ne se sentent toujours pas mieux deux mois après la maladie. Le syndrome post-Covid prend différentes formes et semble toucher particulièrement les femmes d’une quarantaine d’années, sans facteur de risque particulier.

Medscape a interrogé le Dr Benjamin Davido (Hôpital de Garches) pour mieux comprendre ce syndrome et savoir comment prendre en charge ces patients. En l’absence de recommandations officielles quant aux examens à mener, l’infectiologue en propose une liste.

Medscape édition française : Quels sont les symptômes du post-Covid ?

Dr Benjamin Davido : Ils sont extrêmement variables d’une personne à l’autre si bien qu’on a même du mal à se dire qu’il s’agit de la même maladie. Ceci dit, les symptômes les plus fréquents sont la fatigue voire l’épuisement, les douleurs musculaires et la sensation d’une oppression thoracique. Ces malades ne sont plus contagieux et n’ont aucun signe d’activité de la maladie. Ce qui est tout à fait perturbant et inhabituel pour nous médecins, c’est l’énorme décalage entre la plainte des patients et ce que nous constatons lors de la visite et à la lecture des résultats d’examens, à savoir l’absence de critères de sévérité d’une quelconque maladie. Ce décalage est d’autant plus étonnant chez des gens jeunes et en bonne santé.

Les symptômes les plus fréquents sont la fatigue voire l’épuisement, les douleurs musculaires et la sensation d’une oppression thoracique.

Qui sont les personnes concernées ?

Dr Davido : Ce sont justement des personnes jeunes et en bonne santé qui n’ont pas fait une forme sévère de Covid. On a d’un côté des sportifs de 25-30 ans pour lesquels on a l’impression qu’il leur faut de la réassurance. Ils font surtout un syndrome post-confinement avec une désadaptation à l’effort : ils n’ont pas pratiqué leur activité sportive à cause de la maladie et du confinement et leurs symptômes peuvent être attribués à cette désadaptation. De fait, lors de la reprise, ils ne parviennent plus aux résultats d’avant. Il faut que cette reprise se fasse de façon graduée.

D’un autre côté, on reçoit des femmes de 40 ans, sans antécédent pour la plupart, plus sédentaires que les jeunes sportifs, et qui se plaignent de symptômes persistants deux à trois mois après la maladie. Ce sont des symptômes fluctuants assez violents, avec des épisodes de malaise au fort retentissement sur la vie quotidienne.

Est-ce qu’il pourrait y avoir une composante auto-immune ?

Dr Davido : Dans 8 cas sur 10, il s’agit de femmes jeunes, lesquelles, on le sait, sont plus sujettes aux maladies auto-immunes. C’est pourquoi il est pertinent de rechercher des signes dysimmunitaires, c’est-à-dire des autoanticorps et en particulier les facteurs antinucléaires. Pour l’instant, il est trop tôt dans l’histoire de la maladie pour affirmer que le Covid est capable de déclencher une maladie auto-immune chronique. Reste qu’une infection en générale peut conduire à une stimulation exagérée du système immunitaire. Lors du syndrome post-infectieux, il peut se produire notamment deux événements : le corps relargue un peu de virus, ce qui expliquerait que certains patients présentent une PCR positive plusieurs semaines après la maladie, et produit des autoanticorps de façon transitoire. La question qui se pose est de savoir si le Covid a permis de démasquer une maladie auto-immune latente, oui bien si les autoanticorps, quand on les détecte (voir plus loin le bilan d’auto-immunité), vont finir par disparaître avec le temps.

Quelle est la conduite à tenir pour les médecins de ville ?

Dr Davido : Je pense qu’il faut prendre en charge ces patients avec rigueur. Il ne faut écarter aucune piste sous prétexte qu’il s’agirait « seulement » d’un post-Covid. Il est impératif de faire un diagnostic différentiel au Covid car il n’est pas exclu que parmi ces patients, on diagnostique un cancer ou une embolie pulmonaire. Sur la trentaine de patients post-Covid que nous avons vus, nous n’avons, à ce jour, fait aucune découverte de pathologies graves. Je crois que la prise en charge pluridisciplinaire est importante et selon les symptômes, le patient peut être orienté également vers un rhumatologue en cas de douleurs articulaires, un cardiologue pour une douleur thoracique avec dyspnée, un dermatologue pour par exemple des manifestations cutanées type Raynaud… Un soutien psychologique me semble nécessaire. Quant à la thérapeutique, pour un symptôme qui ressemble à une myopéricardite, je conseille d’essayer la colchicine.

Il est impératif de faire un diagnostic différentiel au Covid car il n’est pas exclu que parmi ces patients, on diagnostique un cancer ou une embolie pulmonaire.

Existe-t-il une ordonnance type ?

Dr Davido : Je suis plus qu’étonné que les instances, ministère de la Santé et Direction générale de la santé (DGS), restent muettes au sujet du post-Covid. Un PNDS (protocole national de diagnostic et de soins) serait plus que le bienvenu. Il est maintenant impératif que la communauté médicale dispose d’une liste officielle des examens à effectuer. En son absence, nous avons décidé de créer une ordonnance-type pour les médecins de ville.

Je suis plus qu’étonné que les instances, ministère de la Santé et Direction générale de la santé (DGS), restent muettes au sujet du post-Covid.

Les examens que les médecins de l’hôpital de Garches et le Dr Davido préconisent :

1- Angioscanner thoracique (pour éliminer l’embolie pulmonaire, et identifier éventuellement des lésions pulmonaires du Covid) ;

2 – Si le scanner est normal, échographie cardiaque ;

3 – Bilan inflammatoire :

  • NFS
  • CRP
  • dimères

4 – Bilan de l’auto-immunité :

  • dosage des immunoglobulines
  • électrophèse des protéines
  • recherche d’autoanticorps
  • bilan thyroidien

5 – Sérologie Covid

Dans 90 % des cas, ces bilans seront normaux. Dans les 10 % restants, soit il y a un diagnostic différentiel, soit il y a des traces d’auto-immunité qu’il conviendra de contrôler un mois plus tard afin de vérifier si les autoanticorps persistent dans le temps et s’ils montent en titration pour une éventuelle maladie de système. Les patients présentant des anomalies au bilan peuvent évidemment être adressés à l’hôpital. La plupart des hôpitaux proposent maintenant ce type de consultation, mais il faut bien savoir que cela ne sert à rien qu’ils viennent en consultation sans les résultats de leurs différents examens.

Anosmie persistante et réapparition des symptômes : lancement de deux études

Si le Dr Davido n’a pas vu de cas d’anosmie persistante, d’autres infectiologues en ont observé. C’est notamment le cas de la Pr Dominique Salmon-Ceron (Hôtel-Dieu, Paris) qui estime à 10 % la proportion de patients dont la perte d’odorat se poursuit pendant de longues semaines. L’infectiologue a annoncé dans un entretien au journal Le Parisien le lancement de l’étude Covidorl, coordonnée par le centre hospitalier intercommunal André Grégoire (Montreuil) dont l’objectif est d’identifier les raisons de cette perte d’odorat à long terme. 120 patients volontaires vont tester un traitement possible reposant sur des lavages de nez avec des corticoïdes. Une seconde étude, Cororec, vise à comprendre la réapparition de différents symptômes qui avaient pourtant disparu. Il s’agit notamment d’identifier d’éventuelles pathologies sous-jacentes qui expliqueraient cette résurgence.

 

COVID-19 grave : résultats prometteurs avec l’anti-IL1 anakinra

Marine Cygler

1er juin 2020

 
 

Paris, France – Dans l’attente d’un traitement et/ou d’un vaccin, différentes stratégies ont été mises en œuvre pour éviter la détérioration des formes graves du COVID-19. A Paris, une équipe multidisciplinaire du Groupe hospitalier Paris Saint-Joseph (GHPSJ) a opté pour une stratégie reposant sur une biothérapie ciblant l’interleukine 1, l’anakinra (Kineret®, Swedish Orphan Biovitrum SARL), chez des patients atteints du SARS-CoV-2 oxygénorequérants et risquant à court terme un transfert en soins intensifs. Pour ces patients, l’administration de cette biothérapie ayant une AMM dans la polyarthrite rhumatoïde a diminué de façon remarquable le risque de décès et de passages en réanimation pour assistance respiratoire par ventilation mécanique. Cette étude observationnelle vient d’être publiée dans The Lancet Rheumatology .

« Il faut se remettre dans le contexte de la mi-mars : il n’y avait pas encore d’essai thérapeutique disponible en France et les malades arrivaient de manière massive. Il fallait absolument éviter un engorgement du service de réanimation », rappelle le Pr Jean-Jacques Mourad, chef du service de médecine Interne du GHPSJ, co-auteur de l’étude. Interrogé par Medscape édition française, il poursuit « nous avons décidé d’établir une stratégie compassionnelle pour ces patients présentant un risque de transfert en réanimation. L’anakinra s’est rapidement imposée ». L’idée : empêcher les réponses hyperinflammatoires qui ressemblent aux orages cytokiniques, et ainsi diminuer le risque d’aggravation des symptômes.

Dès que nous avons commencé avec l’anakinra… il n’y avait plus tous ces morts, ces transferts en réanimation

« Dès que nous avons commencé avec l’anakinra, nous avons pacifié la salle, il n’y avait plus tous ces morts, ces transferts en réanimation… cela a soulagé les patients mais aussi tout le personnel soignant », témoigne-t-il aujourd’hui.

« Cette étude constitue à ce jour la preuve la plus aboutie que l’anakinra peut être bénéfique pour les patients avec un orage cytokinique associé au COVID-19. La réduction significative de la mortalité liée à l’utilisation d’anakinra dans l’indication COVID-19 est encourageante », s’enthousiasme le Pr Randy Cron (rhumatologue, Université d’Alabama, Etats-Unis) dans un éditorial[2]  qui accompagne l’article.

 

Le choix de l’anakinra

Spécialiste de l’orage cytokinique, Le Pr Cron rappelle que sur la base des expériences rapportées avec d’autres coronavirus mortels, l’OMS ne recommande pas les glucocorticoïdes pour les patients COVID-19. « Cependant, cibler les cytokines a prouvé son efficacité dans d’autres syndromes d’orage cytokinique et est intéressant en raison de la faible fréquence des effets indésirables associés » écrit-t-il.

Concernant le choix de la molécule, les rhumatologues, internistes, pneumologues, pharmaciens et urgentistes du GHPSJ ont choisi l’anakinra, qui cible l’interleukine 1, en raison de sa cinétique d’action rapide adaptée à l’évolution très rapide de l’état de santé des patients atteints du Covid-19. Ce médicament agit très rapidement. Aussi, sa demi-vie est courte. « Il ne fallait pas que les patients soient trop immunodéprimés au cas où un transfert en réa aurait été nécessaire », commente le Pr Mourad.

Ajouté à cela, la bonne tolérance – pas d’augmentation des infections, ce qui est un impératif pour ces patients, et le fait que cette biothérapie soit l’une des moins onéreuses, l’anakinra a pris le dessus sur les autres stratégies.

Une réduction spectaculaire du passage en réanimation

« Nous donnons l’anakinra aux patients hospitalisés selon les besoins en oxygène et les critères biologiques d’hyperinflammation (CRP, ferritines)» explique le Pr Mourad qui indique que maintenant « plus de 125 patients ont été traités avec l’anakinra et que le signal positif est toujours présent ».

L’article paru dans le Lancet Rheumatology porte néanmoins sur un nombre moindre de patients, ceux qui remplissaient les critères et qui ont été hospitalisés sur une période de deux semaines, entre le 24 mars 2020 et le 6 avril 2020.

Ce sont donc 52 patients qui ont été inclus dans le groupe « anakinra ». Ils ont reçu l’anakinra en subcutané (100mg deux fois par jour pendant trois jours, puis 100 mg quotidiennement pendant sept jours) en plus du traitement standard. Ils ont été comparés à un groupe contrôle de 44 patients qui a reçu le traitement standard.

Notre étude reste observationnelle et il faut attendre les résultats d’essais
 

L’admission en réanimation pour assistance respiratoire par ventilation mécanique ou le décès ont concerné 13 (25%) patients du groupe anakinra, versus 32 (73%) patients dans le groupe contrôle (Risque relatif [HR] = 0,22 [IC 95% 0,11–0,41; p<0,0001). L’effet du traitement par anakinra reste significatif après analyse multivariée (RR= 0,22 [ IC 95% 0,10–0,49]; p=0,0002).

Parmi les 29 patients du groupe anakinra, toujours en vie et ne nécessitant pas d’assistance respiratoire, une diminution rapide des besoins en oxygène a été observée au bout de sept jours de traitement, le besoin moyen passant de 7L/min à JO à 2L/min à J7.

 

Quant aux effets indésirables, ils sont limités, mais une augmentation des aminotransférases hépatiques s’est produite chez 13 % des patients du groupe anakinra, contre 9 % dans le groupe contrôle. Jean-Jacques Mourad précise qu’aucune hépatite fulgurante n’est survenue.

 

Pour les pays actuellement touchés par la « vague »

Différents essais thérapeutiques évaluent aujourd’hui la stratégie de blocage de l’IL-1 pour des patients atteints de Covid-19 avec des signes d’hyperinflammation. « En attendant les résultats de ces essais, trois petites séries de cas ont rapporté des bénéfices de l’anakinra chez des patients COVID-19 » indique le Pr Randy Cron.

C’est un traitement… qui a vraiment évité la saturation de notre capacité de réanimation
 

« Notre étude reste observationnelle et il faut attendre les résultats d’essais. Cela dit, notre niveau de preuve est un niveau 2, ce qui n’est pas mauvais », explique le Pr Mourad considérant que l’approche du GHPSJ pourrait intéresser les pays, notamment le Brésil, qui voient arriver la vague. « C’est un traitement bien toléré, en sous-cutané et qui a vraiment évité la saturation de notre capacité de réanimation ».
 

COVID-19: les effets CV de l’hydroxychloroquine confirmés par une vaste étude de pharmacovigilance

Vincent Richeux

2 juin 2020

 
 
 

Paris, France — Selon une analyse de pharmacovigilance française portant sur plusieurs millions de rapports d’effets indésirables émis au niveau international (base de données OMS), l’hydroxychloroquine, mais surtout l’azithromycine, et l’association des deux produits ont bien un impact délétère sur le système cardiovasculaire, même si cette toxicité reste rare. Les résultats ont été publiés dans Circulation.

« Notre étude confirme qu’il y a un risque d’effets cardiaques indésirables, potentiellement mortels, avec le traitement par l’hydroxychloroquine. Le signal indiquant une toxicité cardiaque reste toutefois très faible. En près de 50 ans de prescription, les cas d’arythmies rapportés sont rares », a commenté, auprès de Medscape édition française, le Pr Christian Funck-Brentano (Hôpital Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris).

Le risque apparait suffisamment faible pour se permettre de poursuivre, sous contrôle, les essais randomisés contre placebo afin d’évaluer le rapport bénéfice/risque de ce traitement en prévention d’une aggravation de l’infection par le SARS-CoV-2, estime le Pr Funck-Brentano.

Pourquoi cette analyse de pharmacovigilance de grande ampleur ?

L’hydroxychloroquine est un médicament indiqué en rhumatologie pour ses propriétés anti-inflammatoires et immunomodulatrices, essentiellement dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde et du lupus érythémateux. Son potentiel effet néfaste sur la fonction cardiovasculaire, connu depuis longtemps, était documenté jusque-là par quelques cas décrits dans des populations hétérogènes, explique le Pr Funck-Brentano.

 

Lorsque l’hydroxychloroquine a été envisagé en combinaison avec le macrolide azithromycin pour traiter les patients atteints du Covid-19, le Dr Joe-Elie Salem (Hôpital Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris) a décidé de lancer une analyse portant sur un maximum de données sur les effets indésirables des médicaments. L’objectif était d’évaluer plus précisément le risque d’effets indésirables associés à ces deux médicaments avant d’en recommander l’usage à plus large échelle.

21 millions de rapports de pharmacovigilance

L’étude s’est appuyée sur la base mondiale de données de pharmacovigilance de l’OMS comprenant plus de 21 millions de rapports d’effets indésirables, toutes classes de médicaments confondues, provenant de plus de 130 pays, rédigés entre novembre 1967 et mars 2020, principalement avant l’apparition de la pandémie de Covid-19.

Dans cette analyse, les chercheurs ont repris les déclarations d’effets indésirables cardiovasculaires chez les patients prenant de l’hydrochloroquine, de azithromycine ou les deux et les ont comparés à ceux associés à tous les autres médicaments présents dans la base de données.

Au total, plus de 76 800 cas d’effets indésirables cardiaques ont été rapportés avec l’hydroxychloroquine seule. Parmi eux, 28% étaient suspectés d’être directement en lien avec le traitement. Une prolongation de l’intervalle QT (LQT) ou une torsade de pointe (TdP), des complications habituellement associées à ce traitement, ont été identifiées chez 136 patients sous hydroxchloroquine.

Pour, l’azithromycine, 89 700 patients présentant des effets indésirables de ce type ont été identifiés, dont un LQT ou une TdP chez 223 d’entre eux. Dans 61% des cas, les effets indésirables d’origine cardiaque étaient suspectés d’être directement associés à l’antibiotique.

Une combinaison plus à risque

L’analyse des données montre que, parmi les cas suspects et en comparaison avec les effets indésirables observés avec tous les autres médicaments, il existe chez les patients prenant de l’hydroxychloroquine ou de l’azithromycine une proportion significativement plus importante du nombre de cas de tachycardie ventriculaire et/ou de LQT, y compris de TdP par rapport aux autres effets indésirables déclarés pour ces médicaments.

 

La combinaison hydroxychloroquine+azithromycine était corrélée à davantage de cas rapportés de LQT et/ou TdP comparativement aux cas identifiés avec l’un ou l’autre des médicaments pris seuls (respectivement 1,5% des effets indésirables cardiaques déclarés contre 0.6%).

 

Chez les patients présentant une torsade de pointes, le taux de décès est de 20% sous azithromycine seule, contre 8,4% sous hydroxychloroquine seule. L’hydroxychloroquine a également été associée à une insuffisance cardiaque potentiellement mortelle lorsque l’exposition était prolongée sur plusieurs mois.

 

« Des effets proarythmiques cardiaques aigus potentiellement mortels ont été décrits principalement avec l’azithromycine, mais aussi avec l’hydroxychloroquine. Leur combinaison a donné un signal plus important », ont commenté les auteurs.

 

Facteurs de risque supplémentaires

Bien que le nombre de cas soit faible, « il est important de tenir compte de ce risque d’effets indésirables cardiovasculaires dans le contexte de la prise en charge des patients atteints du Covid-19, qui peuvent présenter des facteurs de risque supplémentaires », dont l’hypokaliémie, un taux élevé d’interleukine-6 ou encore une bradycardie, concluent les chercheurs.

 

« Cette étude est robuste d’un point de vue statistique par le nombre de données traitées. Les résultats restent rassurants en ce qui concerne ce risque cardiovasculaire associé à ces traitements. Cependant, il s’agit d’une étude épidémiologique et il est essentiel de poursuivre les essais randomisés pour évaluer le bénéfice/risque de l’hydroxychloroquine dans le Covid-19 », a insisté le Pr Funck-Brentano.

Des pacemakers recyclés aussi performants que des neufs

Adélaïde Robert-Géraudel

2 avril 2013

 

Mexico, Mexique – La réutilisation de pacemakers est non seulement faisable mais sûre, seule la durée de vie de la batterie différencie véritablement le dispositif réimplanté du dispositif neuf – et encore est-elle supérieure aux attentes.

C’est ce que conclut une étude parue dans Circulation menée par l’équipe de Santiago Nava (Mexico, Mexique).

Dans le Centre national de cardiologie « Ignacio Chavez », la réimplantation de pacemakers prélevés sur des personnes décédées – après une sélection et une stérilisation rigoureuses – est une pratique courante, mais réservée aux personnes qui ne peuvent se procurer un pacemaker neuf par d’autres moyens, expliquent les auteurs.

Les preuves de la sécurité d’emploi et de l’efficacité de cette pratique étant insuffisantes, l’équipe a réalisé une étude de non-infériorité.

 

Entre 2000 et 2010, un dispositif recyclé stérilisé a été implanté chez 307 patients (96% de ces dispositifs étaient d’origine cadavérique) et un dispositif neuf chez 296 autres.

Les pacemakers recyclés avaient été soit prélevés au Centre, après accord des familles, soit offerts par les familles qui les avaient récupérés auprès d’autres hôpitaux ou services funéraires.

Tout dispositif présentant des signes externes d’usure était éliminé. Les autres étaient stérilisés et le niveau de la batterie, l’impédance et les valeurs programmées étaient contrôlés. Seuls les dispositifs ayant une capacité de charge suffisante pour fonctionner au moins quatre ans étaient éligibles.

Le critère primaire de l’étude était un critère composite associant un déchargement inattendu de la batterie, une infection et un dysfonctionnement du pacemaker.

Une espérance de vie d’environ 6 ans pour la batterie

Après 4,16 ans de suivi médian, 85 pacemakers ont dû être explantés dont 54 étaient des pacemakers recyclés. Le taux d’explantation était ainsi de 10,5% dans le groupe « pacemaker neuf » et de 17,6% dans le groupe « pacemaker recyclé », soit un risque relatif de 1,68 (IC 95% 1,1-2,5, p=0,02).

La différence s’explique essentiellement par la durée de vie de la batterie. Le taux d’explantation toute cause confondue des pacemakers recyclés dépasse ainsi celui des pacemakers neufs, surtout après les cinq premières années de suivi.

Pour autant, « la durée de vie moyenne pour les pacemakers re-stérilisés a été plus élevée qu’attendu », soulignent les auteurs. Elle était de 6,17 ans pour les pacemakers recyclés contre 8,9 ans pour les pacemakers neufs.

 

Le critère primaire a été atteint dans 5,5% des cas dans le groupe « pacemaker neuf » et dans 7,2% dans le groupe « pacemaker recyclé », soit un risque relatif de 1,3 (IC 95% 0,7-2,45, p=0,794). De ce fait, l’étude conclut à la non-infériorité du pacemaker recyclé.

 

Un déchargement inattendu de la batterie a concerné 1,7% des pacemakers neufs et 3,6% des pacemakers recyclés, soit un risque relatif de 2,12 (IC 95% 0,75-6, p=0,116).

 

Une infection liée à la procédure s’est déclarée chez 3,7% des porteurs de pacemakers neufs et 3,2% des porteurs de pacemakers recyclés, soit un risque relatif de 0,87 (IC 95% 0,38-2,03, p=0,46), sans différence sur le type d’infections.

Enfin, un seul pacemaker a présenté un dysfonctionnement lié à la détérioration de la vis d’une électrode, et il s’agissait d’un pacemaker recyclé. Depuis, les vis sont soigneusement inspectées avant re-stérilisation, soulignent les auteurs, qui précisent que ce dysfonctionnement est resté sans conséquence pour le patient.

 

Les auteurs jugent la non réutilisation non éthique

 

Le recyclage des pacemakers semble ainsi un procédé intéressant, et ce, soulignent les auteurs « indépendamment de considérations économiques » -qui deviennent néanmoins prégnantes un peu partout dans le monde.

 

Pour autant, les réglementations concernant le recyclage de dispositifs médicaux à usage unique (single use devices, SDU) dont font partie les stimulateurs cardiaques, sont encore très disparates.

 

Aux Etats-Unis, la FDA a établi depuis 2000 un cadre réglementaire pour la réutilisation des dispositifs médicaux à usage unique. Concernant les pacemakers, la FDA a cependant souligné la difficulté de savoir si les pacemakers pouvaient être correctement restérilisés après une première implantation dans la mesure où des fluides corporels pouvaient pénétrer dans les sondes.

 

L’Union européenne, elle, n’a pas de réglementation commune. En 2010, le SCENHIR (Scientific Committee on Emerging and Newly Identified Health Risks) a publié un document sur la sécurité des dispositifs médicaux à usage unique recyclés dans lequel il suggère de bien encadrer ces pratiques, mais s’inquiète du risque d’infection par le prion. La Commission européenne a par la suite adressé au Parlement un document qui reprend l’avis du SCNEHIR.

 

Pour l’heure, chaque Etat membre a sa propre réglementation. En France, le principe de non réutilisation s’applique pour garantir l’absence de transmission iatrogène d’organismes pathogènes et d’accident relevant du domaine de la matériovigilance (voir encadré ci-dessous).

 

Le risque infectieux et les doutes concernant l’efficacité des dispositifs réimplantés sont en effet les principaux freins, avec les aspects éthiques.

 

Or une fois que la preuve de la sécurité d’une telle procédure est apportée, ce qui serait non éthique c’est plutôt de ne pas la proposer, jugent Santiago Nava et ses collègues.

 

Ceux-ci pointent le fait que la décision de labelliser un dispositif médical à usage unique est prise par le fabricant, et qu’il n’est pas nécessaire, pour restreindre ainsi l’usage des appareils, de démontrer que leur restérilisation comporte un risque.

 

Ils dénoncent à ce sujet l’attitude de certains fabricants qui, au Mexique, « ont pour politique de ne pas fournir de nouvelles électrodes pour les pacemakers restérilisés ».

 

Ils déplorent en outre que 44% des dispositifs explantés atterrissent dans les déchets médicaux et que seuls 18% soient donnés pour un usage humain dans les pays en développement.

En France : ré-utiliser non, mais collecter pour un recyclage à l’étranger, oui 

En France, les pacemakers doivent être explantés post-mortem par un médecin ou un thanatopracteur. La législation (article R.2213-15 du code général des collectivités territoriales) l’impose, que la personne soit enterrée (risque de pollution environnementale) ou incinérée (risque d’explosion dans l’incinérateur).

Deux choix sont alors possibles : l’élimination ou, dans certains cas, la collecte pour d’autres pays.

Classés déchets dangereux non seulement du fait de la présence de la batterie au lithium mais du fait du risque infectieux, les pacemakers dépendent d’une filière d’élimination particulière, celle des dispositifs médicaux implantés actifs (DMIA).

Un DMIA est éliminé soit via le prestataire de l’établissement où il a été explanté soit via le fabricant. Les prestataires recyclent les pacemakers mais il s’agit uniquement d’un recyclage matière de certains métaux contenus dans ces dispositifs.

Le retour des DMIA aux fabricants leur permet de mener des études sur les dispositifs usagés. Cette pratique a un intérêt économique pour le producteur de déchet car il limite le recours aux prestataires spécialisés. Or celui-ci a un coût puisque le producteur de déchet doit payer la différence entre le prix de la collecte et du traitement, et le bénéfice réalisé à partir de la revente des métaux.

Mais il existe une autre possibilité, encouragée par le Syndicat professionnel des thanatopracteurs indépendants et salariés [3], et qui consiste à collecter les pacemakers au bénéfice de STIMUBANQUE, une association qui se charge de récupérer les pacemakers ou les défibrillateurs pour les réutiliser dans d’autres pays.

Dans ce cas, vante le Syndicat, le coût d’élimination n’a plus à être supporté, il suffit de payer les frais d’acheminement.

STIMUBANQUE gérée par le Dr Bernard Dodinot (Nancy), fait partie de l’association StimDéveloppement gérée par le Pr Xavier Jouven (Hôpital Européen Georges Pompidou, Paris).

Celle-ci ne collecte que les modèles de moins de deux ans dont la longévité résiduelle est d’au moins cinq ans, et seulement certains modèles dont une liste a été mise à jour en février 2013.

Ndlr : Et qui se chargera de l’élimination des pacemakers dans les pays en développements ?

Une étude relance l’intérêt de la ré-utilisation des pacemakers et défibrillateurs usagés

 

Montréal, Canada — La réticence à la réutilisation des appareils implantables tient au risque élevé d’infection qu’une telle option ferait courir au nouveau receveur. Pourtant, pendant des dizaines d’années, les pays occidentaux ont proposé ces appareils explantés, encore actifs, aux pays moins favorisés. Cette opportunité a fait l’objet d’une étude prospective publiée dans le NEJM et il semble bien que les craintes concernant le risque infectieux soient injustifiées [1].

Un taux d’infection légèrement plus élevé

Dans quatre pays aux ressources limitées, le risque d’infection est en effet identique ou au pire légèrement plus élevé lors de l’implantation de pacemakers ou défibrillateurs recyclés, si l’on compare au taux d’infections avec du matériel identique neuf implanté chez des patients au Canada.

Le taux d’infection est de 2% chez les 1051 patients ayant bénéficié du matériel recyclé et de 1,2% dans le groupe des 3000 patients ayant un implant neuf. La majoration du risque (66%) n’est pas statistiquement significative (P=0,06) En outre il n’y a pas eu de décès en rapport avec l’implant.

 

Même si le taux d’infections est plus élevé dans le groupe des implants recyclés (moins de 1% de différence absolue). « Le taux d’infection reste modeste et raisonnable considérant l’absence d’alternative chez ces patients » déclare à the heart.org/ Medscape Cardiology, Thomas F. Khairy (Montreal Heart Institute), dernier auteur de cette étude.

Des résultats rassurants

« Ces résultats sont rassurants » ajoute-t-il. « Il y a un certain enthousiasme au Canada et Etats-Unis vis-à-vis de cette réutilisation de ces stimulateurs et défibrillateurs dont la durée de batterie restante est encore substantielle – au moins 5 ans dans cette étude. Ces appareils proposés aux patients des pays défavorisés se font par l’intermédiaire d’une donation venant de patients décédés.

« Le risque supposé d’infection » est un fréquent motif d’exclusion du recyclage. « Heureusement, notre étude va pouvoir lever ces craintes et encourager d’autres centres à travailler et collaborer à la création de programmes pour combler ce besoin [de matériel cardiaque implantable]» souligne T.F. Khairy.

Depuis 1983, dans le centre ou exerce T.F. Khairy, la réutilisation des implants cardiaques profite à des ressortissants de pays en voie de développement. Un registre a été créé en 2003.  Au Canada, Etats-Unis et en Europe, il est interdit de les réutiliser chez les membres des peuples premiers.  

Thomas C. Crawford (University of Michigan. Ann Arbor. USA) a déclaré à The heart.org/Medscape Cardiology : « le message majeur pour moi est que le taux d’infections n’est pas substantiellement plus élevé avec le matériel recyclé ».

« Les données du registre prospectif qui ne sont pas celles d’une étude randomisée, nous indiquent que si le risque d’infection est plus élevé – et je ne suis pas sûr que ce soit la réalité – il n’est pas beaucoup plus important que lors de l’implantation d’un matériel neuf » insiste T. C. Crawford en charge du programme de réutilisation My Heart Your Heart, créé en 2010.

l ne vient à l’idée de personne de dire que les implants stérilisés et reconditionnés sont aussi performants que les neufs, ajoute T. C. Crawford. « Le message que nous voulons porter est qu’il est possible d’en faire profiter une population qui n’a pas du tout accès à ce traitement, avec un appareil qui peut fonctionner peut-être moins longtemps mais d’une façon similaire à celui sortant de l’usine. Dans un tel contexte, l’étude nous indique à l’évidence que cette pratique n’est pas dangereuse ».

 

Recueil post mortem

Les auteurs précisent que le recueil post mortem des implants est assuré par un réseau québécois de pompes funèbres et crématoriums. Selon un protocole établi, les implants sont nettoyés, décontaminés et interrogés au sein du Montreal Heart Institute. Après quoi ils sont envoyés au centre qui va assurer l’implantation où ils seront stérilisés une seconde fois.

 

L’étude menée entre 2003 et 2017, a inclus 1051 patients en République Dominicaine, au Guatemala, au Honduras et au Mexique, le matériel provenant de différents fabricants. Dans 65,4%, les patients avaient un bloc auriculo-ventriculaire, dans 12,7% une maladie du sinus, une insuffisance cardiaque à fraction d’éjection altérée dans 9,3%. Les stimulateurs cardiaques concernent 85,0% des implants : mono-chambre 55,5%, double- chambre 38,8% et 5,7% sont des triple-chambre.

 

Chacun de ces patients a été associé en fonction de son âge, sexe, type d’implant et nombre d’électrodes avec trois patients similaires ayant reçu du matériel neuf au Montreal Heart Institute, soit 3153 sujets-contrôles.   

 

Les critères primaires concernaient le taux d’infections ou bien les décès en rapport avec l’implant : aucun décès dû au matériel n’a été constaté pendant 2 ans. Cependant, un taux de 2% d’infections est noté dans le groupe étudié, (temps médian 66 jours). Dans le groupe contrôle il y a eu à 61 jours, 1,2% d’infections. Le risque dû au hasard après ajustement est de 1,66 (IC 95% 0,97-2,83 ; P= 0,06).

 

Le rapport signale « Dans les deux groupes, les bactéries impliquées étaient semblables avec plus de 75% d’infections dues aux staphylocoques dorés ou epidermitis ».

 

Aller vers un milieu chirurgical plus homogène

« Indépendamment de tout ça, il est possible que le taux d’infections reste malgré tout élevé qu’il s’agisse ou non d’implants neufs ou réutilisés, compte tenu des patients, de l’environnement opératoire, des critères de soins » remarque T. C. Khairy.

 

Le taux d’infections dans le groupe étudié pourrait être minoré par un milieu chirurgical plus homogène. A cet effet, le centre de reconditionnement de Montréal et les sites d’implantations travaillent ensembles à la mise en place de protocoles dédiés aux antibiotiques, aux techniques chirurgicales, aux soins péri-opératoires.

 

« Nous n’avons pas mis en évidence de différence statistique, c’est rassurant. Avec des conditions meilleures dans les différents centres, la différence aurait même pu être moindre » T. F. Khairy.

 

T. C. Crawford poursuit néanmoins : la question importante est de savoir si le taux d’infections est effectivement ou non en rapport avec le matériel réimplanté.

 

« Dans un milieu où la population est moins bien prise en charge, l’utilisation d’un implant neuf ne résout pas les problèmes liés à l’environnement : accessibilité rapide aux soins, laboratoires, suivi post opératoire. Ce n’est pas simplement une question de bactéries au niveau de l’implant ».

COVID-19 : faut-il abandonner la piste de l’hydroxychloroquine ?

Aude Lecrubier

22 mai 2020

 
 

Pr Jean-Jacques Zambrowski

Paris, France — Les résultats de plusieurs études évaluant l’hydroxychloroquine avec ou sans azithromycine chez des patients hospitalisés pour COVID-19 ont été publiés dernièrement, l’une dans le JAMA , les autres dans le BMJ , dont l’une française, menée par le Pr Matthieu Mahévas, ou encore tout dernièrement dans le Lancet … Tous sont négatifs, l’étude observationnelle de grande taille du Lancet venant de paraître suggérant même un excès de mortalité. Est-il temps d’abandonner cette piste thérapeutique ? Nous avons posé la question au Pr Jean-Jacques Zambrowski (spécialiste en médecine interne, Hôpital Bichat, AP-HP, économiste de la santé, Université Paris Descartes, Paris) qui utilise la molécule chez ses patients atteints de maladies musculosquelettiques depuis plus de 30 ans.

Medscape : Plusieurs études évaluant l’hydroxychloroquine chez des patients hospitalisés pour COVID-19 montrent que la molécule n’est pas efficace dans ce contexte. Qu’en pensez-vous ?

Pr Jean-Jacques Zambrowski : Je ne comprends pas pourquoi certains font des essais chez des patients hospitalisés et déjà sévèrement atteints. Par définition, cela ne peut pas marcher. Cela ne pouvait pas marcher et cela n’a pas marché. Pourquoi jouer cette mauvaise comédie ?

 

Je connais assez bien l’hydroxychloroquine car les internistes comme moi l’utilisent pour traiter le lupus et la polyarthrite rhumatoïde. C’est un médicament qui a des propriétés sur le système immunitaire et l’inflammation. C’est d’ailleurs pour cela que nous l’utilisons dans ces indications.

Qu’au tout début d’une infection quelconque, notamment le coronavirus, il puisse y avoir un intérêt à stimuler les défenses immunitaires ne fait strictement aucun doute. C’est d’ailleurs ce que certains ont essayé de faire en proposant une vaccination contre le BCG.

L’idée est que l’hydroxychloroquine, comme le BCG, stimule les défenses immunitaires au départ, de façon peu spécifique. Si on arrive à se défendre contre le coronavirus au moment où il vous attaque, on est éventuellement prémuni.

Je suis partisan de l’idée que l’hydroxychloroquine pourrait éviter la maladie à cause de ces effets généraux sur l’immunité.

Il faudrait accepter de repositionner ce produit et son potentiel usage au bon moment chez les bons patients.

Medscape : Il ne faut donc pas abandonner cette piste, selon vous ?

J-J. Zambrowski : Les résultats ne sont pas encourageants pour l’hydroxychloroquine, mais cela ne veut pas dire qu’il faut abandonner. Si le traitement est bénéfique en prophylaxie, il est dommage d’en priver des malades. Jeter le bébé avec l’eau du bain ne serait pas tout à fait honnête, mais adopter le produit sans l’avoir dûment validé serait aussi totalement malhonnête.

On ne peut pas faire courir un risque aux patients. J’attends d’avoir des preuves, des chiffres. Pour l’instant, je ne les ai pas. J’attends loyalement des preuves conclusives du rapport bénéfice-risque, obtenues par des moyens non-discutables. La déontologie impose à ce stade de ne pas laisser circuler le produit. Nous avons eu le Mediator, l’affaire du sang contaminé, je comprends que les agences soient prudentes, voire tout simplement professionnelles. Evidemment, en tant que médecins et patients, on voudrait que cela aille plus vite…

 

Medscape : L’ APHP (essai PREP-COVID chez les soignants) , des hôpitaux parisiens et le NIH aux Etats-Unis ont lancé des études en ambulatoire. C’est donc une bonne idée ?

J-J. Zambrowski : Oui, si cela a un intérêt, c’est là. A mon sens, le Pr Didier Raoult (infectiologue à la tête de l’IHU de Marseille) a raison de proposer l’hydroxychloroquine aux malades qui n’ont pas de symptômes. Mais, à mon sens, il est dommage que le Pr Raoult, qui est par ailleurs un éminent scientifique, ait, au nom de critères que l’on peut ne pas partager (choix délibéré de ne pas avoir de groupe placebo pour des raisons éthiques), choisi d’emprunter une méthodologie critiquable par définition. C’est plus que regrettable.

 

Encore une fois, je n’hésiterais pas à donner de l’hydroxychloroquine avec ou sans azithromycine s’il y avait une étude probante malgré le spectre des effets indésirables possibles car je les connais. Après, est-ce qu’en pratique, on pourrait faire un ECG et un examen ophtalmologique à tous les malades suspects de COVID pour s’assurer à l’initiation du traitement qu’ils ne sont pas à risque de complications ? Je n’en suis pas sûr. Il appartiendrait à ceux qui en donnerait l’autorisation de faire les mises en garde.

 

Medscape : Certains disent que l’utilisation de l’HCQ a permis à des pays africains d’être moins touchés par l’épidémie. Qu’en pensez-vous ?

J-J. Zambrowski : C’est peut-être aussi parce qu’il fait chaud, qu’il n’y a pas de métro dans lequel on s’entasse à 8h du matin, pour tout un tas de raisons épidémiologiques, démographiques… Aussi, on ne peut pas être sûr des chiffres dans certains endroits d’Afrique. Alors, de là à penser que c’est grâce à l’hydroxychloroquine, cela me parait un peu rapide. Il y a beaucoup de « peut-être » dans cette épidémie. Il ne faut pas spéculer.

 

Medscape : Pour revenir sur les effets secondaires de l’hydroxychloroquine, certaines études montrent un taux d’effets indésirables très importants, d’autres disent l’utiliser depuis des années sans problème. Que faut-il en penser ?

J-J. Zambrowski : Je donne cette molécule à mes patients depuis plus de 30 ans. Oui, il y a des effets secondaires très significatifs avec ce médicament. Chez les patients qui ont un lupus ou une polyarthrite rhumatoïde et qui reçoivent de l’hydroxychloroquine, nous faisons régulièrement des électrocardiogrammes et des examens ophtalmologiques. Toutefois, un traitement de courte durée à une posologie bien étudiée est probablement plus innocent qu’un traitement de longue durée à fortes doses.

 

Medscape : L’ agence espagnole du médicament a rapporté 6 suicides qui pourraient être liés à molécule. Avez-vous déjà observé de telles effets psychiatriques ?

J-J. Zambrowski : Il y a des antécédents d’effets secondaires neurologiques. Je n’ai pas connaissance d’effets psychiatriques, mais ce n’est pas parce que je ne les connais pas qu’il n’y en a pas. En règle générale, il y a beaucoup d’effets secondaires qui ne sont pas rapportés. Mais, on sait aussi que les patients qui ont peur de mourir peuvent développer un syndrome de stress post-traumatique. Il faut avoir de l’humilité sur tout ce que l’on ne sait pas.

 

Medscape : Vous parlez d’humilité, la recherche sur l’hydroxychloroquine est-elle entravée par les querelles d’experts ?

J-J. Zambrowski : Dans cette crise, nous ne sommes pas toujours dans l’objectivité scientifique. L’urgence devient de la précipitation et la raison disparait. Il y a une pression énorme sur les chercheurs, ce qui est délétère.  Il y a aussi un certain nombre d’intérêts industriels, commerciaux, notamment du côté des fabricants d’antiviraux. Je ne crois pas que les gens soient malhonnêtes, mais ils sont pressés, au sens de pressurisé et de pousser à être le premier à trouver le médicament.

 

Il n’est pas plus raisonnable de publier des résultats sur l’hydroxychloroquine sans revue par les pairs que d’annoncer les résultats positifs sur le tocélizumab en conférence de presse avant d’avoir publié les résultats.

 

Les enjeux de prestige, de finance, de primauté politique, d’influence sont énormes, mais il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’une pandémie et de la vie de patients.

 

 

 

Des anticorps de lama pour lutter contre le SARS-CoV-2 ?

Dr Claude Leroy

11 mai 2020

 
 

Gant, Belgique – La nouvelle avait été évoquée il y a quelques semaines, elle s’est confirmée et précisée entretemps : une équipe de chercheurs gantois (UGent) a pu élaborer un anticorps unique pouvant se lier au virus SARS-CoV-2 et doté d’une efficacité in vitro. Particularité : il provient du lama [1].

Un anticorps de pointe

L’équipe a établi que l’anticorps se lie à un épitope conservé de la protéine de pointe (S) du SARS-CoV-2 et il a été capable de neutraliser en laboratoire un variant du virus, une étape importante dans le développement d’un éventuel médicament contre ce nouveau coronavirus.

Ce qui le rend aussi particulièrement intéressant est non seulement son efficacité (à démontrer encore par des études cliniques), mais aussi la facilité par laquelle il peut être produit en quantité importante – et rapidement.

 

Le sujet a fait l’objet d’un article publié ce 5 mai dans la prestigieuse revue Cell, avec la participation de chercheurs de l’Université du Texas, du NIH américain et de l’Université de Göttingen, en Allemagne. La découverte est d’autant plus prometteuse qu’elle pourrait, à terme, concerner d’autres types de virus.

Sans chaîne légère

Pour comprendre l’originalité de ce travail, il faut savoir qu’à l’instar des requins, les camélidés, dont le lama, peuvent produire deux types d’anticorps en réaction à une infection. Le premier est proche des anticorps humains, tandis que le second est un anticorps monocaténaire (appelé VHH dans le cas des camélidés), où la chaîne légère est absente. Un des avantages du second type, étudié depuis plusieurs décennies déjà, est qu’il ne nécessite pas d’être « humanisé » pour être utilisé en médecine humaine. Ces anticorps également appelés « à domaine unique » font l’objet d’études prometteuses dans différentes pathologies comme la grippe, les cancers, les MICI, ou encore la maladie de von Willebrand.

Avec l’aide bien involontaire du lama Winter

En 2016 déjà, l’équipe de chercheurs de l’Institut flamand de recherche en biotechnologie (VIB-UGent) avait identifié, avec l’aide bien involontaire du lama Winter qui vit dans une ferme de la région, des VHH développés après l’injection de particules du SARS-CoV-1 et du MERS-CoV.

Ces anticorps ont la particularité de se se lier à la protéine de pointe (S) du virus qui s’accroche aux récepteurs (appelés ACE2), portes d’entrée du virus dans la cellule. A l’époque, aucune épidémie liée à ces deux virus n’était en cours, et aucune production de l’anticorps n’a dès lors été envisagée. Dans les grandes lignes, les chercheurs ont démontré que ces anticorps (MERS VHH-55 et SARS VHH-72) pouvaient se lier aussi bien à la protéine S du Sars-CoV-1 que du SARS-CoV-2. Ils ont ensuite élaboré une arme plus efficace sur cette base, l’anticorps bivalent VHH-72-Fc qui vient d’être testé avec succès in vitro.

Un anti-Covid-19 à inhaler

Les VHH sont chimiquement et thermiquement plus stables que les IgG. Il est donc théoriquement possible d’en constituer des stocks durables, directement utilisables en cas de début d’épidémie par exemple. De plus, leur faible taille autoriserait leur administration par nébulisateur, ce qui leur permettrait d’atteindre plus directement le système respiratoire. « Ils pourraient ainsi être utilisés tant en prophylaxie [notamment pour le personnel soignant] qu’en thérapeutique », explique Xavier Saelens, chercheur au VIB-UGent. Néanmoins, pour le moment, Xavier Saelens et ses équipes envisagent plutôt un traitement par injection, « plus conventionnel », plutôt que par inhalation, un mode d’administration moins éprouvé et qui nécessiterait des recherches supplémentaires, a expliqué le chercheur belge à FranceInfo.

« Dans un premier temps, des tests vont être réalisés in vivo, sur des hamsters. » Des résultats sont attendus d’ici deux mois. S’ils sont concluants, des essais sur des humains présentant des symptômes modérés du Covid-19 pourraient commencer.

COVID-19 : ce que nous savons sur la réponse immunitaire au virus

Vincent Richeux

19 mai 2020

Paris, France — A l’heure du déconfinement, des incertitudes persistent au sujet du processus d’immunisation contre le virus SARS-CoV-2. La réponse immunitaire développée après l’infection est-elle suffisante pour assurer une protection sur le long terme ? Existe-t-il un risque de récidive de l’infection ? Après quel délai ?

Pr Jean-Daniel Lelièvre

Pour y voir plus clair, nous avons fait le point avec le Pr Jean-Daniel Lelièvre, chef du service d’immunologie clinique et maladie infectieuses de l’hôpital Henri-Mondor, à Créteil. L’infectiologue rappelle que les craintes se focalisent essentiellement sur la durée de la réponse immunitaire, qui pourrait s’avérer insuffisante pour obtenir une immunité de groupe avant l’arrivée d’un vaccin.

Il évoque également le risque de développer des anticorps délétères à l’origine de lésions pulmonaires, comme cela a été observé lors de l’infection par le SARS-CoV en 2002. Un risque à prendre en compte au moment de développer une stratégie vaccinale, qu’il reste encore à définir.

Medscape édition française : Des experts ont suggéré que l’infection pouvait ne pas être immunisante. Que sait-on aujourd’hui de cette réponse immunitaire contre le SARS-CoV-2 ?

Pr Jean-Daniel Lelièvre : Il est désormais certain que l’infection virale provoque une réponse immunitaire. Selon les dernières données, pendant les deux à trois premières semaines de l’infection, la très grande majorité des patients produisent des anticorps, qui s’avèrent capables de neutraliser le virus de manière efficace. Il n’y a aucune raison de penser que ces anticorps ne sont pas protecteurs.

La réponse humorale apparait donc quasi systématique. Est-ce qu’on en sait plus sur la réponse cellulaire ? 

Pr Lelièvre : La réponse antivirale fait également intervenir une réponse dite cellulaire mettant en jeu les lymphocytes T CD8+. Ceux-ci ne protègent pas à proprement parler contre l’infection mais permettent d’éliminer les cellules infectées. Certains patients ont pu guérir de l’infection sans passer par cette réponse humorale, ces cas sont très rares. La réponse immunitaire s’est alors probablement limitée à une réponse cellulaire par activation des lymphocytes T, suffisante pour éliminer le virus sans avoir de production d’anticorps, mais on ne dispose pas à l’heure actuelle de données sur cette réponse cellulaire au cours de l’infection par le SARS CoV-2.

Plus que la présence d’une réponse immunitaire, c’est davantage la durée de cette réponse qui pose question…

Pr Lelièvre : Oui et, pour l’instant, le recul n’est pas suffisant pour savoir combien de temps les anticorps neutralisants se maintiennent dans l’organisme. Dans le cas de l’infection par le SARS-CoV, responsable d’une pathologie proche ayant entraîné une épidémie de bien moindre ampleur en 2002, les anticorps persistent environ trois ans. Le maintien de la protection humorale dépend aussi de l’activation des lymphocytes B mémoire, capables de produire à nouveau les anticorps en cas de nouvelle infection. Or, les études menées sur le coronavirus SARS-CoV ont montré que ces lymphocytes n’étaient plus présents après six ans. Dans le cas des infections avec des coronavirus provoquant des rhumes bénins, la durée de la protection est encore plus courte et ne dépasse pas quelques mois.

La crainte est donc d’avoir une persistance des anticorps pendant seulement quelques mois, voire un an. Etant donné qu’il nous faut plus d’un an avant d’avoir un vaccin, il serait alors impossible d’avoir une immunité de groupe suffisante pour stopper l’épidémie. Les personnes contaminées ayant développé une immunité au début de l’épidémie pourraient être à nouveau infectées par le virus.

Les stratégies vaccinales à venir vont dépendre de ces informations. La plupart des vaccins sont conçus pour induire uniquement une réponse humorale. Il sera peut-être nécessaire d’avoir un modèle vaccinal capable de provoquer à la fois une production d’anticorps et une réponse cellulaire pour assurer une protection optimale.

Par ailleurs, si la réponse naturelle est de courte durée, il faudra certainement recourir à des vaccinations répétées au cours de la vie.

On a redouté un risque de réinfection malgré une immunisation et la présence d’anticorps. Est-ce que ce risque est avéré ?

Pr Lelièvre : Il n’y a pas de cas documentés de recontamination après avoir acquis une immunité contre ce virus. Cette hypothèse a été évoquée après plusieurs cas de patients sud-coréens guéris puis à nouveau testés positifs au SARS-CoV-2. Il s’avère qu’il ne s’agit pas de virus entier infectieux, mais de débris de virus, non infectieux, naturellement éliminés par les voies aériennes au cours du processus de récupération. En clair, il ne s’agit pas d’une réinfection, mais d’une persistance de matériel génétique viral en cours d’expulsion.

 

 

Des experts ont aussi évoqué un risque de développer des anticorps ayant un effet aggravant. Qu’en pensez-vous ?

Pr Lelièvre : Il y a effectivement des inquiétudes sur une éventuelle apparition d’anticorps délétères, qui contribueraient à l’aggravation de l’infection, ce qui évidemment interroge au moment où des vaccins sont en train d’être développés.

La présence de ces anticorps a été suggérée à partir des observations menées lors de l’épidémie de SARS-CoV. Des chercheurs ont montré qu’un candidat vaccin testé chez le singe provoquait des lésions au niveau pulmonaire, alors que les anticorps contribuaient initialement à contrôler l’infection, sans avoir de signes préoccupants.

Comment explique-t-on ce mécanisme délétère ?

Pr Lelièvre : Ce phénomène immunopathologique est retrouvé avec d’autres coronavirus. On pense que le mécanisme est lié à l’activation de macrophages par la portion Fc des immunoglobulines. En présence de ces anticorps, les macrophages changent d’aspect et induisent une réaction inflammatoire qui fragilise l’épithélium pulmonaire. C’est d’ailleurs pour cette raison que les anticorps de lama, dépourvus de chaine légère, sont envisagés comme traitement contre cette infection. De manière intéressante, les anticorps prélevés sur des patients décédés de l’infection par le SARS-CoV induisaient les mêmes effets délétères in vitro sur des macrophages humains, contrairement à ce qui a été observé avec des anticorps issus d’individus ayant guéri de l’infection. On ne sait pas si de tels anticorps délétères pourraient exister au cours de l’infection par le SARS-CoV-2. Mais, il faut rester vigilant sur ce point dans le développement de stratégies vaccinales contre le nouveau coronavirus.

Faut-il craindre également le maintien du virus dans l’organisme, qui pourrait subsister dans des réservoirs et se réactiver plus tard ?

Pr Lelièvre : Les processus de réactivation virale s’observent surtout avec des virus à ADN. Pour l’instant, il n’y a pas d’argument en faveur de l’existence de réservoirs viraux pouvant maintenir le SARS-CoV-2 sous forme latente. Il existe beaucoup d’incertitudes concernant ce virus et il faut rester prudent.

S’il s’avérait que ce virus persiste dans des réservoirs, il s’agirait de réservoirs anatomiques et non pas cellulaires, puisqu’il n’a pas la capacité d’insérer son matériel génétique dans le génome des cellules. Le testicule, qui est une zone anatomique caractérisée par une défense immunitaire plus faible, pourrait ainsi constituer un réservoir. C’est ce que l’on observe avec le virus Ebola ou le virus Zika, qui peuvent alors se transmettre par voie sexuelle. Dans le cas du SARS-CoV-2, ce n’est qu’une hypothèse. Cela n’a pas été observé avec les autres coronavirus.

On fait souvent référence aux autres coronavirus pour comprendre les mécanismes d’infection du COVID-19. Pourquoi la dynamique de l’épidémie est cette fois si différente ?

Pr Lelièvre : Dans le cas de l’épidémie du coronavirus du syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS-CoV), survenue en 2012, ou de celle de 2002 provoquée par le coronavirus du syndrome respiratoire aigu sévère (SARS-CoV), les infections se sont arrêtées d’elles-mêmes. A la différence de l’épidémie actuelle, la contagiosité augmentait au fur et à mesure de l’aggravation des symptômes. Il était alors facile d’identifier les patients contagieux, de les isoler rapidement et de contrôler ainsi la circulation des virus.

Le problème avec ce nouveau coronavirus est que les personnes infectées peuvent contaminer avant de développer des symptômes, sans parler des nombreux cas qui transmettent le virus tout en restant asymptomatiques.

Le problème avec ce nouveau coronavirus est que les personnes infectées peuvent contaminer avant de développer des symptômes, sans parler des nombreux cas qui transmettent le virus tout en restant asymptomatiques. Il n’est pas possible de maitriser l’infection tant que les personnes contagieuses ne sont pas identifiées. D’où l’importance de dépister tous ceux, symptomatiques ou non, qui ont été en contact avec une personne testée positive.